MBA de McGill - L'incohérence

McGill - un corps étranger


Si McGill va contre les règles budgétaires en exigeant 29 500 $ pour son MBA, Québec retirera la quasi-totalité du montant en guise de pénalité. Cette bravade serait regrettable, car elle créerait un important précédent: la privatisation d'un programme au sein d'une université publique.
Le Québec a de quoi s'enorgueillir de l'excellence et de la réputation de l'Université McGill. Sa fiche de qualité n'est d'ailleurs pas remise en question dans l'affaire du MBA autofinancé qui oppose l'Université au ministère de l'Éducation. Cela ne l'autorise pas, sans en débattre, à imaginer et à imposer une nouvelle manière de faire.
L'histoire dira si le Québec finira par choisir l'option de la déréglementation sélective, tant ses universités étouffent sous le poids du sous-financement. Pour le moment, il n'a pas fait ce choix. Le débat n'a pas eu lieu. Ailleurs au Canada, une spectaculaire vague de hausses de droits de toutes sortes témoigne de la volonté des établissements de trouver des fonds en se détournant des sources publiques limitées — en fait foi le texte ci-contre, sur la faculté de droit de l'Université de Toronto. Rares sont toutefois les institutions qui font fi des règles édictées par l'État.
Le Devoir révélait la semaine dernière un élément d'information qui remet en question la cohérence de McGill dans sa quête d'un MBA autofinancé. En effet, au cours de ses échanges avec le ministère de l'Éducation, l'université s'est vu offrir la possibilité de déréglementer les droits imposés aux étudiants étrangers et Canadiens non résidents du Québec. Cela lui aurait permis de hausser les droits comme elle l'entend, en tout respect des règlements, pour un pourcentage appréciable de sa clientèle inscrite au MBA. L'Université a refusé cette option. Elle soutient qu'elle n'aurait pas été rentable.
C'est pourtant McGill qui, depuis des lustres, revendique le droit au déplafonnement des droits versés par les étrangers — qui fréquentent son établissement plus que tout autre au Québec. C'est McGill aussi qui, aux prises avec des difficultés financières en 2004, avait décidé de rehausser les droits de cette clientèle étrangère envers et contre les règles budgétaires. Mme Heather Munroe-Blum, principale de McGill, avait alors invoqué devant la Commission de l'éducation le fait que «la qualité et l'accessibilité sont plus importantes que les règles». C'est McGill enfin qui, en 2006, demandait à Québec de mettre fin aux exemptions accordées à près de 40 % des étudiants étrangers en vertu d'ententes avec leur pays d'origine, et ce, pour augmenter ses revenus.
La recherche d'avenues diversifiées de financement n'est pas inédite sur ce campus, qui a sérieusement flirté avec l'idée de privatiser sa faculté de droit, et aussi de créer un McGill College International entièrement privé, qui offrirait un programme de premier cycle en arts et sciences. Ces projets sont morts au feuilleton, mais témoignent de la volonté de l'établissement de puiser du côté des droits de scolarité une nouvelle garantie financière.
McGill n'est pas seule porteuse de ces ambitions. D'autres chefs d'établissement, étonnamment silencieux par les temps qui courent, sont tout aussi préoccupés par les conséquences désastreuses du sous-financement et rêvent de fracasser des portes. S'il le faut, que le débat se fasse de manière franche et que chacun ait voix au chapitre.


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