Marois rudoie la gauche péquiste

L'expulsion du SPQ Libre confirme le virage à droite, dit Marc Laviolette

PQ et SPQ-Libre

Pauline Marois s’adressant aux militants du Parti québécois, hier, lors de la clôture d’un colloque tenu à Lévis et ayant pour thème «Des Québécois plus riches». La rencontre a été l’occasion pour l’exécutif d’exclure le club politique SPQ Libre des rangs du parti.

Photo : Clément Allard - Le Devoir
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Lévis — En éjectant samedi soir le club Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre (SPQ Libre), Pauline Marois a confirmé le virage à droite de sa formation politique. C'est du moins ce qu'a soutenu le président du club de gauche, Marc Laviolette, qui a quitté le conseil national péquiste hier, une heure avant que la chef péquiste ne prenne la parole. L'ancien président de la CSN s'est déclaré pour l'instant «péquiste indépendant»: «on ne claque pas la porte, on la ferme doucement», a-t-il soutenu.
Pour la chef péquiste, de nombreuses raisons ont milité pour l'éjection du SPQ Libre. D'abord, plusieurs avaient l'impression au PQ que les militants normaux du parti se trouvaient relégués à une «seconde zone» par rapport à ceux du SPQ Libre. À leurs yeux, ceux appartenant à ce club semblaient avoir un statut particulier, car ils pouvaient prendre la parole sur la place publique, «contester certaines orientations mêmes du parti, le faire en dehors des lieux où ça se fait généralement», selon les mots de Mme Marois. Bref, ils «avaient l'impression qu'ils se faisaient littéralement tasser» par des gens qui, au reste, participaient peu au financement et aux corvées ordinaires du parti. Pauline Marois a aussi évoqué un relevé d'articles de presse sur ce club indiquant que dans presque 80 % de ces textes, il critiquait le Parti québécois et ses dirigeants. La dissidence est inscrite dans les statuts du parti, mais elle doit s'exprimer dans les instances, et non pas «à l'extérieur», comme avait l'habitude de le faire le club.
Un héritage de l'ère Landry
Le SPQ Libre est un héritage du dernier congrès où Bernard Landry était chef. M. Landry cherchait à retenir une certaine gauche tentée de rejoindre un nouveau parti alors en gestation, et qui aboutira en janvier 2006 à la fondation de Québec solidaire. Le club n'a jamais compté un très grand nombre de membres (il en revendique actuellement quelque 400). Parmi ces derniers, les statuts exigeaient que 200 d'entre eux seulement aient leur carte du Parti québécois. Les autres étaient d'abord et avant tout des membres du SPQ Libre, et certains avaient adhéré à Québec solidaire. «C'était une sorte d'appendice bizarre», a commenté un membre de l'entourage de Mme Marois. Selon Mme Marois il aurait été souhaitable que d'autres clubs politiques se créent au sein du PQ, mais cela ne s'est pas produit.
S'il a pu refuser de reconduire la reconnaissance d'un club politique, l'exécutif du parti ne peut toutefois pas décider seul de changer les statuts de la formation politique qui rendent possible depuis 2005 la présence des clubs politiques au sein de la formation politique. Un débat sur le sujet aura donc lieu au congrès du parti, qui doit se tenir en 2011.
Depuis sa création en 2004, le SPQ Libre s'est surtout fait remarquer par ses sorties contre les chefs péquistes lorsque ces derniers s'écartaient d'un discours de gauche ou pro-syndical. Marc Laviolette et Pierre Dubuc ont, en 2007, réclamé la tête d'André Boisclair. Depuis l'arrivée de Mme Marois à la direction du PQ, le SPQ Libre s'était montré plus discret. Mais à la fin janvier, dans une entrevue au Devoir, son président Marc Laviolette avait fustigé Mme Marois après que cette dernière eut soutenu que les demandes des syndicats du secteur public en négociations avec le gouvernement, étaient «un peu élevées» et qu'il était temps de procéder à un «dégraissage» de l'État. Mme Marois dit ne pas avoir apprécié un des derniers textes, publiés la semaine dernière dans Le Devoir et signés par Marc Laviolette et Pierre Dubuc. «De me traiter de fédéraliste, je trouvais ça assez ordinaire», a-t-elle noté hier en faisant référence à cette tribune libre.
Entre le vote adéquiste et Québec solidaire
Dans son discours de clôture, Pauline Marois a soutenu que le PQ était fondé sur l'idée de «liberté» et que c'était un lieu où doit s'exprimer une «multiplicité» de points de vue. Décrivant cela comme une «grande force», elle a toutefois noté que pour «arriver à le faire, il nous faut la sérénité, l'unité et la solidarité nécessaires pour débattre dans le respect». Le président du parti, Jonathan Valois, a pour sa part faire valoir que de nos jours, «les gens sont attirés par les partis qui ont de la cohésion, qui ont de la cohérence».
Pour Marc Laviolette, l'expulsion de SPQ Libre signifie le retour de la «pensée unique» au PQ. L'objectif étant selon lui de récupérer le vote de l'ADQ, notamment les 700 000 qui ne se sont pas présentés aux urnes à la dernière élection. Mais le syndicaliste a dit douter que cette stratégie — qu'il a qualifiée d'«électoraliste et provincialiste» — puisse fonctionner.
Du côté de Québec solidaire, on se réjouissait tout en se gardant de pavoiser, hier. L'unique député de QS, Amir Khadir, s'est dit «assez triste pour Marc [Laviolette], Pierre Dubuc et leurs alliés» qui, selon le député, ne demandaient «rien de plus au PQ» que de rester fidèles à leurs convictions. M. Khadir a toutefois souligné que le virage à droite du PQ n'est pas nouveau puisque, avant Mme Marois, ce parti a été dirigé par trois chefs — Lucien Bouchard, Bernard Landry et André Boisclair —, qui avaient tous des «idées de droite». M. Khadir a dit se refuser pour l'instant de faire pression sur les membres du SPQ Libre pour qu'ils se joignent à QS. «Je vais les laisser faire leur réflexion», a-t-il dit.
Tout le week-end, Pauline Marois a multiplié les déclarations et prises de position en vue de tirer son parti vers le centre, au cours du colloque sur la création de richesse qui a pris fin hier à Lévis, et qui a réuni quelques centaines de membres. «Oui, c'est un virage», a reconnu la chef souverainiste, en clamant que le PQ demeurait à ses yeux «plutôt de centre-gauche». Mais sous sa direction, désormais, le PQ devra plaider pour un État moins interventionniste, moins providentiel.
Enrichissement personnel
Sur le site Vigile.net, l'ex-candidat de l'Union des forces progressistes dans Mercier (où il avait empêché la victoire d'un péquiste), et membre fondateur de Québec solidaire, Paul Cliche, a, dès hier après-midi, publié une tribune libre intitulée «[Encore une fois, les masques sont tombés»->26253] qui se terminait sur ces mots: «Bienvenue à Québec solidaire, "camarades", comme aurait chanté le regretté Jean Ferrat.» La décision du PQ prouve selon lui qu'il «n'y a pas de place au sein d'une formation à l'idéologie néolibérale pour tout groupe progressiste qui a la moindre épine dorsale». La nouvelle orientation du PQ présentée en fin de semaine, par laquelle «l'enrichissement personnel supplante l'enrichissement collectif», constitue à ses yeux un «reniement de l'orientation que le PQ professait depuis sa fondation».
Opposition de Monique Richard
M. Cliche se disait surpris que «Monique Richard, l'ancienne présidente du SPQ Libre maintenant députée, ne se soit pas opposée à l'expulsion». Croisée à la fin des travaux, l'ancienne présidente de la CSQ a indiqué qu'elle s'était opposée à la décision de l'exécutif. Elle s'est bornée à ce commentaire: «Je prends acte de la décision et c'est tout. J'ai fait valoir mon point de vue au caucus et je vais arrêter cela maintenant.»
Comme pour ne pas s'aliéner une certaine gauche, Mme Marois a insisté sur le fait que le prochain colloque du Parti québécois les 14 et 15 mai à Drummundville portera sur l'égalité des chances. Lors de la dernière plénière hier après-midi, le député de Laprairie, François Rebello, a aussi lancé un appel aux «travailleurs» du secteur public.
Fait cocasse ou conséquence logique des derniers événements, sur le site spqlibre.org, l'onglet conduisant à la formule d'adhésion au Parti québécois aboutissait hier à une inscription suivante: «Page not found.»
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Avec la Presse canadienne


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