Lumière sur les conditions pitoyables des artistes

Harper et la culture



Joignant sa voix à celle des artistes et de nombreuses organisations culturelles du Québec ayant déjà exprimé leurs craintes, leur colère et leur incrédulité devant l'ampleur des coupes du gouvernement minoritaire de Stephen Harper dans les programmes culturels, l'Association des professionnels des arts de la scène du Québec (APASQ) souhaite apporter le point de vue des concepteurs en arts de la scène et illustrer un impact important de la décision du gouvernement fédéral: l'appauvrissement irrémédiable des artistes et des créateurs québécois.
Il faut savoir que pour chaque spectacle qui ne partira pas en tournée faute de soutien financier, résultat direct de l'abolition des programmes PromArt et Routes commerciales, ce sont plusieurs concepteurs professionnels des arts de la scène -- créateurs de costumes, éclairagistes, scénographes, accessoiristes, etc. -- qui ne toucheront pas de redevances, soit les sommes qui leur sont versées en droits d'auteur pour l'utilisation de leur travail créatif.
Cette situation est pour eux lourde de conséquences puisqu'une partie importante des revenus de ces professionnels est justement constituée de redevances. Et c'est sans compter toutes les créations qui, envisagées dans un contexte de coproduction avec des partenaires à l'étranger, demeureront à l'état de projets, privant ces mêmes professionnels de cachets de création.
Triste constat
Il faut savoir qu'avant même l'abolition de ces programmes fédéraux, l'étude Profil statistique des artistes au Canada (septembre 2004), publiée par Hill Strategies Recherche inc., faisait déjà état d'un constat peu enviable quant au statut économique de l'artiste: «Avec un revenu moyen de 23 500 $, les artistes arrivent dans le quart inférieur des groupes professionnels. [...] Plus de 40 % des artistes ont un diplôme universitaire, mais les artistes ayant une formation universitaire gagnent, en moyenne, à peine plus de la moitié du revenu moyen des détenteurs de diplômes universitaires dans la population active totale. Dans cinq professions artistiques, le revenu médian est environ 10 000 $.»
Réalisée dans le cadre des Seconds États généraux du théâtre professionnel québécois par le Conseil québécois du théâtre (CQT), en collaboration avec l'APASQ, l'étude sur les conditions socioéconomiques des concepteurs de théâtre a quant à elle permis de révéler que plus de la moitié des concepteurs professionnels, soit 53,4 %, ont un revenu annuel brut moyen inférieur à 24 999 $, et que 17,5 % d'entre eux déclarent des revenus de moins de 15 000 $, ce qui est sous le salaire minimum de 8,50 $ l'heure pour une semaine de travail de 35 heures.
Aggraver la situation
Lorsque l'on sait qu'une production représente jusqu'à deux ou trois mois de travail et qu'elle offre, dans plus de la moitié des cas (55 %), un cachet inférieur à 4 000 $, on peut aisément comprendre la précarité dans laquelle vivent les professionnels en arts de la scène. [...]
Plusieurs concepteurs, pourtant passés maîtres dans l'art de vivre dans l'incertitude, se disent présentement très peu confiants en l'avenir, et on voit même apparaître chez certains d'entre eux une remise en question quant à la poursuite de leur carrière dans une profession qu'ils exercent par ailleurs avec un talent reconnu, tant sur le plan international qu'ici même, au Québec. Bien qu'ils soient nourris jour après jour par une passion sans nom pour leur profession, ne serait-il pas légitime qu'ils puissent gagner leur vie décemment?
En cette période de rentrée scolaire, l'APASQ a une pensée spéciale pour les jeunes qui commenceront ou compléteront cette année leur formation dans les cégeps de Saint-Hyacinthe et de Lionel-Groulx, aux universités Concordia et à l'UQAM, à l'École nationale de théâtre, au Conservatoire de Québec ainsi que dans les autres établissements d'enseignement du pays. L'APASQ s'interroge sur le message que le gouvernement Harper envoie à tous ces artistes et créateurs de la relève qui rêvent de suivre les traces de leurs maîtres. Auront-ils encore une place où faire valoir leur talent?
On nous apprenait récemment qu'une partie des sommes économisées grâce à l'abolition des programmes culturels du ministère du Patrimoine canadien sera réinvestie dans le Relais de la flamme des Jeux olympiques de 2010. L'APASQ croit pour sa part qu'il ne faut pas mettre dos à dos les sports et les arts, mais bien interroger dans leur globalité les choix et les priorités exprimés par le gouvernement Harper dans le cadre de la présente révision des programmes fédéraux, notamment en regard des investissements importants dont bénéficiera le secteur militaire. L'APASQ est sans voix face à ces choix, grandement préoccupée par les conséquences directes et indirectes des coupures annoncées et encore plus alarmée par les dégâts profonds qu'elles ne manqueront pas de causer.
Irresponsabilité
À la lumière des informations données et de la couverture médiatique ayant suivi l'annonce de la disparition de nombreux programmes culturels, il apparaît évident que les décisions prises par le gouvernement de Stephen Harper reposent sur des considérations de nature subjective, relevant d'une idéologie ne reflétant absolument pas celle à laquelle adhèrent les Canadiens.
L'APASQ croit qu'il est totalement irresponsable de fragiliser de la sorte le milieu artistique et d'appauvrir les créateurs sur ces bases pour le moins discutables. Aussi l'APASQ s'unit-elle aux artistes, aux organismes culturels et aux citoyens et demande au gouvernement fédéral de faire amende honorable et de renverser une décision qui, de toute évidence, aurait un impact dévastateur sur la vie de milliers de personnes oeuvrant dans le milieu artistique.
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Raymond Marius Boucher, Président de l'Association des professionnels des arts de la scène du Québec (APASQ)

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