Lisée, pas qu'un «grand fendant»

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Lisée incapable d'assumer ses responsabilités

CHRONIQUE / Comme toutes les aventures, celle de Jean-François Lisée à la tête du Parti québécois (PQ) a été une rencontre avec lui-même et avec les autres.


Dans «Qui veut la peau du Parti québécois?», il écrit être parvenu à «montrer à la base péquiste» qu’il n’était pas tout à fait «le grand fendant-prétentieux-snob» dépeint par les médias.


Certains de ses anciens collègues péquistes vous diraient sans doute qu’ils le voient toujours encore pas mal ainsi, mais il a certes fait tomber des barrières.


Pour le stratège qu’il a été, cette aventure à la tête du PQ a aussi constitué une leçon. Il dit en être ressorti avec le sentiment que les grands événements et les hasards comptent plus que les discours et que bien des idées couchées dans les programmes des partis.


C’est un constat cruel pour les partis politiques, mais lucide. Pour Jean-François Lisée, c’est aussi en passant une façon de se dédouaner quelque peu de la raclée encaissée par son parti le 1er octobre.


Sa grande explication


Le livre de Jean-François Lisée n’est pas un règlement de comptes — sauf avec Québec solidaire. C’est son explication de la dernière défaite péquiste. C’est aussi, donc, inévitablement, une justification. 


Il ne convaincra pas pour autant nécessairement tous ses lecteurs qu’il a eu raison de s’en prendre à Manon Massé lors du débat des chefs à TVA.


Le premier ministre François Legault sera toutefois d’accord avec lui pour dire que la victoire de la Coalition avenir Québec (CAQ) lors de la partielle dans la circonscription de Louis-Hébert, un an avant le scrutin général, a constitué un événement majeur. Elle a démontré que la CAQ pouvait battre les libéraux.


Louvoyer


À mes yeux, ce n’est pas la prédiction de sa mort entendue ad nauseam qui a contribué à la énième défaite du Parti québécois, comme Jean-François Lisée le soutient, mais le fait que son offre politique et ses incessants louvoiements ont lassé de plus en plus de personnes au fil du temps. Le PQ n’a pas seulement louvoyé, il a finassé au fil des ans.


Qui plus est, depuis plus d’une génération, il n’a jamais défini sa proposition phare, la souveraineté. Quelle voilure? Monnaie commune? Armée? Rien en partage avec le reste du Canada, sauf un accord de libre-échange?


Les «détails» divisent, c’est vrai. Mais ils peuvent aussi alimenter un débat de fond.


Un Titanic


Que, d’une part, M. Lisée ait voulu céder sa place à Véronique Hivon pendant la précampagne électorale et que, d’autre part, celle-ci ait refusé en dit beaucoup sur l’état de ce parti et sur l’état d’esprit de ses principaux ténors.


Mme Hivon a raison : ce changement de dernière minute n’aurait pas respecté les résultats de la course à la direction.


Mais, au fond, ce que l’on comprend de cet épisode, c’est que ni lui ni elle n’avaient vraiment envie, à ce moment-là, d’être le capitaine du Titanic.


Ah, les médias...


Lorsque Jean-François Lisée a fait son entrée comme député à l’Assemblée nationale en 2012, nous nous étions réjouis avec mes collègues journalistes d’alors, Michel Corbeil et Simon Boivin, et le chroniqueur Gilbert Lavoie : «Super, un élu dont il sera facile de rapporter les propos entre guillemets!»


Ce que disait ce député, devenu plus tard ministre et par la suite chef s’est toujours facilement couché sur papier.


Ce livre, dont le sous-titre est «Et autres secrets de la politique et des médias», se lit bien parce que Lisée ne fait pas que parler avec aisance, il écrit bien. Et clairement. Et il dit des choses.


À propos des pages qu’il a écrites sur les relations entre les responsables politiques et les médias, j’ai toujours été surpris moi aussi d’entendre des citoyens suivant pourtant l’actualité de près affirmer que tel ou tel parti n’abordait jamais telle ou telle question, même si la formation politique en question passait son temps à le faire.


Comme il l’écrit, et même si certains médias accordent une grande place aux informations politiques, bien peu des idées et des projets des partis se rendent jusqu’aux grands bulletins de télé du soir.


J’appuie également Lisée lorsqu’il écrit «que la couverture est souvent déséquilibrée en faveur de la controverse». Oui, trop d’informations et de propositions porteuses sont éclipsées par des controverses plus ou moins insignifiantes.


Le livre de Lisée en est un de «politique appliquée». Il devrait trouver sa place dans les listes de lecture de bien des cours de sciences politiques et de communications, tant il est concret et lève un voile sur les obligations d’un chef de parti et sur les exigences de la fonction. C’est aussi un livre humain, et c’est ce qui en fait son principal intérêt.




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