Lettre ouverte aux pressés

Tribune libre

J’écrivais le 20 mars sur la tribune libre : […“Soyons patriotes et appuyons notre candidat à la chefferie en souhaitant que les quatre autres participants à la course se comportent dignement et ne tiennent pas de propos susceptibles de nourrir la hargne et la vindicte mensongère de leurs adversaires politiques qui, de toute façon, n’ont aucune objection sérieuse ou valable à apporter à la réalité que sa déclaration a mise en lumière. Tout immigrant sincère et le moindrement objectif en aura compris le sens et ne s’en sera pas offusqué. Il en est de même pour n’importe quel québécois francophone, anglophone ou allophone, de souche ou d’adoption, qui réfléchit à la question sous l’angle de l’indépendance aussi bien que sur celui de la fédération canadienne, en prenant en considération l’incontournable réalité de l’existence de la Nation québécoise et de son statut « francophone ».”…]

Comment pouvons-nous sérieusement songer à faire notre indépendance en nous autoflagellant ou en jetant la pierre aux immigrants alors qu’ils vivent parmi nous, que comme nous ils payent leurs taxes et leurs impôts et votent aux élections. Ils auront leur mot à dire au moment de répondre oui ou non lorsqu’on leur demandera s’ils veulent que le Québec devienne un pays et ils seront aussi libres que n’importe qui parmi nous de répondre selon leur conviction ou leur compréhension des arguments ou des faits historiques qui nous auront amenés à faire ce choix. Et ce choix ne sera éclairé que si nous enseignons notre histoire, que si nous-mêmes la connaissons et la diffusons, que si nous faisons la pédagogie de l’indépendance.

Les véritables ennemis de notre nation sont parmi nous et instrumentaliser les immigrants détourne notre attention des causes profondes de notre incapacité à nous dire oui à nous-mêmes. Comment 80% de francophones, incluant les francophiles pourraient-ils ne pas faire plus que le poids nécessaire pour la venue de notre émancipation nationale et territoriale? La seule façon de mettre fin à la tyrannie de l’omnipotence de ceux qui nous gouvernent, que ce soit à Ottawa ou à Québec, c’est l’éducation qui, prioritairement, par l’enseignement de l’histoire, de la géopolitique et de la langue française parlée et écrite, ne peut produire que des citoyens conscients de leur véritable identité, de leurs racines, de leur culture et du bien fondé de se donner un pays où ces valeurs fondamentales sont protégées et conservées. Le Québec répond à tous les critères qui servent d’assises à l’existence d’un pays et d’une nation.

Nous ne pouvons nous en prendre qu’à nous-mêmes lorsque nous acceptons qu’un premier ministre canadien affirme que Samuel de Champlain fut le premier gouverneur général du Canada. Comment des Québécois francophones peuvent-ils ne pas monter aux barricades face à la déformation des faits historiques qui ont présidé à notre établissement en Amérique du Nord il y a plus de 400 ans jusqu’à notre époque alors que des historiens de chez nous on écrit et édité des magnifiques ouvrages qui ne laissent aucun doute sur notre droit de revendiquer pour nous-mêmes notre territoire et ses ressources? L’ignorance est la racine de tous les mots et ceux-ci deviennent les chaînons du développement des individus comme des nations. Aussi bien pour nous que pour les immigrants, ne pas connaître notre histoire nous prive d’une véritable identité. Ne pas éduquer correctement les nôtres et ne pas encadrer les immigrants dès leur arrivée laisse place à l’ignorance et au laisser-aller qui caractérise une bonne partie de notre jeunesse et d’un trop grand nombre d’adultes qui les ont mis au monde et qui ignorent tout de ce qui a fait du Québec ce qu’il est devenu et ce vers quoi il doit tendre pour assurer sa survie en tant que nation. Quand une génération presque entière de jeunes adultes ignore qui est Émile Nelligan, pense que René Lévesque est un boulevard, et admet l’idée que Champlain fut le premier gouverneur général du Canada, il y a de quoi être inquiet. Comment alors demander à des immigrants de comprendre pourquoi nous voulons devenir indépendants?

Pierre Karl Péladeu a clairement fait connaître son intention de créer un institut de recherche scientifique et appliquée sur l’indépendance, qui aurait pour mandat d’en mesurer les bienfaits et les bénéfices. Les études porteraient aussi bien sur les revenus à tirer du passage sur le fleuve de pétroliers que sur les réels bénéfices de la péréquation. Voilà le genre d’engagement que nous devons approuver et encourager. Depuis son entrée en politique, nous avons pu constater qu’il n’en fait ni n’en fera jamais comme les autres; et c’est tout à son honneur. Jusqu’à présent, il nous a démontré de façon convaincante qu’il était possible de rejoindre une majorité de Québécois sans avoir à répondre aux questions insidieuses de journalistes ou de chefs d’antennes et sans se faire piéger tout en les laissant sur leur soif. Son utilisation des réseaux sociaux est avant-gardiste et lui permet de sans cesse devancer ses détracteurs tout en s’adressant directement à ses concitoyens et à ses partisans. Dès lors, je ne vois aucune raison de prendre le mord aux dents parce qu’il s’est excusé auprès des immigrants pour une déclaration qui ne pouvait que blesser la sensibilité de certains d’entre eux et qui, en réalité, a surtout atteint ceux des nôtres qui s’en sont servie pour mieux en amplifier la portée en usant de la plus ignoble démagogie et de propos complètement outranciers. Comment pourrions-nous reprocher à un immigrant complètement ignorant de notre histoire et qui plus est, se sait accueillit chez nous par le Canada et ne pouvant faire la distinction entre sol canadien et sol québécois, de se sentir attaquer et responsable du fait que nous n’aurions pas encore fait notre indépendance à cause de gens comme lui?

Sur sa page Facebook, dans un message intitulé ‘Mes excuses’, il a écrit : “ J'aimerais m'excuser de la malheureuse phrase sur la démographie et l'immigration que j'ai dite hier. Cette phrase était inappropriée et ne reflète pas ma pensée. Le succès de notre projet collectif dépend de notre capacité de rassembler l'ensemble des Québécois de toutes origines. J'entends faire preuve de "leadership" sur cette question, poser des gestes concrets pour maintenir le dialogue avec les communautés et travailler fort pour mieux expliquer le projet et les bénéfices de l'indépendance du Québec.
Si je me suis engagé en politique, c’est pour faire du Québec un pays qui continuera d’être généreux pour l'ensemble des citoyens, quelles que soient leurs origines. Je travaille d’ailleurs étroitement avec le député de Bourget Maka Kotto pour que nous engagions un dialogue constant, riche et convergent de nos expériences respectives. C’est un objectif incontournable
.”

Il n’y a pas de recul dans cette déclaration; juste une clarification et une main tendue pour un dialogue et une reconnaissance du droit de chaque citoyen de participer à l’élaboration, à la mise en place et à la réalisation d’un projet qui mènera à la création d’un pays appelé Québec.

Cessons donc de faire de la petite politique nombriliste ou de nous émouvoir pour peu de choses et soutenons les efforts et l’engagement de Pierre-Karl Péladeau. Cessons de demander à nos chefs d’être parfaits, de nous plaindre à la moindre occasion du moindre de leurs gestes ou de la moindre de leurs déclarations. Demandons-nous si nous serions capables de faire mieux dans les mêmes circonstances. Nos leaders comme nos héros sont à l’image de ce que nous sommes et nous exigeons sans cesse d’eux ce que nous n’avons pas la force ou le courage de faire. Rome ne s’est pas construite en un jour et notre pays ne naîtra pas d’un claquement de doigts ni de nos seules bonnes intentions, mais de notre capacité à encourager, soutenir et respecter ceux qui donnent le meilleur d’eux-mêmes pour sa venue.

Je dis bravo à mon candidat Pierre-Karl Péladeau et j’entends le soutenir jusqu’au bout sans aveuglement, sans partisanerie, mais rempli de l’espoir qu’il ira au bout de ses engagements.


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2 commentaires

  • Jean-Pierre Bélisle Répondre

    22 mars 2015

    De la déclaration de Monsieur Péladeau, le plus important à retenir c'est qu'IL NE RESTE QUE 25 ans.
    C'est l'essence, la "substantifique moelle" de son évaluation.
    Quant au reste.. "tout ce qui grouille, grenouille et scribouille n'a pas de conséquence historique".
    Relisons le Rapport Durham
    http://www.axl.cefan.ulaval.ca/francophonie/Rbritannique_Durham.htm

  • Ivan Parent Répondre

    21 mars 2015

    M. Thompson, je ne peux que vous féliciter pour la clarté de votre texte. Le point très important que vous abordez est justement le fait que pour les personnes arrivant à nos frontières, que ce soit par avion ou autrement, pour eux, c'est au Canada qu'ils arrivent et non au Québec. Mon épouse est viêtnamienne et je n'arrive pas encore, après 25 ans de vie commune, à lui faire comprendre notre désir d'indépendance. Elle a vécu la guerre et les privations. Pour obtenir sa citoyenneté, vous auriez dû voir tous les textes de propagande fédéralistes qu'elle a dû apprendre avant de prêter, comme les députés, serment à la reine. J'étais tout à fait scandalisé de lire de telles choses. Ma femme est venue ici par choix. Nous nous étions mariés au ViêtNam mais ceux qui arrivent ici de pays en guerre ou souffrant de famine ou autre chose, le Canada revêt pour eux un asile bienfaisant. Je connais un organiste de calibre international qui a marié une Québécoise, qui parle maintenant français mais qui, même après 30 ans de vie ici, ne peut admettre que nous voulions nous prendre en main.
    Comme M. Thompson le mentionne, ce n'est pas la faute des immigrants mais celle de notre laxisme à leur donner l'information pertinente et aussi les gouvernements, surtout libéraux, de faire venir un trop grand nombre d'immigrants pour nous noyer et pour que nous n'ayons pas le temps de les intégrer. Il faut leur enseigner l'histoire du Québec parce qu'eux, reçoivent à l'entrée, celle du Canada arrangé à sa manière.
    M. Thompson, puisse votre texte être compris.