RÉFÉRENDUM

Les Suisses refusent «l’immigration de masse»

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Le Québec devra aussi se pencher sur la question

Paris — Petit coup de tonnerre au centre de l’Europe. Malgré l’opinion des élites du pays, les Suisses se sont prononcés dimanche par référendum contre « l’immigration de masse » que connaît le pays depuis plusieurs années : 50,3 % des électeurs ont répondu oui à l’initiative du premier parti du pays, l’Union démocratique du centre (UDC), qui proposait de rétablir les quotas d’immigration.

Cette proposition qui a rassemblé une faible majorité d’électeurs ainsi qu’une majorité des cantons (comme le veut la législation suisse) pourrait remettre en cause l’adhésion du pays aux accords de Schengen sur la libre circulation des personnes (même si la Suisse n’est pas membre de l’Union européenne). C’est ce même parti qui avait fait adopter, en novembre 2009, une loi qui a fait disparaître les très rares minarets du pays.

Cette fois, le vote risque d’avoir des conséquences beaucoup plus importantes et pourrait remettre en question les relations de la Suisse avec le reste de l’Europe. Plusieurs ont évoqué un « dimanche noir », selon l’expression utilisée par le conseiller fédéral Jean-Pascal Delamuraz lors du refus suisse d’entrer dans l’Espace économique européen, le 6 décembre 1992. Le vote de dimanche reproduit d’ailleurs les mêmes divisions linguistiques puisque les cantons alémaniques et italien ont plutôt voté pour stopper l'immigration massive (à l’exception de Zurich), alors que les cantons romans (francophones) ont plutôt voté contre.

Désavoué par les urnes, le Conseil fédéral, organe exécutif de la Confédération suisse, a déclaré que le peuple avait tranché et que la décision serait rapidement mise en oeuvre. « Le peuple suisse est souverain […], on doit respecter les décisions qui sont prises », a déclaré le président de la Confédération, Didier Burkhalter. Pour l’ancien secrétaire général du Parti démocrate chrétien, Iwan Rickenbacher, ce vote révèle « un fossé qui s’élargit entre le peuple et ses dirigeants ».

Donnée perdante depuis le début de la campagne référendaire, la proposition de l’UDC n’a cessé d’engranger des voix au fil des semaines. Les appels unanimes des autres partis et du milieu des affaires (soucieux de continuer à engager des étrangers) ont eu beau prédire le chaos économique, ils n’ont pas fait reculer les électeurs. Pas plus que l’intervention des leaders de l’Union européenne. Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, et la commissaire Viviane Reding n’ont pas hésité à intervenir dans la campagne.

La plupart des analystes voient dans ce vote l’expression d’une crise identitaire. L’affiche de la campagne pour le oui qui tapissait le pays depuis des semaines montrait un pommier dont les racines enserraient le pays. « La démesure nuit à la Suisse », disait le slogan.
23 % d’étrangers

Une partie de la population estime avoir été bernée par les dirigeants du pays qui ont subtilement dissimulé pendant des années le taux réel d’immigration. La Suisse, qui ne compte que 8 millions d’habitants, accueille aujourd’hui 23 % d’étrangers, soit autant que l’Australie et deux fois plus que le Québec. Même si la nationalité est plus difficile à obtenir en Suisse, la révélation de ces chiffres a constitué un choc pour un pays habitué à vivre loin des tumultes du monde.

Au lieu des 7000 immigrants annoncés par tous les démographes de Berne depuis dix ans, c’est 70 000 étrangers qui se sont installés en Suisse chaque année depuis la signature des accords de libre circulation avec l’UE. Pourtant, il y a quelques années, les projections officielles mettaient les Suisses en garde contre le danger d’une évolution démographique négative. Selon l’économiste Reiner Eichenberger, interviewé par le quotidien Le Temps, à cause de son taux de change, de sa croissance économique, depuis les accords avec l’Union européenne, « la Suisse agit comme un aimant sur l’immigration ». Selon l’économiste, le gouvernement et ses « économistes pistoleros » étaient enfermés dans « une spirale du silence ».

Cette rebuffade pourrait avoir des conséquences sur les élections européennes du 25 mai prochain. Les sondages laissent pour l’instant présager une abstention record et le triomphe des eurosceptiques. En France, par exemple, il se pourrait que le Front national arrive en tête. « La Suisse dit non à l’immigration de masse, bravo ! L’Union européenne va-t-elle envoyer les chars ? », a réagi sa présidente, Marine Le Pen. En Grande-Bretagne, l’UKIP (opposé à l’Europe et à l’immigration) a aussi félicité la Suisse. Bruxelles a d’ores et déjà indiqué que si la Confédération helvétique mettait fin à l’accord de libre circulation, tous les autres accords la liant à Berne pourraient être dénoncés.


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