Les souverainistes, ces perdants à répétition

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« Quelles que soient nos allégeances, nous sommes tous responsables d’avoir gaspillé l’histoire. »

Les années passent, l’actualité peine à reprendre son souffle, d’une manchette à l’autre, la saga des interminables rebondissements du camp souverainiste fait la une, encore et encore. On présente, en le voulant ou non, la bande de lurons qui veut faire de la Province of Quebec un État souverain comme des chicaniers accros à la controverse. Faisons le bilan avant qu’un autre trublion nous sorte un nouveau lapin de son chapeau.


Des démissions fracassantes, des potins sur les émotions de Martine Ouellet, des députés choqués qui vont bouder dans leur coin avec un nouveau parti. PKP en réserve de la République qui reviendra peut-être manger de l’intention de vote caquiste. Lisée et son caucus de demi-mesures qui nous sort des surprises pour revivre. Les solidaires qui veulent être souverains à condition que. Le Bloc qui n’en finit plus de mourir et qui se coalise contre sa chef. Et puis tant d’autres choses que je ne comprends plus, comme tellement de monde. Puis les intentions de vote qui, de mois en mois, d’année en année, nous rapprochent de la marge d’erreur du sondage. Les gens lâchent, ils sont ailleurs, comme moi, qui ne suis juste plus là.


Nous, souverainistes de tous partis et d’ailleurs, ne sommes pas au festival des bonnes nouvelles… et ça dure depuis je décrochais des pancartes du Oui dans Limoilou. Mais qu’est-ce qui s’est passé, au juste, depuis 20 ans ? Peut-être même depuis 40 ans ? Pourquoi tant de gens sont-ils partis à gauche, à droite, ou juste nulle part ?


Dans mon écosystème de ce qui me reste de vieux chumssouverainistes, tout le monde est parti, comme dirait la mère-chanson, chacun de son bord. Notre génération, celle qui a porté les premiers chandails du Bloc, puis qui a vu l’élection de 1994, les discours de Bouchard et au final le référendum, a pour ainsi dire décroché. Pour mille raisons.


Dans son dernier livre, Parizeau disait « qu’ils sont tombés de haut ceux-là ». Pourtant, ce n’est que la pointe de l’iceberg : il y a tous ceux qui ne sont juste plus là du tout.


La conjoncture, avant d’être un mot compliqué au Scrabble, ne joue pas pour nous, depuis des lunes, c’est vrai. Bien sûr, deux grandes défaites, le fait qu’on n’est plus au pouvoir depuis 2003 (sauf la note de bas de page du gouvernement Marois), puis, la démographie, le temps, le français qui recule, et puis ces maudits jeunes qui comprennent jamais rien, les chefs qui lâchent, l’argent puis les votes ethniques, puis tout ce qu’on voudra bien déconstruire pour se dire que ça va donc mal.


Mais il y a autre chose aussi. Même si on dit que la chicane est dans « notre ADN », a-t-on pris le temps de mesurer, juste depuis 20 ans, l’impact de nos interminables vaudevilles ? Les départs fracassants, les refondations perpétuelles, nos articles et leurs répliques, les dates du prochain référendum, les innombrables courses à la chefferie, les chartes, les « je dois m’occuper de mes enfants » ou même le naufrage d’Option nationale ou du Nouveau Mouvement pour le Québec, puis d’autres… et tant d’autres niaiseries qu’on sert au peuple depuis 1995, on en fait le bilan ? D’où qu’elles viennent, qu’elles soient péquistes, solidaires ou d’ailleurs, tout ça, ces chicanes de choqués-choqués qui font bâiller, voire rire le monde, posons-la la question, est-ce que ça a été inspirant ? Poser la question… ce ne serait pas essayer de répondre à un discours de Parizeau ? « Ne pensez pas que les gens ne voient pas ça. »


Le fait est que, depuis 20 ans, sans discipline ni victoire ou clarté à l’horizon, choisissez votre coupable, nous avons épuisé une génération complète à nous crier après sur la place publique. Dire que c’est la faute aux maudits péquistes ou aux médias est incomplet, voire trop confortable comme réponse. Quelles que soient nos allégeances, nous sommes tous responsables d’avoir gaspillé l’histoire. 


> La suite sur Le Devoir.



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