Le lourd héritage du gouvernement Charest

Les sept péchés capitaux de Nathalie Normandeau

Les Libéraux sont finis, mais la partie n’est pas gagnée pour autant

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La balle est dans notre camp !

Il y a quelques semaines, lorsque tout le monde s’interrogeait sur l’étrange comportement du premier ministre Couillard, j’avais évoqué ici-même sur Vigile, en rappelant les enquêtes entreprises par l’UPAC sur le financement politique et le retard pris par la Direction des poursuites criminelles et pénales dans le traitement de ces dossiers, la possibilité qu’il soit en grandes manœuvres pour prendre ses distances du gouvernement Charest afin d’éviter d’être associé au scandale qu’il savait être sur le point d’éclater.

L’arrestation par l’UPAC aux petites heures hier matin de sept personnes dont deux anciens ministres Libéraux, la vice-première ministre Nathalie Normandeau et le ministre Marc-Yvan Côté, et l’annonce de leur inculpation sous un total de sept chefs d’accusation, allant du complot pour commettre un acte criminel à la fraude, la corruption, le trafic d’influence et l’abus de confiance, sont venues confirmer la justesse de mon analyse, tout comme d’ailleurs le comportement totalement erratique du gouvernement Couillard depuis quelques semaines. Rien de moins inspirant et de plus perturbant que d’en être réduit à attendre que les coups s’abattent sur vous.

Pour tenter de les dévier ou de les atténuer, le gouvernement ne disposait que du budget, et il est aujourd’hui évident, devant l’absence de la moindre mesure substantielle dans celui-ci, que l’important exercice de conditionnement de l’opinion auquel il s’est livré depuis quelques jours pour vendre sa salade ne visait pas tant à nous la faire accepter qu’à détourner notre attention du scandale qui vient d’éclater. Manque de pot, le scandale est vraiment trop gros et le budget trop insignifiant pour que la manœuvre ne réussisse.

Au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, nous étions hier jeudi. Impossible donc pour l’Opposition d’interpeller le gouvernement sur les arrestations de l’UPAC avec le minimum d’information nécessaire avant mardi prochain. De plus, les salles de presse tournent au ralenti les vendredis et la fin de semaine. Les Libéraux peuvent donc entretenir l’espoir que la couverture du budget éclipsera graduellement les arrestations dans les médias et l’opinion. Pour que leur stratégie fonctionne, il suffit tout simplement que les médias fédéralistes jouent le jeu.

Mais les premières indications pointent plutôt vers un haut-le-cœur généralisé aux proportions bibliques. Même Denis Lessard, de la très fédéraliste Presse, n’y va de pas de main morte en rappelant le rôle stratégique de Nathalie Normandeau dans la formation des candidats Libéraux lors de la dernière campagne électorale, ce qui vient affaiblir la position de Couillard lorsqu’il cherche à se distancer du gouvernement Charest.

Il faut dire que Philippe Couillard a déjà déclaré à propos de Nathalie Normandeau, dans le cadre d’une entrevue accordée au Devoir lors de son passage à Percé en 2013, qu’il ne voyait pas de problème à son retour au PLQ. Et à voir la désinvolture avec laquelle il a repris au sein de son cabinet Julie Boulet, ministre du Tourisme et députée de Laviolette, après qu’elle ait été durement malmenée devant la Commission Charbonneau tout comme Nathalie Normandeau, sans doute n’en verrait-il pas davantage aujourd’hui.

Philippe Couillard a un point aveugle, et l’ennui, pour lui comme pour les Québécois, est que celui-ci le rend incapable de toute distance critique face à lui-même et à ses convictions. Il fonce tête baissée contre le mur et entraîne les Québécois à sa suite. La facture s’annonce salée, tant pour lui que pour nous tous.

Lors du point de presse de l’UPAC aujourd’hui, le commissaire Lafrenière, invité à préciser si d’autres dossiers étaient sur le point d’aboutir, « n’a pas écarté que d’autres enquêtes touchant le financement politique, visant notamment le Parti libéral du Québec, connaissent bientôt leur dénouement », rajoutant en guise d’explication, « Ce sont des enquêtes très complexes et on demande à la population d’être patiente. »

Dans mon éditorial du 12 février dernier, commentant l’absence alors de toute indication sur les suites qui seraient données des dossiers d’enquête de l’UPAC sur le financement des partis politiques, j’écrivais « Le travail policier est silencieux, il est parfois lent, mais il se fait ». Non seulement l’UPAC vient-elle de nous en donner la preuve, mais le commissaire Lafrenière nous laisse entendre que d’autres développements sont à prévoir.

Nous avons tous évidemment en tête le cas de Marc Bibeau, ami personnel de Jean Charest et membre du conseil d’administration de la Financière Power, mis en cause avec une rare précision par George Dick, un ancien président de la firme de génie-conseil RSW.

Que le prochain dossier soit celui de Bibeau ou de quelqu’un d’autre importe peu. Ce qu’il faut comprendre, c’est que ces dossiers vont revenir à la surface l’un après l’autre et produiront à chaque fois une onde de choc qui ébranlera les fondations du gouvernement Couillard, déjà pas très solide. L’affaiblissement progressif qui en résultera rendra sa tâche de plus en plus difficile, particulièrement dans les cas qui exigent la projection d’une forte autorité morale. On se souviendra des difficultés du gouvernement Charest à projeter une telle image pendant le « printemps érable », de même que de leurs effets sur les résultats électoraux de 2012.

Dans un tel contexte, même en affichant un parcours parfait sur tous les autres plans, le gouvernement Couillard aura de la difficulté à se faire réélire en 2018, et s’il continue en plus dans la voie actuelle, sa défaite est à toutes fins pratiques déjà assurée.

Cette analyse est d’ailleurs partagée par d’autres observateurs attentifs et chevronnés de la scène politique, y compris au sein même du camp Libéral. On le voit facilement à la manière dont certains amis ou alliés du PLQ ont commencé à critiquer ouvertement le gouvernement Couillard, au point même de contribuer à l’accélération de sa chute dans l’opinion publique. N’est-ce pas justement ce que fait le chroniqueur Jean Lapierre depuis quelques semaines ? Et depuis l’annonce du désintérêt de Couillard pour Anticosti, n’est-il pas frappant d’entendre toutes ces voix s’interroger de manière mauvaise sur ses nouvelles orientations ?

Avec l’assurance d’un flux incessant de mauvaises nouvelles au cours des prochaines années en raison de la lenteur du processus judiciaire, de la multiplication des escarmouches procédurières par les accusés pour tenter de faire tomber les accusations ou reporter au plus tard possible le moment d’une condamnation, la perspective d’un putsch des Libéraux pour se débarrasser de Couillard est peu vraisemblable. Aussi peu acceptable soit-il, son éviction de son poste de premier ministre n’empêcherait pas la police et les tribunaux de faire leur travail, et un éventuel successeur se retrouverait vite confronté à la même situation.

Au-delà de l’aspect spectaculaire de l’arrestation de personnages puissants et de personnalités politiques et de la satisfaction plus ou moins perverse qu’on peut trouver dans leur humiliation publique, il faut surtout s’intéresser à l’incidence de cette situation particulière sur le combat pour l’indépendance du Québec.

Il ne fait aucun doute que les marques de commerce libérale et fédérale sont appelées à se dégrader considérablement au Québec au cours des prochaines années du fait de l’héritage de Jean Charest, ce qui explique les efforts faits en sous-main pour requinquer l’image de la CAQ et la poser en alternative crédible aux Libéraux lors d’un prochain scrutin. Voilà comment les fédéralistes vont chercher à mettre à profit la fragmentation de l’électorat francophone au Québec, et voilà pourquoi les indépendantistes sont condamnés à s’entendre pour éviter que leur option n’en devienne la victime.

La balle est dans notre camp !


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10 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    19 mars 2016

    La CAQ a récemment fait d'excellentes interventions à L'Assemblée nationale au sujet de la menace envers notre identité liée avec le nombre de 60,000 immigrants que Couillard veut faire entrer cette année au Québec.
    Ceci me rappelle l'année où l'ADQ avait marqué des points en jouant cette carte,devenant alors l'opposition officielle devant le PQ.
    Si le PQ n'a pas conclu d'entente préalable avec la CAQ,ces belles paroles n'auront d'effet que la division du vote visant à conserver le Québec dans la confédération canadian,camouflée sous une apparence nationaliste,mais dans les faits,venant plutôt au secours de l'agenda du Canada de Lord Durham,via son outil privilégié que fut le PLQ et sa nouvelle succursale,la CAQ,au cas ou...
    J'espère qu'entente il y a eu.
    Sinon,les mous électeurs croiraient qu'avec la CAQ,ils auraient le meilleur des 2 mondes,soit l'indépendance du Québec sans se battre,et les Rocheuses en prime.C'est oublier Meach et 1995.

  • Archives de Vigile Répondre

    19 mars 2016

    Voici l'état des lieux du point de vue international. Actuellement la France, le pays des racines des premiers colons du Québec, est réduite à l'état de Province. M. Hollande joue le rôle d'un Président, mais de façade, car dans les faits, il n'est qu'un premier ministre dans l'État Europe. Le début de ce passage de Pays à province date de l'après guerre. Sarkozy a accéléré le processus en ayant carrément vendu la France aux ÉU en intégrant l'OTAN, ce qu'avait refusé avec raison De Gaule et ses successeurs.
    Le Canada qui est le Vassal des ÉU en tant que membre de l'OTAN, ne peut pas laissé le Québec devenir un pays! La loi c-51 a été planté pour verrouiller le Québec dans le Canada et n'est rien de moins qu'une des têtes de l'Hydre accouché par le «Patriot Act» américain. Une déclaration unilatérale de sécession du Québec adoptée à la suite d’un vote démocratique de la population du Québec et de son Assemblée nationale, n'est plus possible, car serait considérée comme une atteinte illicite à l’intégrité territoriale du Canada au sens de l’article 2 du projet de loi c-51.
    La chape de plomb qui va achever de nous réduire à l'état de larves consommatrices est le TAFTA.
    Bref: La séparation n'est plus une option. L'objectif du bonhomme Sam est d'intégrer Le Mexique, Les EU, et le Canada dans une union de type européenne. Il faudrait vraiment réévaluer la manière de devenir autonome, autrement que part une impossible indépendance.

  • Jean-Claude Pomerleau Répondre

    19 mars 2016


    Point de bascule pour le PLQ ?

    Le contrôle du régime libéral sur l’appareil judiciaire a été dénoncé dans le passé. Ces arrestations signalent-elles la perte de ce contrôle ?
    Mercredi su Radio info cité à l'émission Point de bascule, 19 H 30 , M Le Hir et moi-même, on va revenir sur le sujet avec des liens précis qui laissent deviner une lutte intense et sourde à l'interne de l'appareil judiciaire pour faire sauter ce contrôle du régime libéral :
    Point de bascule pour le PLQ ?

    JCPomerleau

  • Archives de Vigile Répondre

    19 mars 2016

    Nathalie Normandeau accuser de corruption ,fraude et abus de confiance
    Selon l'UPAC il s'agirait d'une système de corruption organisé
    Lors de sa démission la vice-première ministre Nathalie Normande avait affirmer vous savez : Tout ce que j'ai appris de la politique c'est Jean Charest qui me l'a enseigné.

  • Archives de Vigile Répondre

    19 mars 2016

    Bon, l'UPAC et le DPCP ont fait leur travail. J'ai été quand même étonné que le DPCP ait porté des accusations. Je m'attendais plutôt à une ligne du genre "Pas assez de preuves pour apporter cela devant les tribunaux."
    Maintenant, la balle est rendu dans le camp des juges Post-it.
    Notons aussi que dans le budget d'avant-hier, le budget du Directeur des Poursuites Criminelles et Pénales (DPCP) a été coupé de 5.2M

  • Archives de Vigile Répondre

    19 mars 2016

    Belle analyse. Cependant, deux ans, c'est long en politique...mais il se pourrait que ce soit deux ans de calvaire pour les Libéraux. L'incidence de cette situation pour le combat indépendantiste: la question est joliment posée par M. Le Hir. En gros, il y a deux choix possibles: vouloir à tout prix battre les Libéraux et à cet effet, chercher à s'allier à la CAQ (ou à la remplacer) en laissant tomber la lutte indépendantiste pour un plat de lentilles ou raffermir le projet indépendantiste (au risque de perdre l'élection), le mettre clairement de l'avant, le poing levé (excusez l'expression!), en parler le plus souvent possible et indiquer que nous ne voulons pas gouverner la province. ET ainsi profiter de l'occasion (comme lors du Lac Meech et compagnie) pour faire avancer notre beau projet. Viser plutôt PQ-QS et ON que CAQ et conservateurs. J. Binette, Montréal

  • Normand Paiement Répondre

    19 mars 2016

    Méfiance, monsieur Le Hir!
    Comme pour les trains, un scandale en cache souvent un autre. Rien ne nous dit qu'il n'y a pas pire encore. Le présent scandale servirait seulement à dissimuler autre chose. Ah! si nous pouvions avoir accès à ce qui se trame en coulisses présentement...
    Rien ne nous dit non plus qu'un scandale de moindre importance ne risque pas de toucher le PQ tôt ou tard. Il suffirait alors que les médias fédéralistes montent la chose en épingle pour faire oublier à la population que le PLQ reste le champion toutes catégories de la corruption.
    Rappelez-vous avec quelle facilité ces mêmes médias ont discrédité Pauline Marois en s'en prenant à son mari en 2014. Je ne serais donc pas étonné d'apprendre que les fédéralistes sont dès à présent à l'oeuvre en vue de trouver le moyen de salir la réputation d'un des proches de PKP. Il suffirait que le chat sorte du sac au «moment opportun» (à la veille des prochaines élections, par exemple), pour que la population soit amenée à croire que les partis traditionnels sont tous pourris et que seule l'élection de la CAQ permettrait d'assainir la situation...
    Ce serait pour nous le pire des scénarios! C'est pourquoi je vous invite à rester vigilant et à nous tenir rapidement informés de toute manoeuvre dont vous auriez vent et qui serait susceptible de confirmer ce que j'avance.
    Bien que je ne sois pas partisan de ce qu'il est convenu d'appeler la «théorie du complot», je soupçonne les libéraux et les fédéralistes d'être prêts à tout pour empêcher le Québec d'accéder à son indépendance. Il serait par conséquent souhaitable que les indépendantistes restent sur leurs gardes et se préparent mentalement et physiquement (sur les plans matériel et stratégique) à livrer la bataille de leur vie.
    «Nous sommes en guerre!» Ceux et celles qui seraient tentés de croire naïvement qu'il sera désormais facile de remporter la prochaine bataille électorale ne devraient jamais oublier que Jean Chrétien et son entourage n'ont reculé devant aucun moyen pour combattre les «séparatistes» pendant la campagne référendaire de 1995. Espérons que nous avons retenu la leçon et que nous agirons désormais en conséquence!
    Cordialement,
    Normand Paiement

  • Christian Sébenne Répondre

    19 mars 2016

    S’il fut un temps où la politique était un sacerdoce, cette époque là est bien révolue, car avec la notion de carrière politique, celle-ci a amené une autre dimension dans laquelle un paramètre souterrain entre en ligne de compte : « la Franc Maçonnerie ».
    Toutes ces affaires en réseaux sont rendues possible par la franc-maçonnerie qui œuvre à la désintégration de nos sociétés, ce fléau est sous-estimé car l’écran de fumée qui recouvre les dehors d’humanisme de cette secte, cachent en réalité dans les hautes sphères toutes les miasmes qui amènent au résultat de corruption généralisée tant au sein de l’Etat que dans tous les organes de l’administration.
    Nombreux sont ceux qui n’ont pas encore mesuré se que cache l’opacité de ce « gang » véritable préambule à la Mafia, il n’est donc pas étonnant si John-James Charest a été un fabriquant de casseroles tous azimuts, pour rester correct, mais il suffit de se souvenir des implications de la Mafia à de nombreux échelons de l’Etat.
    Si autrefois l’on parlait de groupe de pression, désormais l’on est sur une autre échelle de la déchéance, et il n’y a donc pas lieu de s’étonner lorsque l’on voit des membres de la secte “maçonne“ comme François Hollande ou Philippe Couillard avoir tout promis et faire son contraire par allégeance à la franc-maçonnerie, tout est à craindre y compris le pire.
    Christian Sébenne
    Ancien propriétaire du magazine Africa International

  • Archives de Vigile Répondre

    18 mars 2016

    Sans l'union des forces de l'opposition, le PLQ pourrait bien remporter les prochaines élections avec seulement 35% des appuis de l'électorat ce qui constitue un plancher si on additionne les votes des anglos, des néo-québécois et des purs et durs franco fédéralistes. Le PQ a deux années devant lui afin de résoudre cette quadrature du cercle alors il faut absolument qu'il réussisse sinon tout le Québec s'en ira à la dérive même si notre bateau a déjà commencé à prendre l'eau.
    Aussi posons-nous la question. L'UPAC va-t-il se rendre jusqu'aux plus hautes sphères de la politique afin d'inculper des gros noms qui circulent depuis belle lurette ? Si oui, ça pourrait bien être le début de la fin d'un parti qui semblait être invincible jusqu'à ce jour. Alors certainement que les forces fédéralistes ne lâcheront pas le morceau et mettront le paquet pour renforcer la CAQ et diviser encore plus les votes francophones. En ce moment même, les forces vives fédéralistes doivent travailler bien fort dans leur War Room afin de trouver rapidement une solution de rechange. Peut-être vont-ils abandonner Couillard dans la fosse au lion sans lui venir en aide si celui-ci ne peut offrir une porte de sortie convenable. Qui sait ? Les jours à venir seront déterminants.

  • Archives de Vigile Répondre

    18 mars 2016

    WWWOOOWWW quel beau texte!!
    Je ne suis pas une femme politique mais je reste convaincue que le gouvernement actuel ne restera pas en place bien longtemps. Je suis d'accord avec vous que nous les québécois, indépendantistes ou pas, devront nous serrer les coudes et se lever debout; j'espère fortement que cela ne se fasse pas dans un bain de sang comme en octobre 1970. À cette époque je n'avais que 10 mais je me rappelle très bien ce qui se passait.
    Il sera aussi de toute évidence qu'aux prochaines élections, il n'y aura pas foule aux urnes. Ce sera à vous les journalistes de donner l'heure juste pour qu'il en soit autrement et d'aider ceux qui y croiront encore pour faire changer les choses. Voilà c'est mon opinion. merci pour votre beau texte que je vais partager avec plaisir .