Le projet de loi 10

Les ravages de la réforme Barrette en région

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Une centralisation de pouvoirs abusifs

Le projet de loi 10 déposé par le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, en 2014, et entré en vigueur le 1er avril 2015, a entraîné une importante centralisation du réseau public de santé et de services sociaux qui a eu de lourdes conséquences sur le développement des collectivités locales. Avec la réforme Barrette, le réseau est passé de 182 à 34 établissements. La quasi-totalité des établissements ont été fusionnés au sein de 22 mégastructures, soit 13 centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS) et 9 centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux (CIUSSS). Chaque région administrative n’en compte qu’un seul, sauf Montréal, qui en compte cinq, et la Montérégie, qui en compte trois.


Ces CISSS et CIUSS sont chargés de veiller à l’organisation des services et à leur complémentarité sur leur territoire dans le cadre de multiples missions et installations […]. Ils doivent aussi organiser leurs services en fonction des besoins de la population et des réalités particulières de chaque territoire […]. Or, on peut légitimement se demander comment une intégration de tous les établissements d’une région administrative peut respecter l’ancrage local. […]


Cet objectif de centralisation et de contrôle politique se révèle au grand jour quand on voit que tous les présidents-directeurs généraux d’établissement et leurs adjoints sont nommés exclusivement par le ministre Barrette. En réduisant de manière draconienne le nombre d’établissements, la réforme a fait disparaître autant de conseils d’administration auxquels participaient des citoyennes et des citoyens. On a ainsi mis fin à l’engagement citoyen d’environ 6000 personnes. Le message est clair : le nouveau réseau de la santé n’a besoin ni des citoyens, ni des usagers, ni du personnel de la santé pour se réorganiser. […] Pour les collectivités, cela signifie qu’elles n’ont plus voix au chapitre concernant des institutions qui jouent un rôle important dans leur développement et dont le financement représente plus de la moitié des fonds publics. Les contribuables paient, mais ont perdu leur droit de parole, un principe pourtant fondamental en démocratie. […]


Tout se passe maintenant à l’échelon de la région administrative — ou d’un découpage sous-régional en Montérégie et à Montréal. Cela place les gestionnaires, dont le nombre a été réduit, devant le défi de parcourir parfois des centaines de kilomètres pour avoir un contact direct avec leur personnel. […]



Une action publique incohérente


Paradoxalement, dans la plupart des autres champs de l’action gouvernementale, le palier régional est désinvesti au profit du territoire local : les directions régionales de plusieurs ministères ont été abolies, de même que les Conférences régionales des élus (CRE), et les MRC ainsi que les municipalités sont devenues des « gouvernements de proximité » avec l’adoption du projet de loi 122, en juin 2017. Le nouveau pacte fiscal et la décentralisation promise modifient les règles de l’action collective concertée et renforcent le contrôle local, mais en réduisant les ressources dont disposent les collectivités. Ces choix politiques ont réussi à rendre incohérente l’action publique au Québec : d’un côté, on centralise à outrance le réseau de la santé et des services sociaux, de l’autre, on transfère des pouvoirs vers les territoires locaux. […]


C’est donc une vision du développement misant essentiellement sur le privé qui semble se dégager de l’action du gouvernement. Or les communautés locales ne comptent pas que des entrepreneurs et elles doivent composer avec l’incohérence de l’action publique d’un État indifférent, en plus de subir une perte substantielle de moyens d’action qui affecte davantage les régions que les grandes agglomérations. […] Il est intéressant de voir que bon nombre de collectivités se sont activées pour renouveler leurs mécanismes de coordination en fonction des ressources disponibles, favoriser l’intégration des interventions que les politiques publiques ont désarticulées et renforcer diverses initiatives sociales et communautaires qui font avancer le développement collectif. On peut citer en exemple la démarche de Développement social intégré de Charlevoix, qui réunit les deux MRC et les institutions locales en réorganisant les ressources en fonction de la nouvelle donne. Ces démarches doivent composer avec des ressources réduites alors même que le gouvernement nage dans des surplus budgétaires, qu’il redistribue aux individus plutôt qu’en soutien aux politiques publiques ! Pour pallier les compressions, l’action locale reçoit dans certaines régions un soutien de grandes fondations privées. Mais la philanthropie ne peut remplacer les ressources dont l’État les a privées. […]


Il est impératif que les CISSS et les CIUSSS soient repensés de façon à assurer un ancrage local du réseau public de services sociaux et de santé. Leur contribution au développement local doit être rétablie, car ils font partie de l’économie publique caractéristique du Québec. Ce réseau dispose encore d’une expertise héritée des CLSC et de 40 ans d’organisation communautaire et d’engagement en développement des communautés qui peut être sollicitée pour rétablir sa contribution au développement des territoires.



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