CONSEIL DE LA FÉDÉRATION

Les provinces mieux sans les bleus?

Devant les refus des conservateurs, les PM demanderont aux autres partis de s’engager

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À défaut de fédéralisme coopératif, l'interprovincialisme ! La belle affaire !

À trois mois de l’élection fédérale, les premiers ministres des provinces et des territoires convergent à Terre-Neuve-et-Labrador afin de dresser leur liste de priorités à l’attention des partis politiques fédéraux. Au pouvoir, le Parti conservateur du Canada a opposé refus après refus ces dernières années à leurs demandes. Le Nouveau parti démocratique, le Parti libéral du Canada ou le Parti vert du Canada en feraient-ils autant s’ils étaient aux commandes à Ottawa ?

Réunis cette semaine à Happy Valley-Goose Bay et à St. John’s, les chefs de gouvernement provinciaux et territoriaux demanderont notamment aux formations politiques fédérales de s’engager à accroître les investissements dans les projets d’infrastructures au pays, afin que ceux-ci équivaillent à 2 % du produit intérieur brut (PIB) de chaque province ou territoire.

Les provinces « font leur part » en investissant dans les routes, les ponts, ainsi que les réseaux de transport collectif une somme équivalente à 3 % de leur PIB, insiste le ministre responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes, Jean-Marc Fournier. « On investit à peu près dix fois plus que le fédéral dans nos infrastructures », dit-il dans un entretien téléphonique tenu à la veille du Conseil de la fédération. « Ottawa n’a pas investi, mais il y a de l’argent qui rentre [malgré tout dans ses coffres] : que ce soit l’impôt des travailleurs, les taxes… », fait valoir l’élu québécois.

Gagnés par la fièvre électorale, les élus conservateurs multiplient ces jours-ci les annonces, notamment de construction de nouvelles routes. Mais, plus de 80 % des projets retenus pour du financement par le Fonds Chantiers Canada — une cagnotte de 14 milliards de dollars sur 10 ans — prendront corps dans des circonscriptions conservatrices, a révélé The Globe and Mail mardi (93 projets sur 113).

Le Parti conservateur détient à l’heure actuelle 52 % des sièges à la Chambre des communes (159 sièges sur 308).

Le quotidien a exclu de son analyse quatre projets majeurs (892 millions) puisqu’ils touchent chacun plusieurs circonscriptions, et de couleurs politiques différentes comme le prolongement du Système de train léger à Edmonton ou du métro à Toronto.

Le ministre fédéral des Transports, Denis Lebel, argue que les projets d’investissement retenus par Ottawa figuraient tous sur des listes soumises par les provinces, à l’exception de l’agrandissement de l’University of Ontario Institute of Technology à Oshawa.

La première ministre ontarienne, Kathleen Wynne, s’en est d’ailleurs plainte, reprochant au gouvernement fédéral de faire à sa tête. « C’est un problème énorme », a-t-elle souligné. Contrairement à l’Ontario, le Québec n’a pas un mot à redire sur le choix des projets financés par le fédéral. « Le problème qu’on a est le quantum », spécifie M. Fournier.

Malgré les appels répétés des provinces et des territoires, le gouvernement Harper se refuse à hausser ses investissements. Désormais, il s’agit d’une « question électorale fédérale », insiste l’élu libéral. « C’est maintenant à chacun des partis politiques fédéraux de dire quel est son plan », soutient-il en entrevue téléphonique. « Cette année il y a une élection fédérale. Je tiens à vous le dire. […] Ceux qui ont le pouvoir, ce sont les électeurs », poursuit-il.

Les doléances du Conseil de la fédération ne semblent émouvoir personne au sein du gouvernement conservateur. Le ministre fédéral des finances, Joe Oliver, s’était moqué l’année dernière des provinces et des territoires, qui déploraient étude à l’appui le retour en force du déséquilibre fiscal. Il a refusé net de revoir à la hausse les sommes dépensées en infrastructures ou encore en santé par Ottawa. En effet, le gouvernement conservateur a opposé une fin de non-recevoir aux demandes des provinces et des territoires de bonifier ses transferts en matière de santé, tout en tenant compte des spécifiés démographiques de chacune des régions, comme le vieillissement de la population québécoise.

Écarts sociaux économiques

Les premiers ministres provinciaux et territoriaux donneront le coup d’envoi du Conseil de la fédération, mercredi, à Happy Valley-Goose Bay où ils rencontreront des leaders des communautés autochtones. Ceux-ci réclameront une nouvelle fois la tenue d’une enquête nationale sur les femmes autochtones tuées ou disparues, ce à quoi se refuse obstinément Ottawa. Le rapport de la commission de la vérité et réconciliation teintera également leurs discussions. L’Assemblée des Premières nations, l’organisation Inuit Tapiriit Kanatami, le Congrès des peuples autochtones, le Conseil national des Métis et l’Association des Femmes Autochtones du Canada entendent également interpeller les décideurs politiques sur les écarts sociaux économiques entre autochtones et non-autochtones.

En soirée, les chefs de gouvernement trinqueront à St. John’s à la santé de l’interprovincialisme canadien, à défaut de célébrer un fédéralisme coopératif. « J’espère que vous n’allez pas dénigrer l’interprovincialisme qui est une force excessivement importante », lance Jean-Marc Fournier à l’autre bout du fil. « L’interprovincialisme a permis notamment une année formidable de progrès dans la lutte aux changements climatiques. Ça ne s’est pas fait parce qu’on a eu gain de cause contre le fédéral. Ça s’est fait parce qu’entre nous, les provinces, on s’est dit : « Écoutez, il faut faire quelque chose. » Regardez le chemin parcouru [depuis un an] ! »

Cependant, une ébauche de la Stratégie canadienne de l’énergie — dont la version finale doit être dévoilée d’ici la fin de la semaine — met au jour des points de discorde non négligeables entre les provinces et les territoires, notamment dans la nécessité d’établir des cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES).

Le document aura à coup sûr « une bonne touche de vert », se contente de dire M. Fournier.


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