Un choix désormais discutable

Les Nations unies à New York

Première partie

Chronique de Gilles Verrier

C'est le 1er janvier 1942 que fut utilisée pour la première fois l'expression «Nations Unies». Franklin D. Roosevelt, président des États-Unies, avait certainement le sens de la formule. À cette date les États-Unis jouissaient déjà du prestige qui leur permettait de réunir 26 pays, dont le Canada, et d'obtenir d'eux l'engagement de ne pas conclure de paix séparée avec les puissances de l'Axe (Allemagne, Japon, Italie). L'histoire rapporte ce moment comme précurseur de la fondation de l'Organisation des Nations Unies (ONU) qui verra officiellement le jour à San Francisco en 1945.

Revenons sur le contexte historique, ce qui va nous aider à mieux saisir les enjeux d'actualité qui sont mon véritable sujet. En janvier 1942, la France était occupée depuis plus d'un an et demi par la Wehrmacht. À l'Est, l'Allemagne avait déclenché par surprise l'opération Barbarossa, en progression depuis le 22 juin 1941.

L'agression allemande avait déferlé sur les plaines d'Ukraine, et Léningrad était maintenant assiégée depuis le 8 septembre. Un siège qui durera près de 900 jours et qui fera à lui seul 1 800 000 morts dont 1 million de civils. Mais rien de cela n'avait décidé les États-Unis à s'engager jusque là dans cette guerre.

Ce n'est pas un fait très connu mais les États-Unis, qui avaient beaucoup investi dans l'économie allemande, s'accrochaient à leur politique de neutralité en regard de l'Allemagne. Quelque chose de particulier devait se produire pour que ça change. C'est l'attaque aérienne du Japon contre la flotte américaine à Pearl Harbor le 7 décembre 1941, qui produisit l'onde de choc sur l'opinion publique. Les États-Unis, touchés directement, ripostèrent dès le lendemain en déclarant la guerre au Japon, mais pas à l'Allemagne.

Solidaire du Japon, c'est l'Allemagne qui jouera le prochain coup en déclarant la guerre aux États-Unis le 12 décembre. Or, pas plus tard que deux semaines plus tard, l'initiative internationale de Roosevelt, préalablement discutée avec Churchill en août 1941, prendra la forme d'une «Déclaration des nations unies», signée à Washington.

Elle fait partie des gestes qui marquent la nouvelle volonté des États-Unis d'en découdre avec les puissances de l'Axe, le Japon d'abord. Il est intéressant de noter comment coïncide la décision interne des États-Unis de s'engager dans la guerre avec celle d'organiser une coalition de pays alignés sur leurs nouveaux objectifs. La méthode fera école. Sortis de l'isolationnisme, ils passent soudainement sans transition à un nouveau statut, une nouvelle vocation, celle de leader du monde libre.

Qu'il y ait un peu de «manifest destiny» derrière on ne s'en étonnerait pas. Comme, par exemple, sans croire manquer à l'éthique, cette facilité avec laquelle Washington brouille la démarcation entre l'organisation internationale et son propre intérêt. Cela persistera. Les USA s'efforceront tant bien que mal de faire ensuite des Nations unies le prolongement de leur propre puissance, en y établissant dans leur métropole le siège de l'organisation.

Naturellement, la prépondérance américaine n'a pas toujours fonctionné, d'où la mauvaise humeur d'une partie importante des médias et des politiques américains, qui s'accompagne incidemment du retard habituel de Washington à payer ses cotisations.

Rappelons qu'à la fin de la guerre les fruits de l'effort de guerre américain sont considérables et se trouvent convertis en capital militaire de projection. Les États-Unis se découvrent, armés jusqu'aux dents avec de l'armement moderne pour une raison fort simple.

Épargnés des pertes et des destructions qui ravagèrent l'Europe et l'Asie, la guerre aura eu pour conséquence, pour ce qui les concerne, d'amener à maturité le complexe militaro-industriel. Cette base industrielle, recouvrant notamment les domaines de la balistique, du thermonucléaire et de l'électronique progressera encore davantage ensuite grâce à la citoyenneté américaine accordée à plus de 1600 des meilleurs ingénieurs et scientifiques allemands, en partie membres du parti nazi et bons soutiens du Troisième Reich.

Le largage distrait de deux bombes atomiques sur deux villes du Japon, pas de cas de conscience pour autant, demeure encore aujourd'hui indépassable d'horreur dans la destruction de masse de civils... Ces faits et gestes propulseront les États-Unis au rang d'une puissance sans grands rivaux. Si ce n'est l'URSS.

Les États-Unis, entrés tardivement en guerre, comme on l'a vu, ne jouèrent pas un rôle décisif dans la défaite allemande. Une vérité pas toujours bonne à dire pour les amateurs de cinéma. Il s'avère que le sort de l'Allemagne nazie fut scellé sur le front Est. Et pas ailleurs, peu importe ce qu'en a mis et rajouté la cinématographie d'Hollywood. Les É-U, sans grands sacrifices, avaient désormais et pour de longues années le pouvoir de se présenter en vainqueurs... et en courageux vainqueurs.

Forts de cette mise en contexte, on peut constater que les États-Unis n'ont pas été un parangon de vertu quant à leur comportement dans la Deuxième guerre mondiale, années au cours desquels le processus de création des Nations Unies s'opéra. L'installation de l'ONU dans le pays qui en poussait la création apparaît bien plus comme un attribut de sa puissance que d'une reconnaissance du mérite.

Featured 11c309e183a1007b8a20bca425a04fae

Gilles Verrier139 articles

  • 218 247

Entrepreneur à la retraite, intellectuel à force de curiosité et autodidacte. Je tiens de mon père un intérêt précoce pour les affaires publiques. Partenaire de Vigile avec Bernard Frappier pour initier à contre-courant la relance d'un souverainisme ambitieux, peu après le référendum de 1995. On peut communiquer avec moi et commenter mon blogue : http://gilles-verrier.blogspot.ca





Laissez un commentaire



3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    30 mars 2017

    « L’installation de l’ONU dans le pays qui en poussait la création apparaît bien plus comme un attribut de sa puissance que d’une reconnaissance du mérite. »
    G. Verrier.
    La méfiance et la défiance de l’Empire à l’égard de l’O.N.U.-l’impérialisme de Washington à l’égard de l’O.N.U.- cela indique maintenant le déclin amorcé d’une grande puissance.
    Certains ont posé aux U.S.A. que ce « déclin » pourrait se poursuive pendant 400 ans. C’était très présomptueux de l’affirmer, et c’est typique de la pensée impérialiste.
    Lorsque le véritable pouvoir change de mains, les anciens détenteurs du pouvoir ne sont jamais à même de reconnaître le cours de l’Histoire. Ils préfèrent alors s’en remettre à l’histoire et parfois même aux histoires…comme en France.
    Cela n’a pas pris 400 ans à la Chine pour devenir l’immense puissance qu’elle est maintenant. On pourrait bien se bercer d’illusions en effet, mais à grand tort, selon lesquelles tout l’Occident est désormais vacciné contre le sous-développement économique… On en est encore, hélas, à seulement soupçonner que la Mondialisation s’est retournée contre l’Occident.
    Ainsi en a été l’Histoire de l’Empire du Milieu, (la Chine, alors 200 millions d’individus) qui n’avait pas voulu voir que son immense pouvoir était alors passé dans les mains d’un tout petit pays d’Occident : l’Angleterre (alors 6 millions d’individus). Il en va maintenant de la même façon avec les U.S.A., qui réalisent à peine qu’ils ont eux-mêmes provoqué en Chine l’immense industrialisation qu’ils craignent maintenant.
    Le Pouvoir est une chose insaisissable, qui ne s’inscrit ni dans une constitution ni dans l’institution d’un « gouvernement des juges ». Mais il suit toujours-toujours, tout au long de l’Histoire, il suit invariablement ce qui s’appelle la détermination…
    Les indépendantistes du Québec n’ont rien à attendre de l’O.N.U. Il s’agit d’un organisme démodé au service d’un ordre démodé : la Mondialisation. On jase.

  • Gilles Verrier Répondre

    28 mars 2017

    Pour le lecteur intéressé, l'article avec ses hyperliens qui renvoient aux références se trouve ici :
    http://www.lebonnetdespatriotes.net/lbdp/index.php/dossierslbdp/item/11515-les-nations-unies-à-new-york-un-choix-désormais-discutable-1ere-partie

  • Yves Corbeil Répondre

    28 mars 2017

    En bout de ligne l'ONU tel qu'on la reconnait ou pas aujourd'hui, quel est son vrai poids politique. Quel impact a-t-elle pour influencer les grandes puissances. Ça ressemble plus à un gros club privé de privilégiés qui se payent du bon temps avec du gros budget que ce à quoi elle devrait s'attarder si elle avait de réel pouvoir de persuasion. Pour ce qui est des US, ils ont fait des sous au cours des deux conflits dans lesquels ils sont arrivé très tardivement après en avoir profiter économiquement et comme vous dites n'ont eu qu'un impact somme toute insignifiant. Pour ce qui est du geste de vengeance gratuit contre le Japon, ça demeure encore aujourd'hui la pire des atrocités et la pire des lâchetés contre l'humanité. Puis après ils ont crée ONU.
    Des hypocrites qui contrôle rien ou qui contrôle bien ce qu'ils veulent pour la galerie et la presse qui l'encense.