Les lois mémorielles ne servent à rien. Hélas !

Actualité internationale 2012


Le Parlement français s'apprête à voter une loi pénalisant la négation de tout génocide. Sans le dire expressément, ce texte vise le génocide arménien de 1915. Voté jeudi 22 décembre à l'Assemblée nationale, avant d'aller au Sénat, il est soutenu par la majorité et par l'opposition. Il soulève deux questions. A quoi servira-t-il ? Pourquoi maintenant ?
Pour la majorité des historiens, il n'y a aucun doute. Les massacres d'Arméniens perpétrés entre 1915 et 1917 en Turquie relèvent bel et bel d'une volonté génocidaire : une action délibérée pour exterminer l'ensemble d'une communauté.
Les historiens ne revendiquent pas le monopole de la vérité. Ils interprètent les faits. Mais nous partageons volontiers ici leur version de la tragédie arménienne.
En revanche, il ne revient pas au législateur - soutenu en l'espèce par l'Elysée - de dire l'histoire. En la matière, il nous semble qu'il n'y a pas de ligne officielle à imposer ni, le cas échéant, à sanctionner pénalement.
Depuis quelques années, la France officielle adore cette judiciarisation de l'histoire. On vote des lois mémorielles, créant le délit de négationnisme. Elles ne servent à rien.
Elles ne soulagent même pas la douleur de ceux qui voient leur passé, fût-il le plus avéré, vérifié, enquêté, ignoblement réécrit aux fins d'être nié. Depuis le vote de ces lois, négationnistes et théoriciens du complot ont pignon sur rue comme jamais, grâce notamment à Internet.
Il est normal que les élus se soucient de la douleur de leurs ressortissants. Les Arméniens ont raison de vouloir préserver le souvenir de la tragédie qu'ils ont vécue. Mais le droit commun est là, qui y suffit. Il permet de poursuivre et de sanctionner les préjudices subis par les uns et les autres.
Si elle ne servira à rien pour protéger la mémoire des Arméniens de France, cette loi, en revanche, conduit Paris à un conflit profond et durable avec Ankara. La Turquie a tort de ne pas regarder son passé en face. C'est un pays fort, à la diplomatie rayonnante. Elle réagit avec excès au projet de loi français - menaçant Paris de lourdes représailles politiques et économiques. Mais un bras de fer avec Ankara aujourd'hui est absurde. Jamais, pour la politique qu'elle conduit au Proche-Orient, et surtout à l'adresse de la Syrie, la France n'a eu autant besoin de travailler en bonne entente avec la Turquie.
Alors pourquoi cette loi maintenant ? Pour des raisons électoralistes, bien sûr. C'est une loi de circonstance, liée à une échéance politique. Ce n'est pas comme cela qu'on assure le respect dû au passé tragique de telle ou telle communauté.


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