L'affaire du niqab en Cour fédérale.

Les islamistes font encore un gain.

Tribune libre

Cet article veut décrire et analyser le processus de la décision que le juge Keith M. Boswell, de la Cour fédérale, a prise dans le litige entre Zunera Ishaq et le gouvernement Harper.
L’affaire Zunera Ishaq se résume ainsi : la demanderesse conteste la décision du gouvernement Harper, d’interdire, depuis 2011, le port du niqab et de la burka lors de la cérémonie de citoyenneté alors que la personne prononce le serment de citoyenneté et reçoit son certificat de citoyenneté.
Le 6 février 2015, dans son jugement, Keith M. Boswell désapprouve la décision du gouvernemental d’interdire le niqab,la considère illégale car elle va à l’encontre de la Charte canadienne des droits et libertés et donne ainsi raison à la demanderesse. Le gouvernement Harper ira en appel de cette décision.
Je n’analyserai pas la décision, elle-même, je laisse à des juristes ce soin. En tant que politologue, je m’efforcerai de considérer le processus de décision comme un cas clinique susceptible de nous éclairer sur les composantes de cette décision en mettant l’accent sur les principaux acteurs sociaux qui prennent part à cet événement dont l’aspect politique ressort immédiatement et prime sur le juridique.
Qui sont ces principaux acteurs ? Le juge Keith M. Boswell, Naseem Mithoowani, l’avocate de la demanderesse et Zunera Ishaq, la demanderesse. Comme quatrième acteur social, j’écarte le procureur de la Couronne en faveur du mari de Zunera Ishaq, l’ombre et l’absent dans cette affaire.
Le juge.
Keith M. Boswell, juge dans cette cause, a été nommé par Harper en juin 2014. Venant de l’Île-du-Prince-Édouard, il a surtout exercé sa profession dans le domaine du droit des affaires, du droit corporatif et du droit commercial. Boswell est un conservateur convaincu; il a sa carte depuis plus de trente ans. Il a même été président du « Progressive Conservative Association of P.E.I ».
Face à tel litige, ce nouveau juge a peu d’expérience. Il s’en remet à la Charte canadienne des droits et des libertés, pour prendre sa décision. Il avouera qu’il n’aime pas la niqab mais affectionne beaucoup la liberté religieuse. Jusqu’à date, l’affaire a coûté 1,4 million $ aux contribuables canadiens. Dans la sentence du 6 février, le juge Boswell décide que la demanderesse devra payer un montant de 2 500 $ pour l’ensemble de la procédure.
Naseem Mithoowani, l’avocate de la demanderesse.
Naseem Mithoowani, avocate de la firme Lorne Waldman, représente Zunera Ishaq. Cette jeune avocate fait partie de cette firme depuis quelques années. Au cours de sa formation scolaire et professionnelle, elle se décrivait avant tout comme une étudiante musulmane. En outre, elle a été et reste une activiste proche du Hamas. En juillet 2014, Mithoowani participait, dans les rues de Toronto, à une manifestation pro-Hamas dénonçant les politiques de l’état d’Israël.
Lorne Waldman et ass. est une firme d’avocats spécialisée dans les questions d’immigration. Cette firme comprend Lorne Waldman et neuf autres avocates. Waldman est devenu avocat en 1979, se spécialisant essentiellement dans le domaine de l’immigration et du droit des réfugiés.
Entre autres, il a été mandaté par Charkaoui pour le représenter lors des deux appels devant la Cour Suprême. Il a été aussi un des avocats dans l’affaire Maher Arar. Il est intervenu lors des auditions de la commission d’enquête sur les raisons qui ont amené le gouvernement canadien à le déporter aux États-Unis et delà, en Syrie, où il a été torturé.
En 2010, il était considéré par le Canadian Lawyer Journal comme l’une des 25 avocats les plus influents du Canada.Lorne Waldman a conseillé l’avocate Naseem Mithoowani qui représentait Zunera Ishaq,
Zunera Ishaq.
Née au Pakistan, dans la ville de Multan, Zunera Ishaq aurait commencé à porter le niqab à l’âge de 15 ans. Dans cette région du sud du Penjab, Multan est de loin la ville la plus populeuse (1,6 million d’habitants). Dans cette ville, il y a de nombreux conflits inter-religieux, surtout entre sunnites et chiites. Selon le « Middle East Media Research Intitute », la situation des chiites dans la ville de Multan serait très alarmante. À chaque année, des dizaines de chiites sont assassinés par des extrémistes sunnites. Le nombre d’assassinats est en croissance et l’impunité reste la règle.
En 2008, elle est arrivée au Canada dans la région de Mississauga, parrainée par son mari. Mère de trois enfants, Ishaq a 29 ans. Elle se dit de confession musulmane de tendance sunnite de l'école hanafite. La majorité des Pakistanais musulmans appartiennent à cette tendance. Elle déclare que le port du niqab est une obligation et l’exigence de ne pas le porter lors de la cérémonie d’assermentation est une atteinte à la liberté de religion.

Arrêtons-nous ici, pour constater que plusieurs points restent obscurs malgré l’avalanche d’informations dans les médias. Selon certains médias, Zunera Ishaq arrive au Canada en 2008, parrainée par son mari. D’autres affirment que Zunera Ishaq et son mari arrivent en même temps au Canada en 2008. Son parcours pour obtenir sa citoyenneté est aussi marqué d’imprécisions.
Dans ce cas-ci, la meilleure source d’informations est le jugement de Boswell émis le 6 février 2015. Dans ce document, nous avons tout le parcours de Zunera Ishaq pour obtenir sa citoyenneté.
Le 25 octobre 2008, Isahq reçoit son certificat de résidence permanente au Canada. Cette information ne donne aucun renseignement sur la date de son arrivée au Canada. Entre outre, nous ne savons rien des démarches faites pour obtenir ce certificat. Ont-elles été initiées au Pakistan ? Le mari de Ishaq, était-il déjà au Canada pour parrainer son épouse ? Au Pakistan, nous savons que la majorité des mariages sont réglés et arrangés par les parents, qu’en est-il pour Zunera Ishaq qui est une sunnite très croyante ?
Le 22 novembre 2013, Zunera Ishaq réussit son test de citoyenneté devant un juge (femme). Elle accepte d’enlever son niqab. Depuis plusieurs années, elle sait qu’elle devra enlever son niqab lors de la cérémonie d’assermentation qui aura lieu le 14 janvier 2014.
Le 7 janvier 2014, par lettre, Ishaq demande le report de son assermentation. Les fonctionnaires acceptent sa requête. Ils vont aussi plus loin. Ils lui proposent un arrangement : elle serait assise dans la dernière rangée de la salle accompagnée par un assistant du juge d’assermentation qui la verrait sans son niqab et sans que les autres participants puissent la voir. Elle refuse alléguant que l’assistant pourrait être de sexe masculin et qu’elle pourrait être photographiée.
Sa page Facebook, Ashaq écrit qu'elle a travaillé à l’association « Islamic Circle of North America (INCA Canada) et était favorable au parti politique pakistanais Jamaat-e-Islami (JI). L’INCA Canada est un groupe rattaché à la Confrérie des Frères Musulmans. Quant au JI, il est un parti religieux, considéré dans la mouvance Al Qaida. Dès 2010, Le Congrès Musulman Canadien (CMC) a appelé le gouvernement canadien à déclarer le JI et les Frères musulmans égyptiens comme des organisations terroristes pour leur soutien à Al Qaida.
Le mari de Zunera Ishaq.
Finalement nous pouvons nous demander qui est le mari de Zunera Ishaq ? Dans l’ensemble des médias, le mari de Zunera Ishaq n’existe pas. Nous connaissons ni son nom, ni son emploi. Alors que la femme, chez les islamistes, se doit d’être soumise et de s’effacer devant son mari, nous nous retrouvons devant une femme qui prend toute la place, qui se laisse photographier en pelletant la neige de son entrée d’auto, en se regardant dans le miroir, etc.

Aucune photographie du mari aimant avec son épouse hautement médiatisée. Nous ne savons rien de son époux. Pourquoi cette absence ? Pourquoi les médias ne sont-ils pas intéressés à son époux ? C’est le mystère. Est-il montrable ? A-t-il une opinion ? A-t-il été assermenté ou attend-il que sa femme gagne sa cause pour le faire avec elle ?

Cette pudeur journalistique me sidère surtout que nous sommes plutôt habitués au contraire. Dans d’autres circonstances, les journalistes se montrent plutôt interventionnistes, assiégeant maisons privées, voisins et famille elle-même.
Bilan et conclusion.
Toute cette affaire est avant tout politique. La décision du juge Boswell, dans la mesure où elle vise la consécration de certaines valeurs sociales, est politique. Elle ne résulte pas d’un compromis entre les différentes forces en présence ou l’aboutissement de négociations.
Non, Nuzera Ishaq, qu’elle soit instrumentalisée ou non, représente la montée des islamistes intégristes qui profitent, de la Charte canadienne des droits et libertés, pour faire avancer leur agenda politique.
Sur ce point, nous voyons que les partis politiques canadiens (même le Parti conservateur et le juge Boswell, venu du courant conservateur), sont incapables d’apporter des nuances nécessaires, car ils partagent tous le même fonds idéologique : le multiculturalisme.
Dans ce cas, plusieurs aspects pouvaient amener le juge et même certains partis politiques (PLC, BPD) à réaffirmer l’interdiction du niqab : le refus de Zunera Ishaq de se faire assermenter à visage découvert dans une intimité relative alors qu’elle n’est même pas une citoyenne canadienne, les affiliations qu’elle a avec des groupes pour le moins intégristes, etc.
A la lumière de ces faits, il devient clair que les autorités gouvernementales canadiennes sont incapables d’élaborer un ensemble cohérent de politiques concernant l’intégration des immigrants. C’est le judiciaire qui prime sur le politique.
Enfin, on se trouve en présence d’une fuite en avant politique puisque cette instance ne veut pas valoriser la valeur de la laïcité, comme valeur fondamentale commune.
D’autre part, il est paradoxal que les intégristes s’appuient sur une vision libertarienne pour mettre de l’avant leur liberté religieuse. Sur ce point, il clair que le discours de Zunera Ishaq intègre certains éléments du discours libertarien. « Chaque personne doit est libre de vivre de la manière qu’elle le veut. », dit-elle. La liberté individuelle et religieuse serait la base fondamentale de toute démocratie et passe avant toutes les considérations sociales collectives du vouloir vivre ensemble.
L’écart entre les politiciens canadiens et la population s’agrandit de jour en jour. La politique multiculturaliste tout azimut, qui remet en cause les valeurs dominantes dans notre société se heurtera de plus en plus de front les agents sociaux indispensables au fonctionnement du système. Il y a un risque d’éclatement.
Déjà, la décision d’un juge de la Cour du Québec de ne pas entendre la cause d’une femme qui portait le foulard fait la une des médias. Cette juge est déjà décrite par l’ensemble des médias, comme une personne incompétente et sa décision serait déraisonnable. En outre, la demanderesse est déjà décrite comme une victime d’une certaine forme de racisme !!!!
Pourtant, la décision du juge sera avalisée par la majorité de la population. Les zones d’incertitude induites par le multiculturalisme sont sujettes à créer dans la population des gestes xénophobes.
Globalement, favoriser, par quelque manipulation, telle exigence par rapport à telle autre, comporte toujours un risque qui a des conséquences sur l’applicabilité de la décision.
C’est vers ces ambiguïtés que les islamistes mèneront la charge pour conforter, d’abord, leur position au sein même des populations qu’ils disent représenter.
L’affaire Zunera Ashaq est l’exemple même de cette offensive islamiste sous le couvert des droits individuels qu’ils bafouent allègrement dans leurs pays. Sur ce point, notre vigilance est faible. Contextualiser les propos d’une femme sunnite, poser les vraie questions, faire ressortir les points sombres (rôle du mari), voilà les tâches d’un journalisme d’enquête qui se fait de plus en plus rare, pas seulement pour des raisons monétaires, mais aussi, souvent, pour des raisons idéologiques.
Denis Diderot écrivait : Il n’y a aucun exemple que la vérité ait été nuisible ni pour le présent ni pour l’avenir."


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1 commentaire

  • François A. Lachapelle Répondre

    2 mars 2015

    Ouf que votre article est intéressant. Il met en lumière les cul-de-sac sociaux du multiculturalisme promu par l'article 27 de la Charte de Trudeau-1982.
    Il faut relire le texte de l'article 27 de la Charte et contempler l'ampleur donnée au multiculturalisme "canadian": « 27. Toute interprétation de la présente charte doit concorder avec l’objectif de promouvoir le maintien et la valorisation du patrimoine multiculturel des Canadiens ». Évidemment, on n'a jamais voté pour cela au Québec.
    Et comme vous le faites très bien ressortir à partir du cas Zunera ASHAQ, les politiciens se cachent derrière les membres de la Cour suprême par vide idéologique. Je suis fier d'être Québécois de vouloir année après année me désolidariser du "multiculturalisme" et désirer pour le Québec une société laîque où les religions ont droit de cité dans la discrétion comme le prône le prof de McGill, Yvan Lamonde.
    Vous avez raison d'écrire, je cite: « L’affaire Zunera Ashaq est l’exemple même de cette offensive islamiste sous le couvert des droits individuels qu’ils bafouent allègrement dans leurs pays. Sur ce point, notre vigilance est faible. Contextualiser les propos d’une femme sunnite, poser les vraie questions, faire ressortir les points sombres (rôle du mari), voilà les tâches d’un journalisme d’enquête qui se fait de plus en plus rare, ...»
    Il est intéressant de joindre ici une réflexion du journaliste Pierre Foglia qui irradie au sujet des islamistes et autres intégristes religieux, je cite: « Houellebecq nous propose une fable sur la modération qui nous tue lentement en nous endormant à la manière du monoxyde de carbone. Nous ne mourrons pas décapités, enfin, pas tous, c’est la bonne nouvelle. La mauvaise, c’est que si on laisse les curés nous endormir, même les plus modérés, surtout les plus modérés, on va bientôt manquer d’air. On en manque déjà
    Vous et nous par milliers nous combattons pour ne pas manquer d'air maintenant et demain pour nos enfants. Continuez, continuons. Nos racines sont ici.