Les gens d'affaires du Québec se dressent devant Ottawa

Une coalition voit le jour pour combattre le projet de commission des valeurs mobilières unique

Les gens d'affaires dans la rue...

Jean St-Gelais, président-directeur général de l’Autorité des marchés financiers, et le ministre des Finances du Québec, Raymond Bachand, ont à nouveau dénoncé l’intention du gouvernement central de créer une seule commission des valeurs mobilières. Mais, hier, ils étaient accompagnés d’une coalition de gens d’affaires qui partagent leurs préoccupations.
Photo : Jacques Nadeau - Le Devoir

Alexandre Shields - Plusieurs des grands joueurs du monde des affaires du Québec ont décidé de joindre leur voix à celle du gouvernement libéral pour tenter de faire échec au projet fédéral de création d'une commission nationale des valeurs mobilières. Selon cette coalition nouvellement formée, il s'agit là d'une intrusion dans un champ de compétence provincial qui menace des centaines d'emplois et risque de faire glisser davantage les pouvoirs décisionnels financiers vers Toronto.
«On a beau étudier ce projet sous toutes ses coutures, le Québec et les autres provinces, sauf une, y perdent. Alors, pourquoi cette commission? Qui en seront les grands gagnants?», a laissé tomber hier le ministre des Finances du Québec, Raymond Bachand, en annonçant la création de la coalition. Seul l'Ontario y trouverait son compte, selon lui. «C'est un projet pour Toronto, fait pour l'Ontario dans l'intérêt de Toronto», a-t-il fait valoir.
«Fondamentalement, ce sont les associés des bureaux d'avocats de Toronto, ultimement, qui vont y gagner. Ce sont les bureaux de comptables de l'Ontario, ce sont les fiscalistes de l'Ontario. Et, éventuellement, quand vous êtes une société internationale et que vous avez un siège social à installer, c'est un facteur de plus en faveur de Toronto», a-t-il plaidé. Le Québec risque quant à lui d'assister, impuissant, à un «glissement des pouvoirs décisionnels» vers la Ville reine. La chose serait d'autant plus dramatique que le mouvement est déjà amorcé depuis plusieurs années.
Bref, «les grandes décisions vont se prendre à l'extérieur du Québec, ce qui va nuire à notre secteur financier», a expliqué M. Bachand au cours d'un point de presse donné en compagnie de certains membres de la coalition. Celle-ci ratisse large et comprend notamment la Caisse de dépôt et placement, la Fédération des chambres de commerce du Québec, le Fonds de solidarité FTQ, le Barreau du Québec et Quebecor.
«Pourquoi changer une formule gagnante pour une formule douteuse, préjudiciable et néfaste pour le Québec», a justement signifié la présidente de la Fédération des chambres de commerce, Françoise Bertrand.
D'autant qu'«au-delà de l'invasion d'un champ de juridiction provinciale, il y a aussi un enjeu économique majeur», a insisté M. Bachand. Une analyse des impacts économiques du projet des conservateurs — produite par SECOR et présentée hier — démontre en effet que 500 à 1000 emplois directs «hautement qualifiés» dans le secteur financier seraient menacés à court terme. À long terme, toute cette industrie se trouverait fragilisée, a prédit le ministre.
Système efficace
Les membres de la coalition sont en outre d'avis que le système actuellement en place, avec l'Autorité des marchés financiers au Québec, a fait ses preuves. «Le système d'encadrement des valeurs mobilières en place au Canada est classé parmi les meilleurs au monde par plusieurs organismes, dont l'OCDE, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international», a rappelé M. Bachand.
Ce dernier a aussi vanté l'efficacité du système de «passeport», qui permet à une entreprise du secteur financier inscrite au Québec, par exemple, d'être reconnue par les autres provinces. L'Ontario et les grandes banques canadiennes font bande à part, plaidant plutôt pour une autorité centrale.
Qui plus est, le ministre des Finances juge que le projet du gouvernement fédéral risque fort de ne pas tenir compte des spécificités du marché québécois pour imposer des conditions qui lui permettent de poursuivre «sainement» son développement. «Le projet du gouvernement fédéral risque d'entraîner l'élaboration en vase clos des nouvelles politiques financières canadiennes. Voulons-nous laisser à d'autres le soin de décider de la réglementation financière applicable au Québec? Nous ne sommes pas contre un système pancanadien. Nous sommes opposés à un système centralisé», a-t-il affirmé. Un point de vue partagé par le président-directeur général de l'Autorité des marchés financiers, Jean St-Gelais.
Ottawa ira de l'avant
Le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, n'a guère été ému par la coalition québécoise, affirmant que le fait d'avoir 13 autorités pour réglementer le secteur financier était une faiblesse pour le Canada. «C'est un embarras sur la scène internationale pour le Canada qui, par ailleurs, a la réputation dans le monde d'avoir des institutions et une réglementation financières très solides», a répliqué le ministre hier. À Ottawa, les ministres Jean-Pierre Blackburn et Christian Paradis ont tour à tour rappelé qu'il s'agissait d'une commission fédérale à laquelle l'adhésion serait volontaire.
Malgré l'opposition du Québec, de l'Alberta et du Manitoba, le ministre Flaherty a par ailleurs souligné la semaine dernière qu'un projet de création d'une commission nationale des valeurs mobilières serait déposé dans les prochains jours. Il est prêt à aller de l'avant avec ou sans la participation de toutes les provinces. Le dossier n'est pas nouveau, mais Ottawa a prévu une somme de 250 millions de dollars pour ce projet dans son dernier budget.
Le Québec et l'Alberta ont déjà entrepris des démarches juridiques pour contester la constitutionnalité d'un organisme fédéral de régulation en cette matière. Dans le cas du Québec, la cause devrait être entendue l'automne prochain devant la Cour d'appel. Le gouvernement fédéral a pour sa part annoncé qu'il demanderait le même avis à la Cour suprême.
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Avec La Presse canadienne


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