L’inauguration de l’ambassade américaine à Jérusalem, concrétisant une des promesses les plus controversées du président Donald Trump, s’est traduite par un bain de sang lundi dans la bande de Gaza, où 43 Palestiniens ont été tués par des tirs israéliens.
Du fait de ce lourd bilan, cette journée de festivités côté israélien et américain constitue la plus meurtrière du conflit israélo-palestinien depuis la guerre de 2014 dans la bande de Gaza.
Ouverture de l'ambassade américaine à Jérusalem: voyez des images de la cérémonie
Tandis qu’officiels Américains et Israéliens endimanchés ont célébré en grande pompe un moment « historique » et la force de leur alliance sous une vaste tente blanche plantée dans l’enceinte de la nouvelle ambassade, des dizaines de milliers de Palestiniens ont protesté, à quelques dizaines de kilomètres de là, dans la bande de Gaza sous blocus.
Les plus résolus ont affronté, au péril de leur vie, les tirs des soldats israéliens en allant lancer des pierres et en tentant de forcer la barrière de sécurité lourdement gardée.
Israël avait prévenu qu’il emploierait « tous les moyens » pour protéger ses soldats et la barrière, et empêcher ainsi le scénario cauchemar d’une incursion en Israël de Palestiniens susceptibles de s’en prendre aux populations civiles riveraines.
Selon le dernier bilan provisoire du ministère de la Santé gazaoui, 43 Palestiniens, dont un garçon de 14 ans, ont été tués, et des centaines d’autres blessés.
« Crimes de guerre »
Le gouvernement palestinien établi en Cisjordanie occupée a accusé Israël d’avoir commis un « horrible massacre » à Gaza. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, s’est dit « particulièrement inquiet ». L’Union européenne a exhorté toutes les parties à « la plus grande retenue ».
Les ONG Amnesty International et Human Rights Watch (HRW) ont dénoncé un recours injustifié aux tirs à balles réelles, la première fustigeant une « violation abjecte » des droits de l’Homme et des « crimes de guerre ».
Dans l’enceinte de l’ambassade américaine, rien n’aurait permis de discerner ce qui se passait au même moment à Gaza. Seul le conseiller et gendre de M. Trump, Jared Kushner, présent avec son épouse Ivanka --la fille du président-- parmi des centaines d’invités triés sur le volet, a paru faire une référence oblique aux évènements.
« Ceux qui provoquent les violences font partie du problème, pas de la solution », a-t-il dit.
Au moment où le bilan s’alourdissait d’heure en heure, M. Trump a de son côté salué le transfert à Jérusalem de l’ambassade des États-Unis comme « un grand jour pour Israël ».
« Félicitations, cela faisait longtemps qu’on attendait », a ensuite déclaré M. Trump dans un message vidéo aux participants. Comme le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, rayonnant, après lui, M. Trump a justifié sa décision comme la reconnaissance d’une réalité historique.
Il a affirmé que les États-Unis restaient « pleinement engagés dans la recherche d’une paix «durable» entre Israéliens et Palestiniens.
L’inauguration est pourtant largement perçue comme un acte de défi envers la communauté internationale dans une période de grande inquiétude pour la stabilité régionale.
L’OUVERTURE DE L’AMBASSADE AMÉRICAINE À JÉRUSALEM SUSCITE UNE RÉPROBATION MONDIALE
La communauté internationale, dont la Grande-Bretagne, plus proche allié des États-Unis, et la Russie, a réprouvé lundi l’ouverture de l’ambassade américaine à Jérusalem, dont le déplacement avait été désavoué par 128 des 193 pays membres de l’ONU.
De violents affrontements entre manifestants palestiniens et soldats israéliens ont fait lundi 37 morts et des centaines de blessés dans la bande de Gaza, où les Palestiniens protestent contre l’inauguration de l’ambassade prévue dans l’après-midi. Un comité de l’ONU a dénoncé l’usage « disproportionné » de la force par Israël contre les manifestants palestiniens.
Grande-Bretagne
« Nous désapprouvons la décision des États-Unis de déplacer son ambassade à Jérusalem et de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël avant un accord final sur le statut », a déclaré le porte-parole de la première ministre Theresa May. « L’ambassade britannique en Israël est basée à Tel Aviv et nous n’avons pas le projet de la déplacer ».
Russie
Interrogé lundi lors d’un briefing pour savoir si le transfert de l’ambassade américaine faisait craindre à la Russie une aggravation de la situation dans la région, le porte-parole du président russe Vladimir Poutine, Dmitri Peskov a répondu : « Oui, nous avons de telles craintes, nous l’avons déjà dit ».
Turquie
« Nous rejetons cette décision qui viole le droit international et les résolutions des Nations unies », a déclaré le président Recep Tayyip Erdogan. « Avec cette décision, les États-Unis ont choisi d’être une partie du problème, et perdent leur rôle de médiateur dans le processus de paix » au Proche Orient.
Le porte-parole du gouvernement turc, Bekir Bozdag, a par ailleurs dénoncé sur Twitter un « massacre » à la frontière avec la bande de Gaza, dont « l’administration américaine est autant responsable qu’Israël ». « En transférant son ambassade à Jérusalem, l’administration américaine a sapé les chances d’un règlement pacifique et provoqué un incendie qui causera davantage de pertes humaines, des destructions et des catastrophes dans la région ».
Maroc
Le roi Mohammed VI a dénoncé une « décision unilatérale », qui « s’oppose au droit international et aux décisions du Conseil du sécurité », lit-on dans une lettre adressée lundi au président palestinien Mahmoud Abbas, relayée par l’agence officielle MAP. Le roi y dit « suivre avec préoccupation » la situation.
Égypte
Le grand mufti Shawki Allam a dénoncé « un affront direct et clair aux sentiments de plus d’un milliard et demi de musulmans sur terre », qui « ouvre la porte à davantage de conflits et de guerres dans la région ».
Plus de détails suivront.