Les Écossais aux urnes : Les indépendantistes ont la cote

Par Yves Schaëffner

Écosse et indépendance




Édimbourg - Alors que le parti québécois vient de subir une de ses pires déconfitures, les indépendantistes écossais ont le vent dans les voiles. Pour la toute première fois, ils pourraient même remporter les élections législatives de demain. Comme le parti de René Lévesque en 1976, les souverainistes écossais cherchent à convaincre les électeurs qu'ils peuvent former un " bon gouvernement " et assurent de tenir un référendum avant de couper les liens avec Londres.
" J'aime bien ce qu'il dit, mais je ne vais pas voter pour lui ". Le candidat travailliste Richard Meade est à peine sorti de Baroque, un café du centre-ville d'Édimbourg, que Jenny Anderson exprime son ras-le-bol à l'égard du parti au pouvoir depuis huit ans en Écosse. " J'ai toujours voté pour les travaillistes, mais pas cette fois, il est hors de question que je vote pour eux ", explique la jeune femme.
Le principal défaut du candidat travailliste écossais? Il appartient à la grande famille des travaillistes britanniques de Tony Blair, précise Jenny Anderson. Englué dans les scandales et responsable de la guerre en Irak, le premier ministre britannique est devenu une figure honnie au nord du mur d'Hadrien.
Les souverainistes du Parti national écossais (SNP) sont les principaux bénéficiaires de la grogne anti-Blair. Pour la première fois de leur histoire, ils caracolent en tête des intentions de vote depuis des mois. Les sondages leur accordent entre 5 et 8 % d'avance.
Avec à leur tête un chef populaire, les partisans du SNP espèrent que mai 2007 sera l'équivalent écossais de novembre 1976 au Québec, quand le Parti québécois est arrivé au pouvoir pour la première fois.
Bien qu'il promette un référendum pour 2010, le SNP ne claironne pas trop ses ambitions indépendantistes. " Ces élections ne portent pas sur l'indépendance, assure à La Presse Alex Salmond, le souriant et bedonnant leader du SNP. Ce sont d'abord des élections pour élire un gouvernement qui va faire avancer les choses en Écosse. "
D'un avis bien différent, les travaillistes se chargent de battre le tambour de la séparation, rappelant à qui veut l'entendre que le SNP veut " détruire " le Royaume-Uni. " Les gens du SNP sont intransigeants. Ils vont passer les trois prochaines années à préparer leur référendum ", argue Richard Meade, le jeune candidat travailliste d'Édimbourg-Ouest. En chaussures de sport et tenue décontractée pour aller distribuer des dépliants, le candidat croit que les souverainistes vont tout faire pour envenimer les relations entre le Parlement de Westminster et celui d'Holyrood, en Écosse.
James Kennedy, sociologue à l'Université d'Édimbourg, pense plutôt que les travaillistes sont désespérés et agitent le spectre de l'indépendance pour faire peur à l'électorat. " Mais même cette tactique s'est retournée contre eux, assure-t-il, les gens ne sont pas effrayés. "
Il est vrai que le Labour n'a pas toujours été subtil. En prétendant il y a peu que l'Écosse serait plus vulnérable à une attaque terroriste sans le soutien du Royaume-Uni, il s'est sans doute quelque peu discrédité.
Jouissant entre autres de l'appui de Sean Connery et d'une centaine de gens d'affaires, le SNP a réussi à bien se positionner pour recevoir les votes des gens déçus par le Labour. Mais cela ne signifie pas pour autant que l'appui à l'indépendance a augmenté en Écosse.
L'indépendance plafonne
" C'est le gros échec du SNP ", précise John Curtice, politicologue à l'Université Strathclyde. Bien que le parti de centre gauche se soit défait de son image de grognons en kilt, il ne parvient toujours pas à augmenter l'appui à la souveraineté. Depuis des années, celui-ci stagne entre 25 % et 30 %.
" On a un peu de travail à faire à ce niveau-là ", concède en riant Sheena Cleland, candidate du SNP dans Édimbourg -Ouest. " Mais une fois qu'on va prendre le pouvoir, les gens vont voir qu'on est capables de gérer un gouvernement et que le SNP n'est pas un monstre à deux têtes ", précise-t-elle.
Comme le Parti québécois, le SNP parie sur une démarche " étapiste ". Il promet ainsi un référendum en 2010 pour négocier les termes de l'indépendance avec le Royaume-Uni. James Kennedy, qui a passé plus de cinq ans à étudier le mouvement nationaliste québécois, croit toutefois que le référendum du SNP risque de connaître le même sort que celui du PQ en 1981. " C'est difficile de lancer un référendum en fin de mandat ", rappelle le sociologue.
Référendum
Dans son charmant petit cottage en lisière d'Édimbourg, Sheena Cleland précise que le SNP doit nécessairement faire ses preuves avant de convoquer les Écossais aux urnes pour un référendum. " Ce serait une plus grosse erreur encore de tenir un référendum sans être sûr de le gagner, assure-t-elle. Nous devons d'abord rassurer les gens. "
Mais il y a un autre obstacle majeur sur la route du SNP. Même s'il parvient à devenir la principale formation du Parlement jeudi prochain, il ne pourra pas former un gouvernement majoritaire. Et les libéraux démocrates - ses alliés naturels - ont d'ores et déjà certifié qu'ils refuseraient de s'associer au SNP si le référendum ne porte que sur l'indépendance. La formulation de la question risque d'être un exercice plutôt compliqué dans ces conditions.
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ÉDIMBOURG - Des élections en Écosse sans une référence au Québec? Aussi improbable qu'un joueur de cornemuse sans kilt. Cette fois, c'est la question des " neverendums québécois " (les référendums à la chaîne) qui est venue épicer la campagne électorale écossaise.
Si elle n'a causé aucun incident diplomatique, elle a tout de même embarrassé Alex Salmond, leader du Parti national écossais (SNP). Après avoir affirmé dans un premier temps que son parti comptait tenir rapidement de nouveaux référendums sur l'indépendance s'il ne parvenait pas à gagner la première consultation populaire, Alex Salmond a finalement choisi de changer son fusil d'épaule.
Le leader indépendantiste a promis la semaine dernière que son parti n'imiterait pas le Parti québécois. S'il perd son référendum - qu'il prévoit tenir en 2010 -, Alex Salmond a assuré que le SNP ne reposerait pas la question avant une autre génération.
Alors que dans le passé, les leaders indépendantistes écossais aimaient utiliser l'exemple du Parti québécois pour promouvoir leur cause, Alex Salmond semble aujourd'hui préférer s'en distancier. Est-ce en raison du déclin de la ferveur souverainiste au Québec? Impossible de le savoir. " Nous sommes évidemment au courant de la situation internationale, se borne à répondre le chef du SNP. Mais l'Écosse n'est pas le Québec et le Québec n'est pas l'Écosse ", précise-t-il.
En 2002, le premier ministre écossais Jack McConnell avait causé un mini-incident diplomatique en faisant allusion au Québec.
Prenant l'exemple du référendum de 1995, il avait dit qu'une éventuelle consultation sur l'indépendance en Écosse mènerait au chaos économique. Le leader travailliste avait été rabroué par le délégué général du Québec à Londres.


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