Ce qu'en disent les "économistes atterrés" sur Mediapart
Après Dexia, il est intéressant de lire et d’écouter l’analyse des économistes atterrés – ce groupe d’économistes français de gauche qui dénoncent l’absence de changement idéologique et politique depuis la crise financière de 2008 – qui expriment des avis circonstanciés sur les graves événements que nous vivons. Ce très intéressant débat a été organisé par le journal quotidien de gauche sur Internet Mediapart, qui est cité régulièrement sur ce blog.
Ils refusent qu’on nous laisse aller au mur. La mascarade de Dexia, le drame de la Grèce, la menace sur notre bien être et la misère qui s’installe sont des maux qu’il faut éradiquer.
Il est temps de comprendre pour faire une autre politique et renverser la vapeur.
C’est long à écouter, mais cela vaut la peine que vous preniez un peu de votre temps.
Bonne lecture et bonne écoute !
Pierre Verhas
Plus la crise s'accélère, plus les hypothèses de leur manifeste, publié à l'automne 2010, se vérifient. Et, à force de dénoncer les méfaits de l'austérité, ou les errements de Bruxelles face à la crise, les économistes «atterrés» ont l'impression de radoter. «Nous sommes condamnés au radotage, car l'Histoire bafouille», ironise Frédéric Lordon, directeur de recherche au CNRS, s'en prenant à la «remarquable persévérance dans l'erreur de ceux qui nous dirigent».
A l'invitation de Mediapart, six de ces économistes «atterrés» ont repris, jeudi 6 octobre à Paris, leur bâton de pèlerin. De l'agonie grecque à la chute de Dexia, ils ont décrit le nouveau virage de la crise, et tiré à boulets rouges sur l'Union européenne, qui n'y est pas pour rien dans les tourmentes en cours. Voici la vidéo de la première partie du débat (1h25):
Interventions des "Economistes atterrés" par Mediapart
«Nous sommes entrés pendant l'été 2011 dans la phrase trois de la crise», a expliqué Benjamin Coriat, de l'université Paris-13. Acte 1 (2009): sauvetage des banques, mises à genoux par les subprime, orchestré par les Etats. Acte 2 (2010): le secteur financier à peine sauvé se retourne contre des Etats qu'il juge trop endettés. Acte 3, depuis août dernier: nouvel effet boomerang, avec des banques déstabilisées, cette fois, par les dettes des Etats, qu'elles détiennent en quantités astronomiques...
Dexia, en cours de démantèlement, pourrait ainsi inaugurer une série de recapitalisations, voire de nationalisations de géants bancaires en Europe. Mais ce qui s'annonce rappelle le précédent de 2009: il n'y aura sans doute pas de prise de contrôle par l'Etat. «Le système bancaire bégaye son effondrement», a déclaré Frédéric Lordon.
«Dexia, c'est une histoire de hauts fonctionnaires piqués par l'hubris de la financiarisation», a-t-il poursuivi, rappelant au passage que la banque était sortie 12e, sur 91, des stress tests publiés cet été. Ce classement des banques, réalisé par les autorités de régulation, était censé prouver la solidité du système bancaire en place. «Nous traînons encore ce problème du bilan insincère des banques», a confirmé de son côté Benjamin Coriat.
Dans ce contexte, «la gouvernance de l'euro n'a pas tiré les leçons de la crise, et pire, elle l'aggrave», a avancé Henri Sterdyniak, de l'OFCE. Pour Thomas Coutrot, co-président d'Attac-France, l'Europe est à l'«agonie», tout comme l'euro. Lui entrevoit un «krach social et démocratique» de l'Europe, à force d'imposer, par-delà les Etats, davantage de discipline budgétaire, par exemple à travers le Pacte de stabilité et de croissance. Cédric Durand, de Paris-13, a dénoncé ce «gouvernement par la dette», qui ne serait autre qu'une «manœuvre de culpabilisation» des populations, pour faire passer de nouvelles politiques d'austérité, toujours plus «bêtes, méchantes et dangereuses».
Un candidat des «atterrés»?
Parmi les pistes que les «atterrés» ont avancées, et sur lesquelles ils ne sont pas tous forcément d'accord, Cédric Durand a défendu l'organisation d'un audit de la dette grecque, qui permettrait de faire le tri entre dette «légitime» et «illégitime», et d'alléger, en bout de course, le fardeau de la Grèce. Frédéric Lordon milite pour une «renationalisation intégrale et gratuite» des banques. Thomas Coutrot a plaidé pour une émission d'euros directement par les banques centrales nationales, pour contourner la BCE – des euros qui pourraient servir pour renationaliser certaines banques mal en point aujourd'hui.
Plusieurs intervenants, dans le public, ont pressé les économistes à se prononcer, à quatre jours du premier tour de la primaire socialiste, sur leurs préférences politiques. Montebourg, Joly, Mélenchon, etc., y aurait-il un candidat «atterré» à leurs yeux? A quoi serviraient les «atterrés», si ce n'est pour soutenir un candidat? Et ce fut, sur scène, la cacophonie.
Frédéric Lordon a estimé que ni Martine Aubry ni François Hollande n'était de gauche, son collègue Benjamin Coriat manquant de s'étrangler. Thomas Coutrot est venu rappeler la position officielle des «atterrés»: participation au débat public, mais pas d'affiliation à un candidat en particulier. Même son de cloche chez Henri Sterdyniak, pour qui il s'agit «de changer les mentalités (...), d'armer les citoyens, les syndicats, les associations». «Faire le plein d'idées», a dit Cédric Durand, pour se tenir prêts, en cas de nouvelle accélération de la crise...
Voir la séance de questions-réponses avec le public :
Questions aux "Economistes atterrés" par Mediapart
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