Editorial du "Monde" (la pollution du "Monde"? - Vigile)

Les désarrois de l'élève Obama au Proche-Orient

Le face-à-face entre M. Moubarak et la place Tahrir est une affaire compliquée, à facettes multiples. Mais c’est d’abord une affaire égypto-égyptienne.

Géopolitique — Proche-Orient

Pas "suffisant", a dit Barack Obama, en commentant, jeudi soir 10 février, l'allocution télévisée d'Hosni Moubarak. Le raïs égyptien venait d'annoncer qu'il déléguait ses prérogatives de chef de l'Etat à son vice-président, Omar Souleimane, mais qu'il n'en restait pas moins à la présidence (pour le moment).
Le propos de dépit de M. Obama illustre l'un des aspects les plus saillants de cette crise : la relative impuissance des Etats-Unis à peser sérieusement sur les événements. L'Amérique ne semble en mesure ni d'exercer une influence déterminante sur le raïs, l'un de ses alliés les plus proches dans la région, ni sur la rue égyptienne.
Les Etats-Unis souhaitaient le départ de M. Moubarak - sans oser le dire publiquement. Ils voulaient que le président égyptien, en annonçant son retrait, accède à la principale revendication de l'immense mouvement de protestation qui secoue l'Egypte depuis dix-huit jours.
C'eût été un geste symbolique de grande portée politique, susceptible d'apaiser la colère des Egyptiens qui manifestent, un geste de nature à empêcher une radicalisation du mouvement.
M. Obama n'a pas caché sa frustration : "Le gouvernement égyptien doit tracer un chemin crédible, concret et sans équivoque vers une démocratie réelle, a-t-il dit, et ses membres n'ont pas encore saisi cette occasion."
Depuis le début de la crise, Washington hésite. Quel camp choisir ? D'un côté, un allié fidèle, que l'on subventionne à coups de milliards de dollars mais qui est un dictateur ; de l'autre, un mouvement qui le conteste au nom même de valeurs que les Etats-Unis veulent incarner.
Le régime égyptien représente la stabilité stratégique, la garantie du maintien de l'accord de paix conclu en 1979 avec l'autre grand allié régional de Washington, Israël. La place Tahrir, elle, est la voix d'une révolte en marche pour promouvoir un credo démocratique cher à l'Amérique...
Les Etats-Unis ne veulent pas le chaos ni la remise en cause de la paix égypto-israélienne. Mais ils n'entendent pas non plus être du "mauvais côté" dans cette histoire. La vérité est qu'elle se fait, très largement, sans eux.
Leur désarroi donne la mesure de leur impuissance relative. Ils disposent bien de "l'arme atomique" : ils peuvent étrangler financièrement l'Egypte en suspendant leur aide de 2 milliards de dollars annuels. Mais à qui cela profiterait-il ? Proche des théories du complot en vogue au Proche-Orient et ailleurs, l'image d'une Amérique qui tire toutes les ficelles dans l'ombre a moins de sens que jamais.
La guerre froide est finie depuis longtemps : pas plus Washington que Moscou ne sont maîtres de ce qui se passe dans leur zone d'influence. Les événements d'Egypte se déroulent de façon imprévisible. Ils sont façonnés par les réactions d'un mouvement protestataire qui dispose d'un instrument de communication, donc de mobilisation, sans précédent : Internet.
Le face-à-face entre M. Moubarak et la place Tahrir est une affaire compliquée, à facettes multiples. Mais c'est d'abord une affaire égypto-égyptienne.


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