POINT DE VUE

Les conséquences de la guerre des Six jours ne cessent d'empirer !

Sionisme sous pression

Check point d'un camp palestinien (Photothèque Le Soleil)

Les conséquences de la guerre des Six Jours ne cessent d’empirer les conditions de vie pour les Palestiniens ni de rendre plus problématique l’isolement des Israéliens pour eux-mêmes et pour le grand Moyen-Orient.
La communauté internationale doit s’impliquer et rendre possible le règlement du conflit. La guerre des Six Jours n’a duré que du 5 au 11 juin 1967, mais ses conséquences n’ont pas fini de nous surprendre ni de nous inquiéter. Les territoires de Cisjordanie, de Gaza et de Jérusalem-Est «conquis», mais non reconnus par les Nations unies, sont peuplés de Palestiniens vivant depuis 40 ans sous occupation.
Les camps palestiniens
Les camps palestiniens du Liban, de Jordanie, de Syrie regroupent 4,4 millions de réfugiés, recensés par les Nations unies, qui vivent misérablement en menaçant l’équilibre économique et politique des pays qui les accueillent. La bande de Gaza, où survit péniblement une population parmi les plus denses au monde et qui s’appauvrit, est complètement coupée par mer, par terre et par air de commerce et de déplacements, sauf avec le consentement des autorités israéliennes.
La Cisjordanie et Jérusalem-Est abritent 440 000 colons israéliens illégaux, dont le nombre ne cesse d’augmenter, et qui bénéficient de routes qui les conduisent à Jérusalem, alors que les Palestiniens, dont plus de 60 % vivent avec moins de 2 $ par jour, n’ont pas accès à ce réseau et peuvent à peine circuler sans devoir s’arrêter aux centaines de «check-point» où les arrêtent des soldats armés de mitraillettes, et ce, sans compter les innombrables problèmes causés par le mur et son tracé. Ce n’est qu’une description sommaire. Inutile de dire qu’ils sont en colère.
Les Israéliens sont aussi déçus et inquiets
Les Israéliens, îlot dans une mer arabe, sont à la fois fiers et soudés par l’histoire de la construction d’Israël, mais déçus et inquiets des résultats de la guerre du Liban. Leur volonté de fer de compter d’abord sur leurs propres moyens a fait de l’armée et de leur armement militaire — y compris le nucléaire fourni d’abord par la France en 1957 — la pièce maîtresse de leur survie. Cette volonté a produit une société où le souvenir vivace de la grande épreuve de la Shoah alimente à la fois la peur de disparaître et l’assurance qu’ils ont toujours raison.
Mais le poids de l’occupation se fait aussi sentir sur la société israélienne. Avram Burgh, président de la Knesset, disait en 2002 : «En d’autres termes, plus durs, messieurs les députés, l’occupation corrompt et peut-être plus précisément, elle nous a déjà corrompus…» Outre le coût de l’équipement militaire et de la récente guerre, soutenus par des dons et prêts américains importants, la société israélienne dynamique, généreuse, progressiste des débuts se durcit, s’appauvrit et même perd de ses jeunes qui veulent un autre avenir que celui du conflit et de la peur constante, même s’ils sont mieux protégés par le mur.
Occasions manquées
Des occasions ont été manquées de régler le conflit. Il s’en présente une nouvelle qui doit être saisie, même si, à première vue, elle n’est pas évidente. Tout force la communauté internationale à s’impliquer fortement et à rendre possible le règlement du conflit : les considérations humanitaires, parce que les souffrances engendrées par ce conflit sont intolérables et inacceptables; les considérations légales, parce que la communauté internationale a l’obligation de veiller au respect du droit international; les considérations sécuritaires, parce que ce conflit cristallise toutes les colères, comme l’ont constaté les députés du Comité des Affaires étrangères qui ont parcouru plusieurs pays musulmans dans le cadre d’une étude intitulée Regard sur les relations avec les pays du monde musulman (31mars 2004). N’oublions pas enfin que le sort des Palestiniens a aussi été évoqué par Ben Laden au lendemain du 11 septembre 2001.
Les Accords de La Mecque
Le signal envoyé à l’occasion des Accords de La Mecque par l’Arabie saoudite et les pays arabes réunis pour aider les Palestiniens à se donner un gouvernement d’unité nationale ne doit pas être oublié. C’est une offre claire et précise de l’ensemble des pays arabes d’échanger enfin les territoires sous occupation pour la paix, avec des textes qui ouvrent la voie à la négociation.
C’est une sortie de crise proposée, après la tension générée par la victoire inattendue et massive du Hamas aux élections démocratiques de janvier 2006, réclamées avec force par la communauté internationale, mais dont les résultats n’ont pas été acceptés à cause du maintien des positions du Hamas à propos d’Israël. Suivirent l’arrêt du financement de l’Autorité palestinienne et le bannissement des Palestiniens par cette même communauté internationale. C’était parfaitement incompréhensible pour les Palestiniens plongés brusquement dans une plus grande pauvreté par la coupure des salaires et la diminution radicale des services notamment médicaux, sans compter une plus grande isolation et bien sûr une plus grande colère.
Les Accords de La Mecque se traduisant par un gouvernement formé d’une majorité de députés du Hamas, de députés du Fatah et de quatre autres partis permettent au président Mahmoud Abbas de répéter avec force son adhésion aux exigences internationales de non-violence, de reconnaissance des accords passés sous Oslo et de reconnaissance d’Israël. Il pouvait donc attendre le refinancement direct de l’Autorité palestinienne par la communauté internationale, le transfert par Israël des taxes payées sur les produits fabriqués en Palestine qui constituaient la moitié du budget de l’Autorité, soit 60 millions par mois, et le redémarrage des négociations. Rien de cela ne s’est produit.
Violences interpalestiniennes
Les violences interpalestiniennes qui ont suivi ont consterné et fait oublier tout le chemin parcouru. Elles ont nui et nuisent grandement aux Palestiniens eux-mêmes, mais qui peut dire qu’elles surprennent dans un tel contexte? Personne ne peut s’en réjouir, parce que si elles étaient le début d’une implosion de la société palestinienne réunie autour de son projet de pays, elles ne seraient pas une garantie de paix pour les Israéliens, très loin de là. Elles ne seraient pas non plus une garantie de paix pour la communauté internationale, parce que les nombreux militants en colère devenus libres sur le marché de la violence de revanche ne pourraient qu’alimenter le terrorisme international.
Il faut revoir la stratégie de la communauté internationale qui a suivi Israël dans l’exigence renouvelée de préconditions à la négociation, laissant à tout groupe d’intérêt hostile la capacité d’arrêter celle-ci. Si Tony Blair avait eu une telle stratégie, le monde étonné n’aurait pas vu Ian Paisley et Gerry Adams se serrer la main et collaborer pour faire fonctionner le parlement de l’Irlande du Nord. Non. Tony Blair ne s’est pas laissé arrêter par des violences rejetées par Gerry Adams. Il y a eu négociations. Il y a eu un long processus patient de désarmement de l’IRA. Il y a eu des oppositions au règlement, mais finalement, un succès qu’il faut saluer.
Créer un État palestinien viable
En 2001, le Conseil général du Bloc québécois a adopté une position de principe claire qui guide encore nos interventions : il n’y aura pas de résolution du conflit israélo-palestinien sans la création d’un État palestinien viable et le respect du droit d’Israël d’exister à l’intérieur de frontières sûres et reconnues.
Pour cela, il faudra que prenne fin l’occupation militaire des territoires palestiniens et que les colonies israéliennes dans les territoires soient démantelées. De plus, les deux parties devront conclure un accord négocié, dont chacun aura librement accepté les termes, incluant les questions épineuses que sont le sort des réfugiés et le statut de Jérusalem. Avec le désordre qui s’est installé dans la bande de Gaza à la suite du retrait israélien en 2005, on a vu à quel point les solutions unilatérales sont mauvaises. Et on a vu aussi à quel point la destruction des institutions politiques et des infrastructures de l’Autorité palestinienne porte un germe de chaos et de violence qui rend impossibles tant le retrait israélien que la reprise des négociations de paix. Et le simple fait que l’occupation dure depuis 40 ans démontre clairement que, laissées à elles-mêmes, les deux parties au conflit ne parviendront pas à s’entendre.
Renforcer les institutions palestiniennes
À brève échéance, il urge de renforcer les institutions palestiniennes. C’est un préalable à la reprise du processus de paix et au retrait israélien. Il faut donc revenir à cet Accord de La Mecque, car il est porteur d’espoir. L’alternative, c’est le chaos.
La semaine dernière, la Norvège a reconnu le nouveau gouvernement et rétabli le financement à l’Autorité palestinienne et les relations diplomatiques. D’intenses discussions ont lieu en Europe en ce sens. Mais le gouvernement Harper maintient la ligne dure, continue de critiquer et n’offre aucun soutien.
Stephen Harper fait exactement le contraire. L’an dernier, il a été le seul gouvernement au monde à déclarer que la guerre qu’Israël a livré au Liban était mesurée. Même l’administration Bush n’avait pas commis cette erreur. Plus tard, lors des élections palestiniennes, il a été le premier gouvernement au monde à couper les vivres à l’autorité palestinienne.
En prenant sans nuance position pour un camp et contre l’autre, il s’empêtre dans la dynamique des accusations mutuelles, celles-là même qui servent de prétexte pour ne pas régler le conflit, et il se rend inapte à proposer quelque solution que ce soit. Il faut que cesse cette politique doctrinaire et manichéenne du gouvernement conservateur, qui a beaucoup nui à la capacité du Canada à jouer un rôle utile.
Travailler à la résolution du conflit
Pour le Bloc québécois, il est urgent que le gouvernement commence à travailler à la résolution du conflit plutôt qu’à lancer des accusations. De plus, un engagement financier substantiel devra être pris en vue de reconstruire la Palestine, dont les infrastructures ont été systématiquement détruites. Il est illusoire de penser que les Palestiniens cesseront de sombrer dans le désespoir et la violence sans progrès dans leurs conditions de vie.
Ensuite, il faudra créer des conditions qui rendront possible le retrait israélien, en proposant par exemple l’envoi d’une force internationale d’interposition qui offrirait des garanties de sécurité à la fois aux Israéliens et aux Palestiniens. À cet effet, une conférence internationale devrait être convoquée dans les plus brefs délais.
Finalement, les conditions étant remplies, il sera possible de reprendre le processus de paix et d’insister fort, très fort, auprès des deux partis pour qu’elles passent par-dessus leur méfiance et réalisent que rien n’est aussi important que la paix. Mettons-nous à la tâche pour recréer rapidement des conditions favorables. Le temps n’est plus aux palabres mais à l’action.
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Francine Lalonde
Porte-parole du Bloc québécois en Affaires étrangères
(Texte publié également dans Le Devoir du 11 juin 2007 sous le titre "Guerre des Six jours: la communauté internationale doit s'impliquer")


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