Les circonlocutions politiciennes et leurs surprises

Quand Mme Marois se traduit, c'est moins mi-chaud

Affaire Michaud 2000-2011

Après avoir cautionné pendant plusieurs jours, par son silence, l’impression — partagée par beaucoup, y compris le soussigné — qu’elle s’était excusée envers M. Michaud en reconnaissant qu’il avait été traité inéquitablement en 2000, Mme Marois vient de préciser que l’inéquité dont elle parlait se limitait à l’omission de l’Assemblée nationale de l’avoir entendu avant de le condamner. Comme le mentionne Antoine Robitaille dans Le Devoir du 11 décembre, «[...] elle a refusé d’offrir ses excuses [...]», comme quoi prêter de bonnes intentions est parfois aussi aléatoire que d'endosser un emprunteur insolvable. La position de Mme Marois équivaut à celle de M. Charest, qui prétend que ce geste de l’Assemblée nationale d’alors jugeait les propos et non la personne de M. Michaud, propos dont les députés ignoraient d’ailleurs la teneur au moment du vote. Ils ont par la suite été publiés vingt fois plutôt qu’une et, pour y trouver matière à condamnation, il faut se forcer (sans rougir... ni bleuir) pour ne pas savoir lire.

D’abord, lorsqu’on vote une telle motion sans connaître l’objet du délit, ce qui était le cas, simplement parce que les chef des partis l’exigent, l’un fût-il Premier ministre, on commet, à la fois servilement et lâchement, une négligence et une injustice graves, et tous ceux qui y ont prêté la main en sont conjointement et solidairement responsables, peu importe la casuistique jésuite invoquée pour y échapper. Ensuite, l’argument selon lequel on a ainsi condamné des propos sans condamner la personne qui les aurait tenus tient du sophisme et de la dissociation cognitive volontaire. Enfin, au crime condamnant à toutes fins utiles la liberté d’expression puisque sans avoir d’abord connu et jaugé les propos supposément tenus, on en ajoute deux autres : n’avoir pas entendu celui qui les aurait proférés et avoir flétri consciemment et publiquement sa réputation. Si cela relève de la discipline de parti, faudrait-il alors conclure que les députés doivent davantage à leur parti qu’à leurs électeurs et au serment qu’ils prêtent? Sinon, à quoi ou à qui?

On peut comprendre la manière d’agir de la cheffe du Parti québécois : plusieurs députés du parti en poste en 2000 ont refusé de s’excuser et, parmi ces derniers, certains siègent encore et se refusent toujours à le faire. Cependant, comprendre n’équivaut absolument pas à approuver. Vouloir acheter la paix dans sa maison est une chose, l’acheter au prix de la résignation (sinon de l’approbation tacite) à une injustice qui a jeté l’opprobre public sur un citoyen pendant dix ans, en est une autre. Le fait que ce citoyen ait exercé honorablement des fonctions journalistiques et politiques pendant plus de cinquante ans aggrave l’ignominie dont on l’a couvert.

En revanche, ce serait commettre une autre injustice que de montrer Pauline Marois du doigt sans ajouter que Jean Charest, en plus d’avoir été alors chef de l’opposition à l’époque, est aujourd’hui Premier ministre; à ce titre et compte tenu de son rôle d’initiateur dans cette pantalonnade, il devrait avoir été le premier à faire amende honorable, ce qu’il n’a pas fait, en plus de lancer son pitbull dans l’hallali contre l’opposition, sous couvert de s’en prendre à un appréhendé nationalisme ethnique, expression employée par les Libéraux provinciaux — dans les deux sens du dernier terme — pour calomnier les nationaux québécois de toute ascendance, comme si les individus appartenant à ce parti ne se considéraient pas comme membres de la nation québécoise. Il faudra bien, un jour qu’ils nous disent haut et fort de quelle nation ils se réclament.


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6 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    12 décembre 2010

    "Le plus minoritaire de tous, Khadir, a clouer(sic) le bec aux démagogues ! Des deux côtés de l’Assemblée, à part ça !" (Gébé)
    Sauf que le bon docteur Khadir, portant le ballon pour quelqu'un d'autre, n'avait pas flairé le piège vicieux de Fournier. Comme dans l'affaire de la lettre du RRQ, le syndrome de l'invincible le porte maintenant à croire qu'il n'a rien à craindre, si ce n'est une réprimande de Françoise en rentrant au bureau, mais alors là... :-)

  • Archives de Vigile Répondre

    12 décembre 2010

    "C’est là que doit naviguer intelligemment la chef du Parti. Quand on est minoritaire, on ne gagne pas, à l’Assemblée nationale, dans des prises de bec démagogues que ce gouvernement corrompu utilise pour détourner l’attention de ses tripotages."(O)
    On ne porte pas les mêmes lunettes, c'est évident !
    Le plus minoritaire de tous, Khadir, a clouer le bec aux démagogues ! Des deux côtés de l'Assemblée, à part ça !

  • Archives de Vigile Répondre

    12 décembre 2010

    Monsieur Poulin,
    Retenons votre remarque capitale, celle rappelant que Charest sonne l'hallali en lâchant son pitbull paradoxalement raciste (sa propre ethnie!) aux trousses des nationalistes ethniques...
    C'est là que doit naviguer intelligemment la chef du Parti. Quand on est minoritaire, on ne gagne pas, à l'Assemblée nationale, dans des prises de bec démagogues que ce gouvernement corrompu utilise pour détourner l'attention de ses tripotages. On voudrait discuter d'un sujet aussi subtil que l'identité et le nationalisme dans une telle cacophonie? C'est comme discuter philosophie dans une disco tonitruante!
    Par ailleurs, M. Michaud ne demandait pas d'excuses au début. Il demandait ce que propose Marois: une loi empêchant toute récidive. Or, après s'être emporté contre elle, il lui écrit le 9 décembre: "Je vous prie de passer outre mes écarts de langage. Les cicatrices du 14 décembre 2000 ne sont pas encore cautérisées, mais ce n’est pas une raison pour me laisser aller à des dérapages verbaux. Ma nature m’y invite et plus les années passent moins la modération s’exerce, sans doute de peur de passer l’arme à gauche avec des comptes en souffrance."
    M. Michaud sent que le temps le presse. Il devient impatient et sa dialectique se fait moins subtile. Mais il n'est pas sénile et veut laisser à Mme Marois les coudées franches et le temps de manoeuvrer. Ne rien brusquer, par simple tactique d'efficacité. D'abord battre le PLQ pour ensuite pouvoir agir.

  • Archives de Vigile Répondre

    12 décembre 2010

    M. Poulin, si je comprends bien, vous avez commencé par blâmer Mme Marois dans l'affaire Michaud puis, vous l'avez excusée puis vous vous sentez obligé de la blâmer de nouveau ?
    Si Mme Marois était plus claire dans ses regrets, ça nous faciliterait notre appréciation de ce qu'elle veut bien dire pour mieux savoir si nous devons continuer de lui faire confiance au congrès du PQ d'avril prochain.

  • Archives de Vigile Répondre

    11 décembre 2010

    Si Mme Marois ne s'excuse pas clairement pour son vote injuste à l'aveugle, maintenant, après 10 ans, qu'elle sait ce que M. Michaud avait dit, pas de fling flang qu'il faut interpréter, le devoir des Péquistes est de la sortir en avril prochain à cause de sa peur des Bouchard, Brassard et Simard, des enragés émotifs qui refusent de s'excuser.

  • Archives de Vigile Répondre

    11 décembre 2010

    Voici ce qu'on peut lire sur le site de Radio-Canada.
    Réhabilitation d'Yves Michaud
    Le PQ refuse la motion de Khadir
    Mise à jour le vendredi 3 décembre 2010 à 18 h 49

    Une motion du député de Québec solidaire, Amir Khadir, pour réhabiliter le militant souverainiste Yves Michaud, vendredi, place le Parti québécois sur la défensive.
    Il y a dix ans, le 14 décembre 2000, Yves Michaud recevait une motion de blâme unanime de la part de l'Assemblée nationale pour des propos qui avaient, à l'époque, été jugés antisémites. Selon les paroles qu'on lui prête, il aurait qualifié l'organisme juif B'nai Brith de « phalange extrémiste du sionisme mondial », et allégué que les Juifs n'avaient pas le monopole de la souffrance dans le monde. M. Michaud se défend d'avoir tenu ces propos.
    Contrairement aux libéraux, le Parti québécois a refusé de débattre de la motion déposée par Amir Khadir.
    « C'était un vrai piège de la part des libéraux, qui voulait refaire un procès à Yves Michaud, et je pense que M. Michaud ne mérite pas de procès », a déclaré la chef du Parti québécois, Pauline Marois, pour expliquer le refus de son parti.
    À la place de la motion d'excuse, Pauline Marois propose un changement dans la réglementation des motions de blâme, pour qu'une personne visée par une telle motion puisse s'expliquer devant l'Assemblée, ce que n'avait pas pu faire Yves Michaud en 2000.
    M. Michaud n'est toutefois pas d'accord avec la position du Parti québécois. La chef du parti l'a appelé vendredi, mais elle ne semble pas l'avoir convaincu du bien-fondé de sa décision. Dans une lettre adressée à Pauline Marois, à la suite son appel, il explique que le parti ne devrait pas laisser passer l'occasion de conclure cette affaire « dans l'honneur et la dignité ».
    J'attends des députés de mon parti qu'ils s'excusent d'avoir procédé au lynchage d'un citoyen sans aucune raison valable [...] Reconnaître une erreur est honorable. S'y enfermer est un signe de petitesse.
    — Extrait de la lettre d'Yves Michaud
    Du côté des libéraux, Jean-Marc Fournier s'est dit prêt à débattre de la motion, tout en déclarant que « les propos qui étaient inacceptables en 2000 le sont toujours aujourd'hui » et que « les vieux démons du nationalisme ethnique viennent encore hanter le Parti québécois ».
    La motion de réhabilitation d'Amir Khadir
    « Que l'Assemblée reconnaisse avoir commis une erreur le 14 décembre 2000, en condamnant M. Yves Michaud, dont l'intervention aux États généraux de la langue française, la veille, ne comportait pas de propos offensants à l'égard de la communauté juive. »
    (fin de l'article de Radio-Canada)
    Pauline Marois a écrit une lettre à Yves Michaud où elle affirme que le 14 décembre 2010, l'Assemblée nationale et elle-même en tant que député "n'a pas été équitable" envers Yves Michaud en votant à l'unanimité une motion de blâme sans l'avoir entendu.
    Le lendemain elle a écrit au Président de l'Assemblée nationale une lettre où elle demande que des règles soient adoptées pour qu'une telle situation "ne puisse plus se reproduire". C'est-à-dire une situation où un citoyen objet d'une motion de blâme de puisse pas se défendre.
    Antoine Robitaille, le 10 décembre écrit dans Le Devoir:
    "« Les gestes qu’il fallait »
    Quant à Pauline Marois, elle a soutenu hier avoir posé « les gestes qu’il fallait » dans cette affaire, soit de reconnaître que M. Michaud avait été traité « inéquitablement » et de demander qu’une telle chose ne se reproduise plus. Mais elle a refusé d’offrir ses excuses et a dit souhaiter que M. Michaud « dorme tranquille » et passe à autre chose." (fin de la citation)
    Je suis sceptique et j'aimerais avoir le mot à mot de ce que Pauline Marois a dit et qui permet au journaliste du Devoir d'écrire en introduction:
    "Québec — Jean Charest et Pauline Marois refusent tous deux de s’excuser à Yves Michaud pour la motion de l’Assemblée nationale qui l’avait blâmé il y a 10 ans."
    J'ai déjà été échaudé par un article du Soleil de Jean-Marc Salvet qui contenait un faux titre.
    Je pense toujours que de reconnaître qu'on n'a pas traité un citoyen avec équité comme l'a fait Pauline Marois est l'aveu d'une erreur et que d'avouer une telle erreur équivaut à s'excuser.
    Comme ce n'est pas l'avis de M. Michaud et de plusieurs autres, moi qui ai été très affirmatif, je suis devenu perplexe. Je comprends pourquoi Claude G. Thompson veut reprendre le débat à partir du début.
    Robert Barberis-Gervais, Marie-Victorin, 11 décembre 2010