La plupart des Canadiens ne sont pas d'humeur à dorloter Donald Trump.
Selon un nouveau sondage de la firme Angus Reid, 70 pour cent des répondants veulent que le gouvernement canadien réplique de manière musclée dans le conflit commercial qui oppose le Canada aux États-Unis. Seuls 30 pour cent des répondants aimeraient qu'Ottawa adopte une approche plus mesurée dans l'espoir de contrecarrer l'imprévisible président américain.
Ce sondage a été mené avant, pendant et après le sommet du G7, qui s'est terminé par une série de tweets désobligeants de Trump à l'égard de Justin Trudeau. Il révèle que la cote de popularité de notre premier ministre a grimpé à 52 pour cent durant le conflit commercial, alors que seulement 40 pour cent des répondants approuvaient sa performance au mois de mars.
La population canadienne semble donc prête à en découdre avec l'occupant de la Maison-Blanche. Mais savons-nous réellement ce qu'impliquerait un tel conflit?
Le fait est que l'économie canadienne est beaucoup plus dépendante des exportations vers les États-Unis que l'inverse. L'écart est saisissant. Pour illustrer ce point, des analystes de la Financière Banque Nationale ont publié une carte illustrant dans quelle proportion chaque État américain et chaque province canadienne dépendent du commerce transfrontalier.
Il est évident qu'aucun État américain n'arrive à la cheville de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick, dont la part de l'activité économique liée aux exportations vers les États-Unis atteint respectivement 49 et 50 pour cent.
Mener une guerre économique avec les États-Unis serait donc l'équivalent d'utiliser un couteau dans un duel au pistolet.
L'analyste géopolitique Angelo Katsoras, qui a préparé cette carte pour la Financière Banque Nationale, croit qu'un scénario pourrait être encore plus nuisible pour le Canada que les tarifs imposés par l'administration Trump. Il s'agit de l'incertitude prolongée entourant la renégociation de l'ALÉNA.
Les entreprises hésitent à investir lorsque le climat économique est incertain. Et quand les investissements se tarissent, la création d'emplois ralentit.
«Plus ces négociations s'éternisent, plus il sera risqué d'investir au Canada et au Mexique pour les entreprises cherchant à obtenir un accès garanti au marché américain», affirme Katsoras.
L'analyste cite un article du Financial Post qui, selon lui, résume parfaitement la situation dans laquelle se trouve maintenant le Canada:
Dans l'ALÉNA, le Canada est une option valide pour les firmes mondiales évaluant leurs stratégies en Amérique du Nord. Sans l'ALÉNA, le Canada est un marché de petite taille pouvant être mieux desservi depuis les États-Unis ou d'autres pays.
Voilà une affirmation douloureuse, mais qui a certainement le mérite de mettre les choses en perspective.
«Dans un contexte où les négociations risquent de s'éterniser, de plus en plus de gens vont remettre en question la déclaration de Trudeau voulant que l'absence d'accord pourrait être plus avantageuse pour le Canada qu'un mauvais accord», ajoute Katsoras.
«De leur point de vue, un accord imparfait serait préférable à la possibilité que certaines compagnies renoncent à investir au Canada. »
Une guerre commerciale poserait également des risques pour les États-Unis
Cela ne signifie pas que les États-Unis sortiraient indemnes d'une guerre commerciale. Comme nous l'avons rapporté l'an dernier, le Canada est le principal marché d'exportation de la majorité des États américains.
De plus, Trump risque de payer un prix politique plus élevé que Trudeau si une guerre commerciale lui cause des problèmes économiques internes. Comme le démontre le sondage mentionné plus haut, les Canadiens sont prêts à donner une grande marge de manœuvre à Trudeau dans sa lutte contre le protectionnisme américain.
En revanche, «le ressac politique du monde des affaires, du Congrès et de certains États [y compris ceux qui ont appuyé les républicains] pourrait accabler l'administration Trump», prédit Katsoras.
«Passer des menaces aux actes pourrait également nuire au message principal de Trump, voulant que l'économie et les marchés financiers se portent bien sous sa gouverne.»
Pour cette raison, Katsoras prédit que Trump ne déclenchera pas les hostilités en résiliant l'ALÉNA.
Or, pouvons-nous vraiment compter sur Trump pour agir de manière rationnelle? Avec les tarifs sur l'acier et l'aluminium déjà en place, et avec la menace d'imposer de nouveaux tarifs sur les importations d'automobiles, le président américain ne semble pas disposé à se montrer plus amical envers le Canada.
Les experts affirment depuis plusieurs années que le Canada doit diversifier ses partenaires commerciaux afin de ne pas dépendre éternellement des États-Unis. Leur mise en garde est plus pertinente que jamais, mais il semble nous ayons attendu trop longtemps pour agir. Il nous reste peu d'options pour défendre nos intérêts économiques et la guerre commerciale semble inévitable.
Quelle fortune sommes-nous prêts à sacrifier pour tenir tête à Trump, et avons-nous même le choix? Voilà les questions auxquelles nous sommes confrontés.
Ce texte initialement publié sur le HuffPost Canada a été traduit de l'anglais.