Félicitations, madame Payette : en publiant enfin Les brutes et la punaise, vous avez plus que du courage en osant vous attaquer aux radios de confrontation de Québec, mais de la ténacité, de la conviction et de la rigueur. J’avoue que j’ai été moins tenace que vous : en 2009, après 38 ans à Québec, j’ai fui, en grande partie parce que je me sentais impuissant et désespéré devant les discours que martelaient les trois principales radios privées de la capitale. J’étais, moi aussi comme tant d’autres, une punaise. Je me suis dit que seul le temps pourrait faire passer ou mûrir la génération agressive d’animateurs qu’André Arthur a enfantée dans presque tout l’est du Québec, de Québec à Montmagny et de Rivière-du-Loup à Saguenay.
Mais je me trompais. Avec les années, au contraire, les intimidateurs se sont entourés de leurs semblables, et en sont venus à occuper toute la cour d’école.
Toute.
Et les surveillants ont baissé les bras. Désormais, ils ne réagissent plus quand, comme l’explique patiemment Catherine Dorion dans son plaidoyer, ces démagogues ciblent les groupes de la société civile que sont les étudiants, les cyclistes, les fonctionnaires, les syndicats, les « BS », les artiss’, les musulmans, les intellectuels et, pour reprendre les néologismes réducteurs et dénigrants qu’ils adorent créer, la « gogauche », les « environnemerdeurs ».
Mais Catherine en a oublié deux, et de taille : ils sont aussi d’abord et avant tout très fédéralistes et anglophiles, voire anglomanes. La défense du français et de l’indépendance se trouve pourtant au cœur du combat mené par QS. Jean-François Cloutier avait d’ailleurs remarqué dans son essai Jeff Fillion et le malaise québécois (Liber, 2008) que ces deux traits s’ajoutaient au conservatisme, au militarisme et à l’anti-montréalisme de ces tribuns et, plus largement, des résidents de la capitale.
En ondes, ils s’attaquent avec véhémence aux francophiles et aux indépendantistes, ils vocifèrent leur dégoût pour leur langue maternelle, la culture québécoise… Non seulement le combat pour résister à l’assimilation les indiffère, mais ils participent avec enthousiasme à l’anglicisation.
Tout, je dis bien tout ce qui est Québécois et francophone les révulse.
Ce n’est pas parce que ces mots ne sont plus à la mode que la réalité qu’ils décrivent a disparu : ils sont totalement aliénés et colonisés… comme Elvis Gratton.
N'oublions pas où ces animateurs se trouvent sur l’échiquier politique, du côté droit, oui, mais aussi du côté… du Canada anglais.
Il resterait donc un nouvel essai à écrire sur ces deux aspects fondamentaux de notre aliénation, et qui constituent par ailleurs des causes majeures de la défaite référendaire de 1995.
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