Les affaires de corruption feront-elles tomber le gouvernement Netanyahou?

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Netanyahou tient bon malgré les rumeurs de corruption à son endroit

C'est au bout de quarante-trois longues heures de débats, sans interruption, que la Knesset, le parlement israélien, a fini par adopter, mercredi 27 décembre à trois heures du matin, la loi sur les recommandations de la police.


L'obstruction parlementaire organisée par l'opposition, au cours de laquelle on a pu assister à un cours de philosophie sur Platon et Machiavel, une lecture du livre des Lamentations, et même une histoire des cornichons, a finalement été plus spectaculaire qu'efficace. Malgré les invectives, les menaces de faire appel à la Cour suprême, et les discours enflammés des députés de l'opposition, le premier ministre Binyamin Netanyahou a réussi à maintenir la discipline dans sa coalition et à faire passer cette loi hautement symbolique.


Concrètement, le texte ne représente qu'un léger changement dans la procédure criminelle du pays. Il supprime la possibilité pour la police d'émettre un avis par écrit sur les enquêtes concernant des hauts fonctionnaires ou des hommes politiques, et alourdit la peine pour les responsables de fuites dans ces dossiers. Selon les défenseurs de cette loi, ces deux mesures visent uniquement à protéger la réputation des personnes impliquées dans ce genre d'affaires, au cas où elles seraient accusées à tort.


Pas de quoi donc, a priori, priver les députés de sommeil. L'entêtement de l'opposition tient de fait moins au contenu de cette loi qu'au contexte dans lequel s'est inscrit le vote : les affaires de corruption qui entourent le premier ministre Netanyahou et son gouvernement.


La corruption n'est pas un phénomène nouveau en Israël, et du reste, la situation du pays dans ce domaine n'est pas catastrophique.

La corruption n'est pas un phénomène nouveau en Israël, et du reste, la situation du pays dans ce domaine n'est pas catastrophique. L'État hébreu se classe 28e sur 176 dans le classement de l'organisation Transparency International, devant la Corée du Sud et la République tchèque par exemple. Néanmoins, la démocratie israélienne est bel et bien marquée par la multiplication de scandales touchant tous les niveaux de la vie publique.


La dernière décennie a ainsi vu se succéder les affaires impliquant des maires, comme ceux des villes de Bat-Yam, de Hadera, de Kfar Saba et plus récemment de Rishon leTsiyon, des directeurs de sociétés publiques, comme la compagnie d'électricité ou celle des trains, et des personnalités importantes du monde économique et politique du pays. Même les autorités religieuses ont été touchées par ce fléau, avec notamment deux anciens grands rabbins d'Israël condamnés pour corruption.


Le sommet de l'État n'est pas épargné. Personne n'a ainsi oublié que c'est face aux soupçons de corruption que le premier ministre Ehud Olmert a démissionné en 2009, ce qui a conduit à de nouvelles élections et l'arrivée de Netanyahou au pouvoir. Finalement condamné pour plusieurs affaires, l'ancien premier ministre est sorti de prison l'été dernier après avoir purgé une peine de près d'un an et demi.


La multiplication des accusations et des condamnations, largement médiatisées, a fini par donner l'impression que la corruption était partout dans la société israélienne. L'enrichissement illégal y est d'autant moins bien perçu que le coût de la vie, en Israël, est notoirement très élevé.


Or, la situation de l'actuel gouvernement, empêtré dans un nombre croissant d'affaires, n'est pas faite pour rassurer l'opinion publique israélienne. Le ministre de l'Intérieur, le ministre de la Défense, le ministre du Travail, le chef de la coalition parlementaire sont ainsi tous visés par des scandales concernant leurs actions ou celles de leur parti.


Ces derniers mois, ce sont les enquêtes impliquant directement le premier ministre qui ont retenu l'attention du public israélien.

Ces derniers mois, ce sont les enquêtes impliquant directement le premier ministre qui ont retenu l'attention du public israélien. Au nombre de cinq, les soupçons concernent des dons reçus par la famille Netanyahou, une tentative d'entente avec l'un des principaux quotidiens du pays, des irrégularités dans l'achat de sous-marins à l'Allemagne, la corruption dans une entreprise de communications, et des détournements dans le budget de la résidence du premier ministre.


Les sept interrogatoires auprès de l'unité Lahav 433, l'équivalent israélien de l'UPAC, auxquels s'est plié Binyamin Netanyahou n'ont pas encore débouché sur une décision de la police ou du procureur. Pour le chef du gouvernement et ses soutiens, les accusations contre lui sont sans fondement, et leur vrai objectif est de faire tomber le gouvernement, dans un complot prétendu entre la police, les médias et la gauche israélienne. Ce discours peine cependant à convaincre la majorité de l'opinion publique, et, tous les samedis soir, des milliers de citoyens manifestent dans les rues de Tel-Aviv pour protester contre la corruption du pouvoir.


Dans ce contexte, le volontarisme dont ont soudainement fait preuve les députés de la coalition a été perçu comme suspect. En novembre, un projet de loi défendu par le parti de Netanyahou et donnant l'immunité au premier ministre, immédiatement appelé « loi française » par les médias, a dû être retiré devant la levée de boucliers qu'il a suscitée dans l'opinion publique. Le texte adopté mardi dernier a lui aussi été la cible des critiques qui ont accusé le gouvernement de légiférer ad hominem pour protéger le premier ministre. Une fois encore, des modifications ont été introduites dans le projet de loi initial, restreignant son domaine d'application et en excluant notamment les scandales concernant Netanyahou.


Il est cependant peu probable que ces amendements suffisent à calmer l'opposition, qu'elle s'exprime à la Knesset ou dans les rues de Tel-Aviv. Pour les opposants à Netanyahou, même adoucie, la loi votée mardi n'est qu'une nouvelle illustration de l'usage qu'il fait des pouvoirs du gouvernement du parlement pour échapper à la justice, et protéger un système corrompu. Ses partisans quant à eux restent persuadés que toutes ces affaires se dégonfleront d'elles-mêmes.


Quoi qu'il en soit, malgré une actualité régionale chargée, c'est la corruption qui est actuellement le sujet principal du débat politique israélien. Selon les commentateurs, les scénarios possibles vont de l'abandon total des charges à la mise en accusation pour faits graves. Les conclusions de la police, dont on attend une partie pour la semaine prochaine, seront en tout cas déterminantes pour l'avenir politique du premier ministre et de son gouvernement.