Les 9 travaux des libéraux

Fiscalité, création d'emplois, productivité... Le nouveau gouvernement a du pain sur la planche pour remettre l'économie sur les rails

17. Actualité archives 2007



Clérouin, Yannick - Au rythme où évolue son économie, le Québec risque de devenir dans une dizaine d'années une région sous-développée en Amérique du Nord.
Voilà un constat alarmant formulé par Marcel Boyer, professeur en économie industrielle à l'Université de Montréal et auteur d'une étude approfondie sur la performance économique du Québec.
Face aux défis croissants de la mondialisation, le nouveau gouvernement du Québec doit prendre des décisions cruciales pour assurer la prospérité économique de la province.
Aiguillé par des intervenants de plusieurs horizons, le journal LES AFFAIRES dresse une liste des principaux enjeux économiques du Québec.
1 - Productivité : passer à la vitesse grand V
Plusieurs experts sonnent l'alarme : le retard de productivité qu'accuse le Québec vis-à-vis de ses principaux partenaires, dont l'Ontario et les États-Unis, menace notre niveau de vie.
" Si l'écart continue d'augmenter, ça pourrait devenir dramatique ", estime Jean-Marie Toulouse, ex-directeur de HEC Montréal.
La croissance durable de la productivité est une des principales sources d'enrichissement d'une nation.
Le prochain gouvernement doit donc mettre les bouchées doubles pour favoriser les gains de productivité des entreprises d'ici.
Un des moyens d'y parvenir est de créer un contexte propice aux affaires, croit Pierre Emmanuel Paradis, économiste principal pour le cabinet de consultation Groupe d'analyse.
" Plus le gouvernement facilite les choses pour les entreprises, mieux c'est ", dit-il.
" Il peut, par exemple, diminuer les formalités administratives et mettre en valeur les programmes d'aide qui sont efficaces. "
Le vieillissement de la population, défi commun à tous les pays industrialisés mais qui sera plus sérieux au Québec, accroît l'urgence pour le prochain gouvernement de prendre le taureau par les cornes pour doper la productivité, juge Don Drummond, économiste en chef de la Banque TD.
" La croissance de l'économie québécoise reposera de plus en plus sur les gains de productivité plutôt que sur la croissance de la population ", affirme-t-il.
2 - S.O.S. emplois
Favoriser la création de plus d'emplois. Voilà, pour Claude Lamoureux, président et chef de la direction de Teachers, le régime de retraite des enseignants de l'Ontario, une tâche prioritaire pour le nouveau gouvernement.
Le réputé gestionnaire rappelle que la province a perdu ces dernières années moult emplois bien remunérés dans plusieurs domaines d'activité, dont les pâtes et papiers.
La nécessité pour le Québec de créer davantage d'emplois est selon lui exacerbée par le vieillissement de sa population.
Même si le marché de l'emploi québécois s'est mieux porté entre 1999 et 2004, il reste nettement à la traîne de ceux du reste du pays et des États-Unis, déplore Marcel Boyer.
Le taux d'emploi de la province se situe à 60 %, contre 64 % pour le reste du pays et 66 % chez nos voisins du sud, note-t-il.
" Le rôle du gouvernement n'est toutefois pas de créer des emplois, nuance Claude Lamoureux, mais plutôt d'établir un climat d'affaires qui en favorise la création. "
3 - Accroître la place du secteur privé
Pour Marcel Boyer, l'absence de concurrence est un des principaux facteurs expliquant la faible performance économique du Québec.
Voilà pourquoi il juge essentiel que le gouvernement remette en question ses pratiques et abandonne certains principes sacrés de son modèle social-démocrate. " Il nous faut une nouvelle révolution tranquille ", dit-il.
Que ce soit en matière de santé ou d'éducation, le gouvernement doit, selon lui, faire des réformes pour accorder plus de place à la concurrence du secteur privé et d'autres intervenants, comme ceux du secteur communautaire.
M. Boyer ne manque pas d'idées pour accroître l'efficacité de la province. Il propose par exemple d'abolir les monopoles d'États dans de nombreux secteurs, d'ouvrir les contrats offerts par les organismes publics à davantage d'entreprises et d'appuyer la construction d'hôpitaux par des entrepreneurs privés.
Bref, à son avis, un véritable changement de mentalité s'impose pour que le Québec puisse s'adapter aux nouvelles réalités économiques. " Il devrait y avoir une commission qui fasse une revue en profondeur de notre modèle de développement économique et qui propose des solutions pour accorder une plus grande place dans le processus décisionnel aux citoyens ", suggère-t-il.
4 - Assouplir le régime fiscal
Mondialisation oblige, le Québec doit rapidement assouplir son régime fiscal pour retenir et attirer les entreprises et une main-d'oeuvre talentueuse.
" À l'ère de l'économie du savoir, les entreprises ne sont plus dépendantes des ressources naturelles. Elles privilégient donc les endroits où la main-d'oeuvre est qualifiée et où les impôts sont bas ", assure Claude Lamoureux.
Le Québec fait pâle figure en matière d'investissements privés face à ses principaux partenaires économiques.
Ce handicap s'explique entre autres par la lourdeur de son régime fiscal. " Le taux effectif de la taxe sur le capital des sociétés en vigueur au Québec se situe dans la moyenne canadienne, mais il reste relativement très élevé sur une base de comparaison mondiale ", analyse Jack Mintz, éminent professeur de fiscalité à l'Université de Toronto.
Bien que Québec réduira le taux de la taxe sur le capital, en revanche elle augmentera le taux d'imposition des entreprises, dit M. Mintz.
Pour le Conseil du patronat du Québec, redresser la performance de la province en matière d'investissements privés devrait figurer parmi les enjeux prioritaires du nouveau gouvernement. Il souhaite donc que celui-ci se prévale des mesures financières mises en place par Ottawa dans son récent budget pour procéder à l'élimination complète de la taxe sur le capital.
M. Mintz ne jure pas que par les baisses d'impôts. À son avis, le gouvernement québécois peut simplement mettre en place une réforme du régime fiscal actuel, laquelle serait orientée sur une réduction de l'impôt sur le revenu afin de favoriser le capital qui est mobile. Pour équilibrer les choses, il pourrait augmenter les taxes à la consommation.
5 - Miser sur le savoir
Pour rester concurrentiel et attirer une main-d'oeuvre qualifiée, le Québec doit remettre le financement de ses institutions postsecondaires au sommet de ses priorités, souhaitent plusieurs intervenants.
" Considérant la situation démographique défavorable du Québec, le salut de la province passe par une main-d'oeuvre qualifiée. Le prochain gouvernement aura donc à favoriser l'économie du savoir ", soutient Mathieu Allain, président de l'Assocation des étudiants de HEC Montréal (AEHEC).
Considérant le défi démographique qu'aura à relever le Québec dans les prochaines années, les universités joueront encore un plus grand rôle pour attirer le talent local et international, avance Isabelle Hudon, présidente de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.
Elle réclame donc que le gouvernement réinvestisse rapidement dans ses institutions postsecondaires pour ramener leur financement à un niveau comparable à celui des autres provinces.
M. Allain reconnaît que les étudiants devront aussi contribuer à l'effort collectif. Il suggère que les droits de scolarités soient indexés au coût de la vie, à condition que l'aide financière offerte aux étudiants soit relevée proportionnellement.
Marcel Boyer va plus loin. Partisan de la flexibilité, il propose de laisser aux Universités le soin de fixer les droits de scolarité en fonction des coûts reliés à chaque programme.
Pour sa part, M. Lamoureux suggère de facturer des droits de scolarité moindres dans les secteurs féconds en emplois.
6 - Remettre Montréal en lumière
Sans diminuer l'importance des régions, Isabelle Hudon insiste sur la nécessité de redynamiser la métropole.
" Montréal est le moteur économique de la province. Elle attire 50 % de la population, produit 50 % du PIB du Québec et est à l'origine de 70 % de ses exportations. Il y a de quoi se préoccuper et s'occuper de notre métropole ", dit-elle.
Elle souhaite que Montréal puisse avoir accès à des sources de revenus diversifiées et proportionnelles à l'activité économique générée sur son territoire. Par exemple, Montréal devrait selon elle obtenir une partie des revenus de la taxe de vente provinciale.
7 - Aider les sociétés à revoir leur modèle d'entreprise
Au cours des dernières années, certaines industries prédominantes dans certaines régions de la province, comme celles du meuble, ont été durement touchées par la concurrence des pays émergents.
" Peu importe le créneau dans lequel elles se trouvent, les entreprises font face à des enjeux (mondialisation, pénurie de main-d'oeuvre, etc.) qui les forcent à repenser leur façon de faire des affaires ", explique Natalie Quirion, présidente de l'Association des professionnels en développement économique du Québec.
Mme Quirion, qui occupe également le poste de directrice des services aux entreprises du Parc technologique du Québec métropolitain (PTQM), souhaite que le gouvernement investisse dans la formation des dirigeants.
Elle souhaiterait que le nouveau gouvernement soutienne des initiatives régionales regroupant plusieurs entreprises d'un secteur donné plutôt que d'offrir des subventions à quelques entreprises en particulier.
Mme Quirion cite en exemple l'industrie du plastique, où les entreprises se sont regroupées pour mieux relever les défis de la mondialisation.
8 - Accélérer l'intégration économique du corridor Québec-New York
" La compétitivité mondiale est le nerf de la guerre. "
Voilà pourquoi le nouveau gouvernement devra chercher à accroître l'intégration économique avec l'État de New York, fait valoir Garry Douglas, président de la Chambre de commerce de Plattsburgh-North Country.
La collaboration entre les universités des deux régions, ainsi que les investissements réalisés par leurs gouvernements respectifs ont donné lieu à de belles réussistes comme en nanotechnologie, souligne M. Douglas.
Il est convaincu que cette collaboration peut s'étendre. " On pourrait par exemple développer conjointement de nouvelles technologies pour l'industrie de l'énergie ", dit-il.
Enfin, M. Douglas croit que toutes les questions concernant les frontières entre le Québec et les États-Unis devront figurer au sommet des priorités des libéraux. " Étant donné que 80 % des exportations du Québec sont destinées au marché américain, tout ce qui se passe aux frontières peut avoir des effets importants sur le commerce ", dit-il.
9 - Déclarer la guerre à la dette
Le gouvernement Charest a été salué lors de son dernier mandat pour la création du Fonds des générations.
Cependant, le problème de la dette du Québec est loin d'être réglé, puisqu'elle frise encore les 120 milliards de dollars.
" La création du Fonds des générations a été une belle réalisation. Par contre, il faudrait en principe y mettre beaucoup plus d'argent pour s'assurer que ce fardeau soit contrôlé à long terme ", estime Pierre Emmanuel Paradis.
Alban d'Amours, président et chef de la direction du Mouvement Desjardins, propose de hausser les tarifs d'électricité pour les rapprocher progressivement des taux du marché et ainsi accélérer le remboursement de la dette. Pour minimiser les effets sur les moins nantis, il suggère d'instaurer des mesures compensatoires.
yannick.clerouin@transcontinental.ca


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