Leitão veut mettre le fisc au pas

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La fin ne justifie pas tous les moyens

(Québec) La lecture du rapport du Protecteur du citoyen a suffi au ministre des Finances, Carlos Leitão, pour «immédiatement» convoquer à son bureau le président de Revenu Québec pour lui demander un plan d'action «concret» pour corriger, une fois pour toutes, les situations «inacceptables» décrites par Raymonde Saint-Germain, dans son recueil des horreurs de la bureaucratie québécoise déposé, jeudi, à l'Assemblée nationale.
«À la lumière des faits qui y sont relatés, il est manifeste que certaines pratiques et certains comportements de Revenu Québec à l'égard des contribuables se sont détériorés», a déclaré le ministre des Finances. «Il n'est pas concevable que plusieurs règles fondamentales en matière d'équité procédurale ou que des principes de justice administrative soient appliqués inégalement au sein de l'agence gouvernementale.»
Carlos Leitão assure qu'il veut agir «immédiatement et fermement» afin de «corriger de manière structurante et durable les situations décrites dans le rapport et afin d'assurer que les règles élémentaires sont appliquées uniformément».
Plan d'action
Il demande à Revenu Québec de lui remettre un plan d'action avant la fin du mois. Le ministre précise que ce plan d'action sera rendu public et qu'il «fera l'objet d'un suivi serré dans sa mise en oeuvre».
Selon la Protectrice du citoyen, Raymonde Saint-Germain, Revenu Québec a «durci» son attitude à l'égard des contribuables et des entreprises au cours de la dernière année.
«Les objectifs élevés de récupération fiscale ne doivent pas être atteints au mépris du respect des citoyens, de l'équité procédurale et des principes de justice administrative.»
Raymonde Saint-Germain
Protectrice du citoyen
Dans son rapport, elle signale que la récupération fiscale, dans un contexte de retour à l'équilibre budgétaire, «ne doit jamais faire perdre de vue le respect des droits des citoyens».
«Or, des plaintes soumises au Protecteur du citoyen l'amènent à conclure que l'attitude de Revenu Québec s'est durcie face au contribuable. Les objectifs élevés de récupération fiscale ne doivent pas être atteints au mépris du respect des citoyens, de l'équité procédurale et des principes de justice administrative.»
Plus ça change, plus c'est pareil
Un constat qui ne surprend pas la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI) qui dénonce, depuis belle lurette, les pratiques et les «agissements problématiques» de Revenu Québec dont le mandat est de veiller à percevoir les impôts et les taxes et de faire en sorte que les contribuables respectent leurs obligations et paient leur juste part.
Ce qui inquiète toutefois l'association, qui représente 24 000 PME québécoises, c'est l'absence de volonté de changement au sein de l'agence gouvernementale dont le premier objectif de son plan stratégique 2012-2016 visait le développement d'une relation positive avec la clientèle.
«Les pratiques observées par le Protecteur du citoyen nous ont été maintes et maintes fois rapportées et nous les avons mises en lumière à plusieurs reprises», rend compte François Vincent, directeur des affaires provinciales à la FCEI. «Même si cela fait plusieurs mois, voire des années, que des voix s'élèvent pour demander un changement du cap à Revenu Québec, on constate encore que la situation ne semble pas s'améliorer. Des solutions existent et il est temps de les mettre en place.»
Ce qui met en rogne les dirigeants de PME, c'est l'incapacité de Revenu Québec de reconnaître ses erreurs et son refus de les corriger. Dans un sondage réalisé auprès de ses membres en juin dernier, la FCEI constatait que 7 entrepreneurs sur 10 estimaient que le fisc abusait de ses pouvoirs.
Pour éviter que le lien de confiance se brise entre Revenu Québec et les contribuables, la FCEI croit que l'agence devrait plutôt chercher à instaurer une «culture d'accompagnement», à mettre en place un processus de médiation fiscale et à procéder à des «visites de courtoisie» pour épauler les PME «à améliorer leur conformité fiscale sans crainte de représailles».
«Les pratiques observées par le Protecteur du citoyen nous ont été maintes et maintes fois rapportées et nous les avons mises en lumière à plusieurs reprises.»
François Vincent
directeur des affaires provinciales à la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI)
Vérifications abusives dénoncées
Le Protecteur du citoyen rappelle que Revenu Québec est investi de «vastes pouvoirs» qui font reposer le fardeau de la preuve sur le contribuable lorsqu'un avis de cotisation est établi.
Trop souvent, à son avis, ce dernier éprouve de la difficulté à se faire entendre auprès des fonctionnaires. «Il a le droit à une décision impartiale et d'être entendu», insiste Raymonde Saint-Germain. «Les plaintes en la matière ont augmenté et le Protecteur du citoyen a dû intervenir à plusieurs reprises auprès des autorités fiscales. Il déplore vivement qu'en dépit des lacunes qu'il a dénoncées dans son dernier rapport annuel concernant Revenu Québec, ce dernier n'ait pas apporté les solutions requises.»
Elle demande notamment au fisc de cesser la judiciarisation inutile des désaccords et de tenir compte de la portée des jugements antérieurs.
Par exemple, Revenu Québec a délivré 1426 avis de cotisation à des travailleurs autonomes ayant fait faillite pour le paiement de leurs charges sociales, et ce, en dépit d'une décision des tribunaux l'ordonnant de ne pas agir de la sorte. Le Protecteur du citoyen a dû intervenir pour rappel le fisc à l'ordre. «Revenu Québec a accepté de procéder à la révision de la totalité de ces cotisations. L'exercice a mené à l'annulation de 1201 avis de cotisation et au remboursement des sommes dues aux citoyens concernés.»
Raymonde Saint-Germain réclame également que l'agence écarte de ses pratiques «toute méthode de vérification abusive.»
Plaintes d'entreprises­
Cette année, encore, des entreprises ont cogné à la porte du Protecteur du citoyen pour se plaindre du fait qu'elles avaient fait l'objet d'une vérification de la part du fisc en raison de leur participation présumée à un stratagème de complaisance. Plusieurs d'entre elles ont dû cotiser parce qu'elles brassaient des affaires avec d'autres compagnies qualifiées de «délinquantes fiscales», malgré le fait qu'elles avaient fourni tous les documents prouvant qu'elles n'avaient rien à se reprocher.
«Dans certains cas, les vérificateurs ont ignoré ces documents ou ne leur ont accordé aucune valeur probante, et ce, sans raison autre que l'existence supposée d'un stratagème. Le Protecteur du citoyen dénonce vivement ces pratiques qui sont contraires aux principes d'équité procédurale et qui affectent sérieusement la santé financière des entreprises visées.»


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