Le Vive l’Écosse pas-libre d’Hillary Clinton

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Les incorrigibles fouteurs de merde

Après Barack Obama, Hillary Clinton n’a pu s’empêcher de faire savoir son opinion sur l’indépendance de l’Écosse : elle la redoute, et plus encore, elle détesterait cela. Évidemment, elle ne l’a pas dit d’un balcon, directement à la foule d’Édimbourg, mais la déclaration frappe : elle se rajoute à celles qui se multiplient, ces temps-ci, et qui entendent dissuader les Écossais d’embrasser la souveraineté. Évidemment, Hillary Clinton n’est plus en fonction, mais devinant qu’elle sera probablement candidate à l’investiture démocrate, ce propos n’est pas sans portée.
Est-ce un vent de panique? Peut-être. D’un sondage à l’autre, l’appui à l’indépendance augmente, et ce qui s’annonçait comme un référendum casse-gueule prend de plus en plus le visage d’une lutte dont on ignore l’issue et qui pourrait conduire à la naissance d’un nouveau pays. On administre donc aux Écossais des leçons d’ouverture, de tolérance, on leur apprend qu’avec la mondialisation, il ne faut surtout pas se replier sur soi, et tout le tralala. N’est-ce pas le destin des petites nations? On leur explique sagement qu’elles doivent se passer d’un statut auquel les nations déjà indépendantes ne renonceraient jamais.
Mais ce qui frappe ici, surtout, c’est la terrible arrogance américaine: les États-Unis croient qu’ils ont un droit de veto lorsqu’il s’agit de redécouper la carte mondiale. S’agit-il de faire du Kosovo un État indépendant? Ils s’activent. Faut-il inversement conserver l’intégrité territoriale de l’Ukraine? Ils sont encore au rendez-vous. Et maintenant qu’il s’agit d’expliquer aux Écossais qu’ils devraient demeurer sagement sous la souveraineté britannique, ils y sont aussi. On se rappellera qu’il y a quelques années, ils s’étaient aussi permis de gronder la France pour ses lois sur la laïcité. Hillary Clinton a aussi senti le besoin d’indiquer aux Britanniques comment voter lors du référendum qui pourrait bien venir sur le maintien de la Grande-Bretagne dans l’Union européenne. Ce n’est pas la valeur de chacune de ces décisions qu’il faut critiquer mais cette étrange manie qu’ont les Américains de se prendre pour les seuls responsables de la carte mondiale.
Ne soyons pas surpris. Jean-François Lisée a déjà écrit un livre remarquable, Dans l’œil de l’aigle, à propos de la cause souverainiste québécoise vue de Washington. Il cherchait à prévoir sa réaction en cas d’indépendance. Sa conclusion : nous aurions préféré que vous ne le fassiez pas, mais si telle est votre décision, alors tant pis, nous vivrons avec cela. C’était avant 1995. Lors du référendum, on a entendu Bill Clinton exprimer sa préférence pour l’unité canadienne sans qu’on ne sache si cette déclaration a pesé sur le vote des Québécois. Nul doute que si le Québec parvient à tenir un prochain référendum, inévitablement, nous aurons droit à la leçon de morale américaine.
Évidemment, il ne s’agit pas d’enfermer chacun dans ses frontières et de l’interdire de se prononcer sur la marche du monde. Les grandes nations, surtout celles qui ont un passé ou une prétention impériale, se prononceront toujours sur la marche du monde, selon la vision qu’elles s’en font et selon leurs intérêts. On s’en réjouira ou on s’en désolera: la chose est néanmoins inévitable. La politique n’est pas la morale et on n’en évacuera jamais le calcul des intérêts et la logique de puissance. Mais plus une nation est forte, plus elle devrait avoir le sens de la mesure. C’est ce qui manque souvent aux États-Unis.
On en revient à l’essentiel: l’Amérique a beau être une nation admirable, et on aura beau refuser de tomber dans le piège de l’antiaméricanisme, il n’en demeure pas moins que ce n’est à elle de décider qui a le droit et qui n’a pas droit à l’indépendance, comme si elle pouvait finalement distribuer les permis d’exister, selon ce qui correspond ou non à ses intérêts. Ses leaders peuvent bien chercher à étouffer les nationalismes qu’ils n’aiment pas, on leur répondra que la liberté d’un peuple tient souvent dans sa capacité à ne pas s’assujettir à l’empire du moment. Qu’on soit favorable ou non à l’indépendance de l’Écosse, c’est aux Écossais d’en décider.
Le dogme étouffant et débilitant qui voudrait que les frontières telles qu’elles sont aujourd’hui soient à peu près immuables n’a aucun sens. Elles ont évolué au fil de l’histoire et se modifieront encore. Derrière les frontières, il y a des peuples, et lorsque l’un d’entre eux se sent prêt pour l’indépendance, on voit mal de quel droit l’en priver. Désolé, vous êtes arrivés trop tard dans l’histoire l’indépendance est passée de mode? On serait tenté de leur répondre par cette belle phrase de Renan : «Le moyen d’avoir raison dans l’avenir est, à certaines heures, de savoir se résigner à être démodé».


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