Le syndrome Gérald Tremblay

Crime organisé et politique - collusion (privatisation de l'État)


Lorsque Louise Harel est arrivée au bras de Benoit Labonté le 3 juin, elle ne se doutait pas que la lutte à la mairie de Montréal serait aussi dure et aussi sale.
Le 3 juin, elle est entrée, la tête haute, dans la grande salle du Marché Bonsecours. Elle était tout sourire. Benoit Labonté aussi. Il avait accepté de lui céder son poste de chef de Vision Montréal en échange de la présidence du comité exécutif si elle était élue.

En juin, Louise Harel et Benoit Labonté flairaient l'odeur du pouvoir. Gérald Tremblay n'en finissait plus de s'enliser dans les scandales et Richard Bergeron, le chef de Projet Montréal, moisissait sous la barre des 10% dans les intentions de vote.
Aujourd'hui, Benoit Labonté est un pestiféré. Il s'est enfui à l'extérieur de Montréal pour panser ses plaies après avoir été congédié par Louise Harel.
Sa faute: il aurait accepté de l'argent d'entrepreneurs de la construction pour financer sa campagne à la direction de Vision Montréal en 2008. Et il a nié connaître Tony Accurso, l'homme qui rafle les contrats d'infrastructures dans la grande région de Montréal. Selon TVA, Benoit Labonté lui aurait parlé à six reprises en 2009.
Drôlement gênant pour Louise Harel, Mme intégrité, de se retrouver avec un lieutenant qui accepte des enveloppes brunes venant d'entrepreneurs qui ont des contrats avec la Ville et qui fraie avec Tony Accurso.
Je ne savais pas, je ne savais pas, a plaidé Louise Harel dimanche. Une autre qui ne savait rien. Décidément, c'est une manie. C'est le syndrome Gérald Tremblay.
Elle ignorait que Benoit Labonté recevait des enveloppes bourrées de fric, jure-t-elle. Par contre, elle connaissait l'homme. Son entourage l'avait prévenue. Attention, personnage controversé.
D'anciens dirigeants de Vison Montréal ont confié au Devoir qu'ils avaient essayé de mettre Louise Harel en garde contre les «comportements troubles» de Benoit Labonté.
Sauf que Louise Harel n'avait pas le temps de s'empêtrer dans ce genre de «détails». Elle voulait se lancer dans la course à la mairie de Montréal et elle avait besoin d'un parti.
Impossible de s'entendre avec Richard Bergeron qui voulait garder le contrôle de Projet Montréal. Il lui offrait un rôle secondaire. Mais cette ancienne ministre qui a goûté au pouvoir pendant des années n'avait pas l'intention de jouer les seconds violons sous la férule d'un quasi-inconnu.
Elle manquait de temps. Elle ne pouvait pas, à quelques mois de l'échéance électorale, créer de toutes pièces un parti politique.
Louise Harel a donc fermé les yeux en acceptant de s'associer avec Vision Montréal, qui n'a jamais prêché par la vertu. Vision Montréal, la créature de Pierre Bourque qui ne se gênait pas pour tourner les coins ronds avec la Loi sur le financement des partis politiques.
Louise Harel a pris des risques en s'associant à Vision Montréal et elle s'est brûlé les doigts. La politicienne rusée qui en a vu de toutes les couleurs, qui a tenu tête à René Lévesque et Lucien Bouchard, est en train de se faire manger tout rond par la machine municipale.
* * *
Parlons de Tony Accurso, l'homme par qui les scandales arrivent. L'homme qui récolte plus que sa part de contrats. L'homme au yacht luxueux fréquenté par les élus et les gens de la FTQ. L'homme qui refuse de parler.
Qui a peur de Tony Accurso? À peu près tous les politiciens qui l'ont fréquenté. Ils ont peur d'être associés à lui, peur d'être éclaboussés par un scandale. À tort ou à raison.
Les histoires de corruption, de collusion et de crime organisé débordent: Boisbriand, Montréal, FTQ, etc. Tout le monde, ou presque, réclame une commission d'enquête publique: l'ADQ, le PQ, Gérald Tremblay, Louise Harel, Richard Bergeron.
Seul le maire de Laval, Gilles Vaillancourt, fait l'innocent. Il jure qu'il n'est au courant de rien. Un autre! Pourtant, a révélé La Presse hier, huit entrepreneurs obtiennent les trois quarts des sommes versées par Laval pour ses travaux d'infrastructures. Et qui est l'homme d'affaires en tête du palmarès? Tony Accurso.
Alors, M. Vaillancourt, vous ne savez rien, vous qui êtes au pouvoir depuis 20 ans?
Le Québec se passionne pour ces histoires qui mêlent contrats juteux et élus municipaux. Pourtant, le gouvernement refuse de créer une commission d'enquête publique. Il ne faut pas nuire aux enquêtes policières, répète le premier ministre Jean Charest.
Foutaise! La commission Gomery sur le scandale des commandites n'a jamais nui au travail des policiers qui s'effectuait en parallèle.
La police travaille en silo: une enquête après l'autre. Pas de portrait d'ensemble. Qui va faire les liens? Qui va s'attaquer au milieu municipal et attacher tous les fils? Qui va démonter le système pièce par pièce? Qui va faire le grand ménage? Ça prend une commission d'enquête publique. Et vite!
Mais Jean Charest résiste. Pourquoi?
A-t-il, lui aussi, peur de Tony Accurso?


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