Qui a dit qu'un parcours rectiligne était garant de succès en politique? Avant de faire le saut avec le Nouveau Parti démocratique (NPD), Thomas Mulcair était venu bien près de rallier les conservateurs. Chef de la Coalition avenir Québec (CAQ), François Legault est d'abord venu en politique avec le Parti québécois (PQ). Jean-Martin Aussant, c'est connu, a flirté avec Québec solidaire. Des spécialistes pensent que Vincent Marissal a bien des chances de l'emporter sur Jean-François Lisée dans Rosemont aux prochaines élections générales.
Mais aussi récemment qu'en janvier dernier, Vincent Marissal a passé un coup de fil à un stratège important du Parti libéral du Canada (PLC), au Québec. La rencontre qu'il souhaitait a vite été convenue : autour d'un café à l'édifice Belgo, rue Sainte-Catherine.
Celui qui vient de s'annoncer comme candidat de Québec solidaire s'intéressait au cheminement à suivre pour devenir candidat de Justin Trudeau lors de la partielle qui, inévitablement, allait s'ouvrir dans la circonscription d'Outremont après le départ du chef néo-démocrate Thomas Mulcair.
En point de presse, hier matin, Vincent Marissal a nié d'un bloc avoir même évoqué la circonscription bientôt vacante. Il était moins catégorique plus tard en journée quand on lui a rappelé les faits. «Ma conclusion était que je n'y allais pas [dans Outremont]. Cela se peut fort bien que mon interlocuteur fédéral n'ait pas compris ça... que je ne l'aie pas dit. Mais dans ma tête, c'était clair que je n'y allais pas...», a conclu hier M. Marissal dans un entretien avec La Presse.
Ce libéral, proche du cabinet de Justin Trudeau, affirmait encore hier que M. Marissal l'avait quitté en promettant de «faire ce qu'il faut», s'organiser pour une investiture afin de se porter candidat. Et il était toujours sur cette impression la semaine dernière, jusqu'à ce que l'annonce d'un saut avec Québec solidaire fasse la manchette. Bien sûr, l'ancien chroniqueur n'avait pas fait part de ses convictions souverainistes à cet émissaire de Justin Trudeau.
C'était une troisième rencontre entre des gens du PLC et ce journaliste qui, régulièrement, «réfléchissait à son avenir». En décembre 2016, il avait réfléchi à un poste de conseiller politique à Ottawa.
Au départ de Stéphane Dion, au début de 2017, Vincent Marissal a envoyé un message à Ottawa pour discuter de la circonscription de Saint-Laurent, qui devenait vacante.
À l'automne 2017, il a repris contact avec le PLC, jusqu'au café de la rue Sainte-Catherine, il y a moins de trois mois, où il n'a pas fermé explicitement la porte sur une candidature dans Outremont.
Alors qu'il était commentateur politique à La Presse, M. Marissal avait maintenu des relations étroites avec des politiciens. Pour un chroniqueur politique, la frontière entre l'amitié et la relation professionnelle est parfois étroite, difficile à tracer, surtout quand une relation remonte à plusieurs années.
Ainsi, la ministre libérale Christine St-Pierre lui a prêté son condominium à Québec pour des week-ends avec sa conjointe, à trois ou à quatre reprises, confirme-t-il. Mme St-Pierre était membre du gouvernement Charest, puis Couillard, «mais on se connaissait bien avant qu'elle fasse de la politique», souligne-t-il. Les deux étaient journalistes politiques à Québec, elle pour Radio-Canada, lui pour Le Soleil, dans les années 90; ils s'étaient retrouvés encore comme journalistes sur la Colline, à Ottawa, quelques années plus tard. «À bien y penser, j'aurais dû décliner cette offre. C'est vrai que les apparences peuvent porter à confusion», a convenu hier le nouveau politicien.
De la même manière, Michael Fortier, qui a été ministre non élu du gouvernement Harper, avait invité M. Marissal à assister, avec sa fille, aux Jeux olympiques de Vancouver en 2010. M. Fortier, il faut le souligner, n'était plus en politique active depuis deux ans. Des sources informées indiquent que le sénateur conservateur avait réservé des billets d'accès aux sites et une chambre d'hôtel, forcément coûteuse, pour des parents qui, finalement, ne s'étaient pas rendus à Vancouver. M. Marissal avait payé ses billets d'avion, son séjour ne représentait aucuns frais supplémentaires. L'ex-journaliste confirme ces informations. «On était plutôt chums, Fortier m'avait passé un coup de fil, par courtoisie, quand j'avais perdu ma chronique à La Presse. On ne s'est pas parlé depuis», a précisé M. Marissal.
De bonnes chances
Mais tous ces louvoiements ne pèsent pas lourd quand c'est au tour des urnes de parler. Pour Philippe J. Fournier, le créateur de Québec 125, un modèle sophistiqué qui vise à prédire les résultats électoraux, Vincent Marissal a de bonnes chances de l'emporter contre le chef péquiste le 1er octobre.
Dans ses dernières prévisions, M. Fournier, qui collabore aussi à la revue L'actualité, voyait Québec solidaire tout près du PQ dans Rosemont. «C'était avant l'entrée en scène d'un candidat-vedette comme M. Marissal», a-t-il souligné.
«Dans Rosemont, Québec solidaire ne manquera pas d'effectifs; toute l'équipe de Valérie Plante et peut-être même les militants du NPD seront derrière Québec solidaire. Et à la différence de [Vincent] Marissal, Jean-François Lisée ne pourra pas passer toute la campagne dans son comté.»
Rosemont est une circonscription ciblée par Québec solidaire. Elle est bordée à l'ouest par Gouin et Mercier, des circonscriptions solidaires, et on peut penser que le profil des électeurs ne change pas de l'autre côté de la rue. En 2014, M, Lisée avait vu sa majorité de 10 000 voix fondre à 1600. Il faut dire qu'à l'époque, la Charte des valeurs de Bernard Drainville avait fait perdre des plumes aux candidats urbains du PQ. Au sud de Rosemont se trouve Hochelaga-Maisonneuve, que Québec solidaire va probablement ravir au PQ, prédit M. Fournier.
Et si, tout de même, Jean-François Lisée l'emportait? Le faible score qu'on peut prévoir pour le PQ sur le plan national forcera vraisemblablement le député péquiste à passer la main, le 1er octobre.