Le régime minceur d'Ignatieff

Ignatieff - le PLC et le Québec



(Ottawa) Michael Ignatieff égrène son jeu politique à fort petites doses dans ce qui s'annonce comme un régime minceur pour les Québécois de toutes les teintes de nationalisme.
La chasse aux votes assortie d'une chasse à l'argent, à Montréal, jeudi soir, portait plus sur le goût du pouvoir que sur le besoin de proposer des mesures concrètes.
Pas question de donner plus de pouvoirs au Québec (ou aux autres provinces), pas question d'ouvrir la porte à des gestes concrets : une fois reconnue l'identité nationale des Québécois, le dossier est clos.
Ceux qui voyaient dans M. Ignatieff une réincarnation de Pierre Trudeau ne sont qu'à demi rassurés. La reconnaissance, oui, mais sans plus.
Même si Jean Charest réclame pleine compétence dans les domaines de la culture et des communications, que nenni, disait-on en vieux français pour signifier qu'on s'en foutait complètement.
Le discours de Montréal a étonné même la Canadian Press, qui titrait sa dépêche sur le fait que M. Ignatieff ne donnerait aucun pouvoir supplémentaire au Québec.
Puis l'agence affirmait au second paragraphe que le Parti libéral espérait quand même convaincre les Québécois de voter en sa faveur. Bon sens de l'observation, dois-je reconnaître.
Je ne m'étonne pas que les stratèges libéraux aient choisi le silence, dans le contexte actuel. Leur parti se redresse lentement depuis le départ de Stéphane Dion pendant que les conservateurs de Stephen Harper s'enferrent dans leur idéologie.
La crise économique et le déficit budgétaire feraient mal paraître le meilleur des gouvernements, et tout indique qu'une administration libérale dirigerait le pays de la même manière, que ce soit pour sauver General Motors ou ne pas sauver l'industrie forestière.
Promesses et engagements ne suffisent pas pour attirer les votes des Québécois et, surtout, pour conserver leur allégeance.
Stephen Harper, contrairement à M. Ignatieff, avait donné des gages intéressants et concrets, comme le siège à l'UNESCO, le règlement du déséquilibre fiscal et le retrait du pouvoir fédéral de dépenser dans les champs de compétence des provinces.
Bon, je ne peux pas le blâmer pour tout : c'est Jean Charest, non M. Harper, qui a tué le concept du déséquilibre fiscal en redistribuant l'argent d'Ottawa pour des motifs électoraux au lieu de le consacrer à des services publics à la dérive.
Mais le règlement du dossier de l'UNESCO n'a rien à voir avec la promesse initiale, et la question du pouvoir de dépenser a été reléguée aux oubliettes une fois les discours du Trône lus et classés.
M. Ignatieff, pour le moment, n'a qu'une chose à vendre aux Québécois, soit une participation éventuelle au pouvoir. M. Harper, lui, a perdu le Québec : ses réactions aux coupes dans la culture et au projet de coalition, l'an dernier, ont rompu le charme.
Les fédéralistes retournent dans le giron libéral, tout en se posant la question de fond : que propose M. Ignatieff?
«C'est ce soir que nous gonflons nos voiles. C'est ici à Montréal que nous unissons nos souffles pour que se lève le vent du changement au Canada», a-t-il dit dans le genre de passages partisans que les médias osent rarement citer de peur du ridicule.
Pour l'instant, même s'il faut se contenter de ramer dans les nuages, la volonté de se défaire d'un gouvernement «kafkaïen», comme l'a écrit un juge lettré de la Cour fédérale dans le cas de l'exilé involontaire Abousfian Abdelrazik, cette semaine, domine le paysage politique québécois.
M. Ignatieff joue la corde du changement, tout en faisant le «dur» sur le plan constitutionnel pour ramasser les votes des électeurs allergiques à la nation québécoise. À ses risques et périls.


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