À bas la démocratie...

Droite chrétienne et gouvernement conservateur



(Ottawa) Stephen Harper vient d'écri­re un nouveau chapitre pour son cours Politi­que 101 : un gouvernement minoritaire incarne l'instabilité politique, se répercute sur la situation éco­nomique et, pour tout dire, aussi bien fermer le parlement, dans les circonstances.
La menace constante de votes de confiance et les spéculations quotidiennes sur de possibles élections dérangent les sacro-saints «marchés», a dit le premier ministre dans une entrevue télévisée qui laisse pantois.
Les électeurs ont décidé d'élire un troisième gouvernement minoritaire consécutif, en 2008, et ce, pour de très bonnes raisons, soit leur manque de confiance envers les leaders des deux grands partis.
En démocratie, veut le dicton, le peuple a toujours raison, même lorsqu'il se trompe. Et lorsqu'il se trompe, il peut toujours corriger le tir aux élections suivantes.
Le premier ministre a sans doute raison de dire que la prorogation du Parlement, puisque c'est de cela qu'il s'agit, n'empêche personne de dormir. Un site Facebook aurait recueilli plus de 150 000 signatures opposées à la prorogation, mais il faut se méfier des manipulations dans ce cas-ci.
Et son ministre de l'Industrie, Tony Clement, rejette les critiques d'un groupe d'universitaires comme étant l'apanage d'une «élite», ce qui, j'imagine, doit ressembler à un gros mot dans son vocabulaire.
L'entrevue au réseau spécialisé Business News Network (bnn.ca) confirme une fois de plus le côté sombre de la personnalité du premier ministre et son impatience envers les institutions démocratiques qui le dérangent.
Selon M. Harper, les petits jeux politiques recommenceront dès le retour du Parlement, le 3 mars. Mais il oublie de dire que ce premier vote de confiance n'aurait jamais eu lieu sans l'obligatoire discours du Trône provoqué par sa manoeuvre.
Je reviens aux universitaires. Près de 200 d'entre eux, de partout au pays, ont signé une attaque en règle contre la décision de renvoyer le Parlement : il y a longtemps que je n'ai pas vu un tel mouvement parmi nos «élites» (et non, ce n'est pas un gros mot).
Légalement, M. Harper avait et a toujours le droit de fermer le Parlement. Mais s'il y a des règles, disent nos experts, il y a aussi «l'esprit de ces règles».
L'opposition, pour une, doit agir dans l'intérêt public, et non poursuivre des objectifs strictement partisans. Dans le cas présent, malgré les propos du premier ministre, il est évident que le Parti libéral ne fera rien pour renverser le gouvernement.
Le gouvernement, de son côté, doit faire preuve de retenue dans l'utilisation de ses pouvoirs, disent les pétitionnaires. Ce qui ne correspond en rien à la décision controversée, car ils y voient uniquement des «intentions partisanes, tactiques et à court terme».
Pour ceux qui s'interrogent toujours sur la vraie raison de la prorogation, le chat est finalement sorti du sac par la bouche du maître à penser du premier ministre, Tom Flanagan.
Candide, ce dernier a confirmé ce que plusieurs soupçonnaient déjà, à savoir que le gouvernement voulait éteindre l'incendie qui couvait dans l'affaire des détenus afghans.
L'atteinte de cet objectif passait par la mise au rancart du Comité parlementaire qui creusait le dossier et exigeait la divulgation de tous les documents officiels, y compris les plus compromettants.
Objectif atteint, oui, mais à quel prix? M. Harper n'a rien à cirer des institutions politiques actuelles et tente de les modifier à sa convenance.
Voilà, la méthode a choqué et la prorogation, qui l'eût cru un jour, fait maintenant partie du débat politique canadien! Les facultés de droit et de sciences politiques de tout le pays en sont fort aises.


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