Le rapatriement de 1982: trahison et fin d’un mythe

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Le Canada est construit sur deux impostures, la Confédération de 1867, et la Constitution de 1982






Le 17 avril 1982, il y a 35 ans, entrait en vigueur une Constitution canadienne, amendant le BNA Act de 1867, rapatriée de Londres par le gouvernement canadien sans l’accord du Québec. Cette trahison à l’égard du peuple québécois rompait un engagement solennel de Pierre Elliott Trudeau au référendum de 1980. Dénoncé régulièrement depuis par des résolutions unanimes de tous les partis représentés à l’Assemblée nationale du Québec, cet acte unilatéral du Canada anglais met fin définitivement au mythe tenace voulant que le Canada de 1867 soit un « pacte entre deux nations ».


 

Dans les derniers jours de la campagne référendaire de 1980, le 14 mai 1980 au Centre Paul-Sauvé à Montréal, le premier ministre canadien Pierre Elliott Trudeau, au nom de ses collègues du Québec au Parlement fédéral, est venu dire aux Québécois : « Nous voulons du changement, nous mettons nos sièges en jeu pour avoir du changement. » Donc, ce « non » au référendum de 1980 allait vouloir dire un « oui » aux changements espérés par les Québécois.


 

Le 20 mai 1980, une majorité de la population du Québec, dont environ la moitié des francophones du Québec, vota « non » à la question référendaire. Tout le monde avait compris que ce « changement » annoncé par le premier ministre canadien allait enfin satisfaire les aspirations de la population exprimées par tous les premiers ministres fédéralistes du Québec depuis 1867, d’Honoré Mercier à Robert Bourassa. Le Québec allait enfin obtenir justice et les moyens de se développer comme nation autonome au sein du Canada.


 

Or le « changement » promis fut tout autre. Dès le lendemain du référendum, reniant sa promesse faite aux Québécois, Trudeau entreprit de rapatrier de Londres la Constitution canadienne en y insérant des modifications qui réduisaient les pouvoirs des provinces, plutôt que de les augmenter. Devant l’opposition du Québec et de sept autres provinces, Trudeau consulta la Cour suprême du Canada, qui statua qu’Ottawa était légalement autorisé à procéder unilatéralement, mais qu’il devait préférablement essayer de s’entendre avec un nombre « substantiel » de provinces, formule vague à souhait. C’était nier le droit de veto sur les amendements à la Constitution que le Québec croyait avoir depuis 1867.


 

Une des pires trahisons de l’histoire du Canada


 

Le 4 novembre 1981 eut lieu cet acte inique appelé « la nuit des longs couteaux », l’une des pires trahisons de l’histoire du Canada. Lors d’une rencontre des premiers ministres convoquée par Trudeau pour établir ce « nombre substantiel », une entente fut concoctée pendant la nuit entre Ottawa et les neuf provinces anglophones, à l’insu du Québec. Par cette entente, Trudeau respectait « l’exigence » de la Cour suprême, obtenant, en dépit de l’opposition du Québec, toute la marge de manoeuvre à ce que certains ont appelé « un coup d’État ». Le premier ministre canadien pouvait s’amener à Londres pour concrétiser sa trahison à l’égard du Québec.


 

Aujourd’hui, même si le Québec n’a toujours pas signé cette nouvelle Constitution canadienne, l’absence de sa signature n’a aucune conséquence juridique. La nouvelle Constitution s’applique quand même au Québec, permettant à la Cour suprême d’invalider des lois de l’Assemblée nationale, même dans ses champs de compétence reconnus. En particulier, la loi 101 a subi près de 200 modifications, dont les plus récentes, sur la question des « écoles passerelles », permettent un accès accru aux écoles anglaises.


 

Outre ses effets juridiques néfastes pour le Québec, la Constitution canadienne reconnaît désormais explicitement le multiculturalisme, mais l’égalité en droit de la nation québécoise n’est toujours pas reconnue au Canada. Dans l’optique canadienne, le Québec est une province comme les autres. La trahison de 1980-1982 a mis fin au mythe selon lequel le BNA Act de 1867 aurait été un « pacte entre deux nations », puisque le rapatriement unilatéral n’aurait pu être perpétré sans nier l’égalité entre les deux nations. Cette idée de « pacte » est morte le 17 avril 1982. Pour George Brown, l’acte de 1867 marquait au contraire la fin de ce qu’il appelait « la domination française au Canada » et le début d’une nouvelle nationalité britannique. Cent ans plus tard, il aura eu raison. Le rapatriement de 1982 illustre la fin d’un mythe, celui de la dualité canadienne.


 

En ce 150e anniversaire de la Constitution canadienne, il n’y a rien à fêter au Québec ! Au contraire, nous avons le devoir de souligner ces deux impostures, celle de 1982 et celle de 1867, sur lesquelles s’est bâti ce pays, deux impostures à ajouter au dossier noir du Canada à l’égard des Canadiens français et de la nation québécoise. Cette manifestation tangible de l’oppression et de la domination du Canada sur le Québec doit être dénoncée, jusqu’à ce qu’elle soit corrigée, par nous et pour nous.








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Gilbert Paquette68 articles

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Ex-ministre du Parti Québécois
_ Président des Intellectuels pour la souveraineté (IPSO)

Gilbert Paquette est un chercheur au Centre interuniversitaire de recherche sur le téléapprentissage (CIRTA-LICEF), qu’il a fondé en 1992. Élu député de Rosemont à l’Assemblée nationale du Québec le 15 novembre 1976, réélu en 1981, Gilbert Paquette a occupé les fonctions de ministre de la Science et de la Technologie du Québec dans le gouvernement de René Lévesque. Il démissionne de son poste en compagnie de six autres ministres, le 26 novembre 1984, pour protester contre la stratégie du « beau risque » proposée par le premier ministre. Il quitte le caucus péquiste et complète son mandat comme député indépendant. Le 18 août 2005, Gilbert Paquette se porte candidat à la direction du Parti québécois. Il abandonne la course le 10 novembre, quelques jours à peine avant le vote et demande à ses partisans d’appuyer Pauline Marois. Il est actuellement président du Conseil d’administration des intellectuels pour la souveraineté (IPSO).





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