Si le but de Pauline Marois, avec son projet de loi 195, était de repositionner le PQ comme principal défenseur de l'identité québécoise, on ignore encore si elle réussira à ramener dans le giron péquiste les franges d'électeurs nationalistes qui avaient déserté le parti au profit de l'ADQ, en mars dernier.
Mais si son but était d'établir un consensus dans l'électorat, de rallier une majorité d'électeurs francophones autour d'un projet unificateur, là elle a très certainement échoué.
En effet, comme aux beaux jours d'autres débats fondamentaux et en particulier comme lors du référendum de 1995, le débat des 10 derniers jours lancé avec le dépôt du projet de loi péquiste sur l'identité québécoise a surtout contribué à montrer comment les Québécois demeurent profondément divisés sur la façon dont ils imaginent leur avenir, soit à l'intérieur du Canada, soit séparés de celui-ci.
Car, il fallait bien s'y attendre, un débat sur l'identité québécoise ne pouvait pas déboucher autrement que sur un débat, plus divisif que jamais, entre fédéralistes et indépendantistes. C'était inévitable, couru d'avance.
Or, à travers les centaines de courriels reçus à La Presse, comme cela avait été le cas en 1995, pas moyen de dégager une tendance. Probablement autant de pour que de contre au projet de loi 195. Notez surtout le caractère hautement vindicatif de certains courriels. Voyons-en quelques uns:
- «Voilà que Mme Marois invite les Québécois à se gratter le nombril identitaire entre familles souches. C'est bien connu, la chicane a toujours été le fonds de commerce des séparatistes. Le Bloc en vit depuis 15 ans. Ce projet rappelle la cage à homards de M. Parizeau: une fois que tu y mets la patte, t'es certain de finir dans l'eau bouillante.» (Robert Berthiaume, Québec)
- «On se souvient tous du fameux discours de Jacques Parizeau en 1995. Il avait dit qu'il s'agissait d'une défaite due "au vote ethnique et à l'argent". Or de l'argent Pauline Marois en a plein son château de l'île Bizard. Mais comment contrer le vote ethnique? On ne peut toujours pas les empêcher de voter... Et si on trouvait une approche détournée! Et voilà l'idée de génie de Pauline. On va créer une citoyenneté québécoise.» (André Tremblay, Trois-Rivières)
- «Lorsque tous les immigrants respecteront le français au Québec, les Québécois seront peut-être plus tolérants face à la culture et à la religion du nouvel arrivant.» (Stéphane Harpon)
- «Quand le peuple québécois cessera-t-il de se mettre à genoux? Le projet de loi de Pauline Marois arrive à temps pour rétablir les choses en remettant à leur place les ennemis fédéralistes du Québec et en obligeant les immigrants à être respectueux face à ce que nous sommes. Que ceux qui ne sont pas contents s'en aillent!» (Jocelyne Raymond, Montréal)
Que les immigrants s'en aillent s'ils ne sont pas contents? Que voilà une politique d'intégration prometteuse à une époque où la population québécoise tend à diminuer et où l'apport de l'immigration devient de plus en plus essentielle.
Tout ce débat a inspiré les propos suivants à une lectrice, non québécoise «de souche», Mme Mair Verthuy:
- «Dans mon pays d'origine, quand une nouvelle famille ou un particulier emménageait dans un quartier, la tradition voulait que les voisins immédiats leur rendent visite, soit pour proposer de petites douceurs aux nouveaux venus, soit pour les inviter à prendre le thé à la maison. Probablement que le geste comprenait un peu de saine curiosité. Mais, pour l'essentiel, c'était pour, d'une part, leur souhaiter la bienvenue et, d'autre part, s'assurer que ces personnes se sentiraient à l'aise dans leur nouvel environnement. Dommage que cette excellente tradition ne fasse pas partie de la culture de Mme Marois ni de celle de trop de ses collègues du PQ.» (Mair Verthuy)
Depuis 40 ans, il a été bien difficile au Québec de sortir du sempiternel débat constitutionnel. Beaucoup d'analystes, au lendemain de l'élection du 26 mars, avaient conclu qu'il fallait analyser la montée de l'ADQ à l'aune de l'écoeurement des électeurs face à l'incapacité des vieux partis de proposer une vision différente du contentieux Canada-Québec.
Le vacarme des derniers jours entourant le projet de loi 195 tend à démontrer que nous avons bien de la difficulté à sortir de nos ornières...
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