Construction et mafia

Le PQ évoque la «complicité» des libéraux

Charest refuse une fois de plus de tenir une commission d'enquête

Enquête publique - un PM complice?


Québec — «Complicité avec le crime organisé», «pendant combien de temps nos taxes vont-elles faire vivre la mafia?»: l'opposition s'est déchaînée contre le gouvernement Charest, hier matin, alors que des révélations se font quotidiennes sur les liens entre le crime organisé et le monde de la construction.
En début de soirée hier, Radio-Canada exposait un autre cas: des proches de la mafia des dirigeants de la FTQ et l'homme d'affaires Tony Accurso ont acheté des copropriétés dans une tour dont la construction a été financée par un prêt illégal puisque fait à même la caisse des travailleurs d'un syndicat de la FTQ-Construction, la FIPOE, la Fraternité interprovinciale des ouvriers en électricité.
En matinée hier, Jean Charest a refusé une fois de plus de tenir une commission d'enquête sur la construction et le financement des partis politiques. À ses yeux, «quand il s'agit de collusion, de corruption, de mafia, c'est vraiment une affaire de police, de tous les corps policiers», a-t-il répondu. Il a soutenu que son gouvernement travaillait sans relâche pour régler ces situations: «On a dégagé des ressources financières additionnelles justement pour donner des moyens additionnels à la police pour qu'ils puissent faire leur travail dans ces dossiers-là», a-t-il insisté.
La réplique n'a pas été tendre: «En refusant obstinément la tenue d'une commission d'enquête, la seule façon de véritablement faire la lumière et le ménage, le Parti libéral se fait complice d'une combine érigée en système», a déclaré le critique péquiste en matière de sécurité publique, Stéphane Bergeron. Cherchant à personnaliser ses attaques, M. Bergeron a ajouté: «Pourquoi [...]des députés libéraux — ceux de Jean-Lesage, de Mégantic-Compton, de Rivière-du-Loup, de Gaspé, d'Arthabaska, de Hull — acceptent-ils d'être complices du crime organisé?»
La lourde accusation a soulevé l'ire dans les banquettes libérales. Le leader du gouvernement, Jean-Marc Fournier, a dénoncé les propos. Plus tard, lors d'une réunion à huis clos de la Commission de l'économie et du travail, le péquiste Bergeron a été pourfendu par ses vis-à-vis libéraux (qui étaient précisément les six qu'il avait visés dans son attaque). «Ils ont fait comprendre à Bergeron qu'il était allé beaucoup trop loin», a révélé une source libérale. Les députés libéraux «n'étaient vraiment pas contents. en effet. [...] Ils m'ont exprimé clairement leur réprobation de mes interventions en Chambre», a confirmé Stéphane Bergeron au Devoir en fin de journée.
Le député ne croit pas être allé trop loin et s'est justifié ainsi: «À partir du moment où le gouvernement était au courant et qu'il a choisi spécifiquement le moment où justement circulaient les allégations de collusion et de corruption dans le secteur de la construction pour faire des investissements, parmi les plus élevés au cours des dernières décennies, en infrastructure, sachant pertinemment qu'une partie de cet argent-là qui irait dans les poches de gens plus ou moins respectables, moi je me dis que, volontairement ou non, il y a là complicité.»
Encore sept ans de Marteau?
C'est surtout la déclaration de Denis Morin, de la Sûreté du Québec et de l'opération Marteau, qui a mis le feu aux poudres: «Notre renseignement tend à démontrer qu'il y a une certaine collusion entre certaines grandes entreprises de construction afin de se partager les contrats. On a à établir l'ampleur du phénomène. Au niveau de la mafia, on est porté à croire qu'il y a des liens entre ces entreprises-là et la mafia.»
Lorsqu'on lui a demandé si cet état de fait était inquiétant, le ministre de la Justice Jean-Marc Fournier a répondu: «C'est inquiétant qu'il y ait ce genre de relations.» Il a toutefois tenté de se montrer rassurant en soulignant que d'importantes ressources avaient été mises à la disposition des policiers. Aussi, «il y a des enquêtes qui se font là-dessus pour qu'on puisse non pas "tendre à démontrer", mais bien "démontrer", devant un juge, qu'il y a de tels actes qui sont faits et que les gens qui les font aillent en prison».
Bref, un an après la mise en place de l'opération Marteau (elle a été créée le 23 octobre 2009), aucune accusation n'a été portée. M. Fournier a alors dressé un parallèle avec l'escouade Carcajou, créée en 1995 pour mettre fin à la guerre des bandes de motards et qui n'a véritablement abouti que sept ans plus tard, lors de l'opération Printemps 2001. Quand Marteau débouchera-t-elle sur des accusations? «J'espère le plus tôt possible», a répondu M. Fournier, soulignant cependant que le gouvernement serait malvenu de «précipiter les choses», car ainsi, il risquerait d'empêcher les policiers d'accumuler une preuve suffisamment solide pour écrouer les bandits. «Nous sommes dans une société de droit. [...] Il faut qu'on ait la possibilité de mener des enquêtes qui durent parfois un peu plus longtemps que nous on souhaiterait. [...] Il faut prendre le temps qu'il faut pour mettre les gens en prison», a-t-il conclu.
Pour Stéphane Bergeron, avec les déclarations de Denis Morin, «on a quitté le simple domaine des allégations et on est entrés dans quelque chose de plus précis». À ses yeux, il ne faut pas comparer les opérations Carcajou et Marteau. Dans ce dernier cas, le gouvernement «ne part pas de zéro», car il bénéficie de l'opération Colisée, qui a recueilli des «dizaines de milliers d'enregistrements».


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