Le populisme ou la tarte à la crème

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Quand on ne connaît pas le sens des mots, on se tait M. Couillard

Il y a des mots comme ça qui font irruption dans l’actualité et qui deviennent vite des mots bateaux. Certes, ils sont le symptôme d’une situation bien réelle. Mais leur utilisation à tort et à travers fait qu’on ne sait plus trop ce qu’ils signifient. Ainsi en va-t-il du mot « populisme », qui est aujourd’hui devenu synonyme d’« affreux, sale et méchant », et qui est utilisé pour décrire à peu près tout et n’importe quoi.

Cela va du Front national (FN) en France au mouvement de gauche Syriza en Grèce, en passant par le parti Cinq étoiles de Beppe Grillo en Italie et certains partis ouvertement néofascistes d’Europe de l’Est ou du Nord, sans oublier le clown médiatique Donald Trump. Tout ce qui ne rentre pas dans le cadre un peu lisse des partis traditionnels, aujourd’hui partout en crise, risque de se retrouver un jour ou l’autre dans la case du populisme. Même un social-démocrate pur jus comme Jean-François Lisée y a goûté. C’est dire si le mot est galvaudé !

Il peut paraître rassurant de classer ainsi des mouvements qu’on connaît mal et qui n’ont pas grand-chose en commun. Comme si leur référence au peuple suffisait à elle seule à les renvoyer dans les limbes de l’extrême droite. L’histoire ne manque pourtant pas de grands hommes, de De Gaulle à Churchill en passant par René Lévesque, qui n’ont pas hésité à faire appel au peuple. Les traiterait-on bientôt de populistes ?

La chose vaut la peine d’être rappelée à une époque où certains se promènent sur les plateaux de télévision pour affirmer de manière péremptoire que le peuple, et bien, ça n’existe pas ! À une telle affirmation, le philosophe de gauche Michel Onfray avait répondu sur France 2 que le peuple, c’est « ceux sur qui s’exerce le pouvoir ». Bref, l’ensemble des citoyens qui ne sont pas, contrairement aux journalistes, aux hommes politiques et aux détenteurs du capital, dans une position de domination. Cette définition n’est pas très loin de celle que proposait en son temps Nicolas Machiavel, selon qui, dans toute société et à toutes les époques, il y avait des dominés (« popolo minuto », ou petit peuple) et des dominants (« popolo grasso »).


Il n’est pas question de nier la montée du populisme aujourd’hui un peu partout dans le monde. Mais, avant de se lancer dans une dénonciation tous azimuts d’un phénomène aussi complexe, encore faut-il s’arrêter sur les facteurs qui ont contribué à ce que nous voyons se dérouler sous nos yeux. J’en mentionnerais deux qui me semblent déterminants.

Où le populisme contemporain est-il d’abord apparu sinon dans les médias ? On est justifié de parler d’un véritable populisme médiatique. La télévision de papa était peut-être un peu terne, mais on y interviewait des écrivains et des hommes politiques aux heures de grande écoute sans les forcer à se déguiser en clowns. En France, la montée du FN coïncide avec la privatisation des chaînes publiques et l’explosion des chaînes privées. Aujourd’hui, un dirigeant politique n’a guère le choix d’aller faire le pitre dans des émissions comme Tout le monde en parle. Quand ce ne sont pas les humoristes eux-mêmes qui envahissent les rares émissions d’information encore un tantinet sérieuses. Les journalistes ont beau jeu de dénoncer le populisme, alors que le système médiatique contribue à sa propagation en récompensant souvent le dénigrement de la politique et la petite phrase provocante. La télévision publique, qui a liquidé toute idée de service public, porte à cet égard une lourde responsabilité. La dégradation de la langue qu’on y constate n’est que le symptôme d’un mal plus profond.

L’autre cause majeure de la montée du populisme doit être cherchée dans la crise de la gauche. On oublie que ces couches populaires furent traditionnellement représentées par des partis de gauche, en Europe du moins. Or, il y a longtemps que ces partis se sont « gentrifiés », à l’image de certains quartiers de nos centres-villes. Aujourd’hui, les électeurs du Front de gauche en France, ceux de Die Linke en Allemagne (de l’Ouest) ou de Québec solidaire au Québec se recrutent généralement dans les beaux quartiers, quand ce n’est pas dans la petite bourgeoisie médiatique. Ces partis ont migré vers des clientèles ciblées (communautés ethniques, minorités sexuelles, fonctionnaires) dont ils ont adopté les préoccupations. Quand ils ne jugent pas les milieux populaires racistes et réactionnaires et ne se contentent pas de leur faire la morale, notamment sur le plan des moeurs.
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