Le pays d’où l’on vient et revient

À Cuba, j’en ai déjà parlé dans une chronique, on ne connaît pas ce genre de problème. Tout se déroule dans une seule langue, l’espagnol, et c’est vraiment réconfortant. Est-ce pour autant une société homogène, uniforme, tricotée serrée, peu ouverte, avec une majorité de Cubains «de souche»?

Anglicisation du Québec



Depuis que le débat sur les accommodements raisonnables enflamme les discussions et divise la société entre tolérants et intolérants, je me suis abstenu de prendre position, ce qui ne signifie pas que je n’ai pas des idées claires sur le sujet. Mais cela ne m’empêche pas d’écouter ce qu’on dit à ce propos sur différentes tribunes.
J’ai, pour ainsi dire, connu les deux côtés de la chose, étant ici Québécois de souche et ayant vécu comme exilé ou réfugié ou immigrant, à Cuba puis en France pendant près de 10 ans. Même si je n’ai pas la peau noire et possède visiblement les caractéristiques de ceux qu’on dit de «type caucasien», j’ai néanmoins subi le regard qu’on porte sur celui qui vient de l’extérieur, celui qui n’est pas pareil que la majorité, un regard parfois d’envie et parfois de mépris.
À Cuba, j’en ai déjà parlé dans une chronique, on ne connaît pas ce genre de problème. Tout se déroule dans une seule langue, l’espagnol, et c’est vraiment réconfortant. Est-ce pour autant une société homogène, uniforme, tricotée serrée, peu ouverte, avec une majorité de Cubains «de souche»?
Au contraire, ce qui saute aux yeux, c’est cette mixité incroyable, ce métissage réussi, cette diversité assumée qui étend ses influences sur tous les aspects de la vie en société: architecture, cuisine, sports, mode vestimentaire, religion et superstition, musique, danse, etc., tout en formant un maillon solide, cultivé et original de la grande chaîne hispanophone.
Récemment d’ailleurs, un Cubain d’origine chinoise est venu à Montréal pour y rencontrer la communauté chinoise et raconter comment il s’était intégré à la société cubaine et comment, tout jeune, il s’était joint à l’Armée rebelle pour lutter contre Batista.
Bien sûr, on argumentera que Cuba n’est pas un pays migratoire et vous avez parfaitement raison. On dira également qu’il s’agit d’un pays communiste et que personne ne rêve d’y vivre. Ce qui est vrai et faux, selon qu’on aime ou qu’on déteste vivre dans un pays qui lutte pour une société plus juste et égalitaire et où il est impossible de s’enrichir aux dépens des autres citoyens moins fortunés.
En France, c’était une autre paire de manches. Au début, lorsque je frappais aux portes d’organismes sociaux pour demander de l’aide, les gens me disaient: Heureusement, vous n’êtes pas Arabes, ça va être plus facile... Combien de fois, par la suite, n’ai-je pas constaté des manifestations d’intolérance de la part de Français de souche. Pourtant, à l’époque, la France importait de la main-d’œuvre, à partir de ses anciennes colonies, pour exécuter les basses besognes que ses propres citoyens ne voulaient pas exécuter. La situation a beaucoup changé depuis, et la terre d’asile qu’était la France est devenue une terre où l’on expulse cette main-d’œuvre dont on n’a plus besoin.
Je me rappelle également que lorsque la situation politique a commencé à changer favorablement dans nos pays, à la fin des années 1970 et dans le courant des années 1980, les exilés que nous étions à Paris, Québécois, Chiliens, Argentins, Uruguayens, Brésiliens, quittaient presque tous «la plus belle ville au monde», Paris, pour regagner leur patrie meurtrie, malgré les difficultés que cela supposait, les incertitudes, le déracinement, etc. Ainsi, tous les militants du FLQ exilés à Paris sont revenus vivre au Québec, même en sachant qu’il faudrait faire de la prison.
Je crois qu’il n’existe pas de plus bel endroit au monde que le pays où nous sommes nés. C’est celui dont on rêve tous, où que l’on soit et peu importe les raisons qui ont fait qu’on l’a quitté. Aussi je crois que si des efforts étaient vraiment consentis, au niveau de l’aide humanitaire, pour abolir la faim dans le monde et construire, dans les pays du tiers-monde, les infrastructures nécessaires pour y parvenir, il n’y aurait plus guère de problèmes d’accommodements, ici ou ailleurs.
Demandez à un Haïtien à Montréal s’il ne rêve pas de retourner sur son île, si jamais les conditions de vie le permettaient. Qu’est-ce que vous croyez qu’il répondrait?


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