Joël Vallières - Québec - Je suis né en 1977, année de l'adoption de la Charte de la langue française. J'en tire bien sûr une grande fierté. Et de toutes les réalisations du PQ, c'est la plus grande et la plus importante, faute de n'avoir pas déclaré le pays rêvé.
D'aussi loin que je me souvienne, j'étais de gauche. Un voyage en Haïti, à 11 ans, au coeur même d'une pauvreté insupportable pour quiconque est épris d'un brin de justice et de dignité, m'a indiqué jusqu'à quel point était primordiales les transformations sociales et l'instauration de la justice, de la dignité et de la paix.
D'aussi loin que je me souvienne, et de plus loin encore grâce à mon père, j'étais indépendantiste. Il n'y a rien de plus normal que la recherche de la liberté, elle-même nécessaire pour assumer entièrement ses responsabilités. Il ne saurait y avoir de paix mondiale sans reconnaissance pleine et entière du droit des peuples à l'autodétermination, et celui-ci, pleinement exercé, résulte en l'indépendance.
Le Parti québécois a été fondé, je crois bien, sur ces deux piliers: l'émancipation du peuple par et dans son indépendance. Il s'agissait pour le peuple d'être souverain. Les premiers programmes du PQ, jusqu'en 1974, en témoignaient éloquemment: n'y avait-il pas clairement le désir du pays, bâti par les Québécois eux-mêmes, au sein d'une Assemblée constituante populaire? Peu après, l'étapisme a été intégré au programme, de même que les bonzes fédérastes (pour être gentil) comme conseillers politiques principaux au sein du parti, au grand dam du peuple. Puis la liesse de 1976, où au lieu de proclamer l'indépendance et préparer la résistance, le PQ démontra qu'il pouvait fort bien gouverner une province, mot qui signifie «territoire conquis pour les vaincus». Le référendum tordu de mai 1980, l'écrasement définitif des travailleurs dont on avait renié le préjugé favorable, l'abandon du rêve du pays et même l'adhésion au fédéralisme ont ensuite marqué le pas.
Jacques Parizeau prit alors la relève et le rêve fut de nouveau attisé. «L'honneur et l'enthousiasme» de la réintégration constitutionnelle s'étant transformés en amertume et en colère, voilà que le pays pointait de nouveau à l'horizon. En 1995, le 30 octobre, je n'avais pas encore 18 ans bien sonnés, et j'ai pensé, rêvé, crié que j'allais entrer dans ma vie adulte tout à fait adulte, c'est-à-dire que le processus de ma propre vie s'inscrivait à même le processus d'émancipation de mon peuple! On connaît la suite. En 1998, j'écoutais Jacques Parizeau à Sherbrooke, sur le campus, prononcer un discours des plus enivrants, appuyant Marie Malavoy, dont l'accès était gratuit à tous. Jean Charest, candidat libéral, faisait payer 125 $ pour être écouté. Le déficit zéro m'a écoeuré et je n'ai jamais plus, après l'élection de 1998, voté PQ.
L'Union des forces progressistes (UFP) et ensuite Québec solidaire (QS) recueillirent mon appui par la suite, démontrant une plus grande sensibilité aux besoins du peuple. Maintenant, le Parti indépendantiste (PI) affiche une réelle position politique indépendantiste. Alors, dans ces circonstances, pourquoi avais-je adhéré au PQ en septembre 2009?
Après la lecture d'un grand nombre d'ouvrages de réflexion sur l'indépendance, le nationalisme et le socialisme, je me suis dit que j'étais responsable, après tout, in abstentia, de l'abandon par le Parti québécois, l'organisation politique qui devait nous mener à notre libération nationale, de l'indépendance nationale. Qu'un nouveau militant, tout dévoué à la cause du pays, puisse participer et nourrir, à sa manière, la relance du projet indépendantiste.
Or, voilà que depuis mon adhésion récente, je reçois une première invitation à une activité du parti dans ma circonscription: Jean-Talon (à Québec). J'apprends, interloqué, que les membres du PQ ne sont pas tous sur le même pied. Pour rencontrer la «cheuffe», il faut que je débourse 400 $, soit beaucoup plus que mon salaire hebdomadaire! Si, à l'intérieur même du soi-disant véhicule de notre libération nationale, les pauvres sont relégués au silence et dans la marge, je vois mal comment ce véhicule peut bien être un quelconque véhicule de libération!
Je m'ennuie de Robert Burns et de Gérald Godin. Il n'y a plus de Doris Lussier, ni de Camille Laurin. Pourquoi continuer à rêver sur un cadavre? Une organisation morte-vivante, débarrassée de son âme, qui continue malgré tout à faire écran, fumiste, à la libération nationale et populaire attendue des Québécois. Jules Falardeau, lors des funérailles de son père, véritable patriote, lui, l'a bien dit: «Débarrassez si vous ne faites pas ce que vous deviez faire!»
Vous aurez compris que je ne me considère plus comme membre du Parti québécois. Aujourd'hui, j'ai honte d'avoir pris ma carte, dans un vain espoir de remettre le véhicule sur la route. Mais, contrairement aux idiots qui confondent le doigt qui montre la lune et la lune elle-même, je continuerai de travailler à l'avènement de mon pays à libérer.
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Joël Vallières - Québec
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