Le OUI de Dumont

Québec 2007 - ADQ

Dès le déclenchement des élections, on a demandé à Mario Dumont dans quel camp il se rangerait s'il y avait un autre référendum sur la souveraineté. Bien entendu, il a refusé de se prononcer. «Il n'y aura pas de référendum», a-t-il répondu.
Il est vrai qu'au train où vont les choses pour le PQ, la tenue d'un référendum apparaît assez improbable, mais les électeurs sont certainement en droit de savoir où logeraient l'ADQ et son chef.
Le jour où il avait reçu l'appui des maires défusionnistes de l'ouest de Montréal, en janvier dernier, M. Dumont avait été un peu plus loquace. S'il devait y avoir un référendum, l'ADQ devrait tenir un congrès pour définir sa position, avait-il expliqué, laissant toutefois entendre que la politique autonomiste de son parti serait plus compatible avec un non. Vraiment?
À première vue, vouloir «s'affirmer sans se séparer» semble en effet exclure la souveraineté. Ou bien le Québec demeure une province canadienne, avec plus ou moins d'autonomie, ou bien il sort de la fédération.
Dans la mesure où il n'ambitionne pas de former le prochain gouvernement, M. Dumont se soucie assez peu de la faisabilité de ses propositions, dans le domaine constitutionnel comme dans les autres, mais il est clair que personne dans le reste du Canada n'a la moindre envie de rouvrir le dossier dans un avenir prévisible.
D'ailleurs, même si c'était le cas, les chances qu'Ottawa et les autres provinces acceptent gentiment que le Québec devienne un véritable «État autonome» au sein de la fédération, comme le propose l'ADQ, semblent bien faibles, pour ne pas dire nulles.
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À moins qu'il s'agisse simplement d'une opération cosmétique sans conséquences concrètes. M. Dumont est demeuré très vague sur les pouvoirs qu'il veut rapatrier. L'adoption d'une constitution québécoise ne changerait strictement rien au partage actuel, pas plus que l'instauration d'une déclaration de revenus unique.
En revanche, s'il s'agit de modifier les choses en profondeur, même dans le cadre fédéral, un référendum sur la souveraineté semble toujours être un passage obligé. C'est précisément la raison pour laquelle M. Dumont avait accepté de se joindre au camp du OUI en 1995. Son objectif était moins de créer un État souverain que de forcer le Canada à négocier un nouvel arrangement avec le Québec, comme le proposait le rapport Allaire.
Pour Jean Charest, cela suffit à l'étiqueter «séparatiste», mais il était loin d'être le seul à appuyer le OUI pour des raisons stratégiques. Combien ont fait la même analyse que l'éditorialiste en chef de La Presse, André Pratte, que l'on peut difficilement soupçonner de crypto-séparatisme? En votant OUI, M. Pratte voulait forcer le gouvernement fédéral à négocier. Si cette stratégie était valable à l'époque, pourquoi ne le serait-elle plus? La Loi sur la clarté n'interdit aucunement le renouvellement du fédéralisme.
En 1995, Mario Dumont avait pu forcer Jacques Parizeau, qui dirigeait un gouvernement majoritaire, à inclure dans la question référendaire une offre de «partenariat» et un comité de surveillance des négociations.
Son rapport de force avec un gouvernement Boisclair minoritaire serait encore meilleur. Personne ne pourrait reprocher au chef de l'ADQ d'exiger à nouveau que la question référendaire permette éventuellement la tenue de négociations qui pourraient déboucher sur un statut d'autonomie pour le Québec, ce que M. Boisclair s'empresserait sans doute de refuser.
Après les élections de 1998, dont les résultats décevants pour le PQ avaient exclu toute possibilité de tenir un nouveau référendum sur la souveraineté, certains avaient déjà suggéré à Lucien Bouchard de reprendre à son compte la «proposition de paix constitutionnelle» de l'ADQ, inspirée du rapport Allaire, mais il avait craint de provoquer une révolte au sein de son parti. Dans l'hypothèse d'un gouvernement péquiste minoritaire, il n'y aurait tout simplement pas de référendum.
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Bien entendu, M. Dumont ne veut pas avoir à choisir son camp. Son parti a précisément été fondé sur l'illusion qu'il est possible d'avoir le meilleur des deux mondes. Le jour où il devra choisir, l'ADQ rétrécira inévitablement comme peau de chagrin.
Les lendemains référendaires ont été très difficiles pour l'ADQ. Au début de 1996, le pourcentage d'intentions de vote que lui accordaient les sondages se situait à l'intérieur de la marge d'erreur.
En 2002, M. Dumont a pensé pouvoir se libérer de cette obligation d'avoir à finasser continuellement en déclarant que la question constitutionnelle avait disparu de son écran radar. Grave erreur. Tout le drame du Québec est là: on ne peut pas passer outre au problème ni le régler.
Placé malgré lui devant l'obligation de prendre position, il n'aurait sans doute pas d'autre choix que de se joindre encore une fois au camp du OUI. Un troisième non signifierait l'enterrement pour longtemps de tout espoir d'une plus grande autonomie.
Personne ne peut vraiment savoir ce qu'il se serait passé en 1995, si le OUI l'avait emporté. Le reste du Canada se serait-il braqué au point de rendre la rupture inévitable ou aurait-on assisté à un compromis historique?
Il est vrai que le PQ a pris à deux reprises le risque d'affaiblir politiquement le Québec, mais les fédéralistes québécois qui ont milité pour le NON et invité la population à croire aux promesses d'Ottawa ont aussi leur part de responsabilité dans le rapatriement unilatéral de la Constitution et l'adoption de la Loi sur la clarté.
S'il devait y avoir un autre référendum, M. Dumont n'aurait pas à en porter la responsabilité, mais voudrait-il concourir à un nouveau recul en se joignant au camp du NON?
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mdavid@ledevoir.com


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