Le «nerd» des libéraux

Course à la chefferie du PLC


Michael Ignatieff est un intellectuel ontarien qui a enseigné dans les plus prestigieuses universités; il a toutefois le charisme d'un pathologiste qui résume un rapport d'autopsie.
Le candidat-vedette à la direction du Parti libéral du Canada redonne cependant une crédibilité à une formation politique méprisée depuis le scandale des commandites, déconnectée des Québécois francophones à l'extérieur de Montréal et identifiée à un fédéralisme centralisateur développé depuis l'ère Trudeau.
J'ai entendu le «wake up call» des Québécois, nous a-t-il assuré hier en entrevue.
Le PLC ne pouvait certes pas fermer boutique et repartir sous un autre nom. Michael Ignatieff offrira cependant aux Canadiens une véritable alternative globale aux politiques du gouvernement conservateur de Stephen Harper, s'il devient chef du PLC. La démarcation est très nette sur la question de la souveraineté canadienne, l'indépendance du Canada par rapport aux États-Unis dans les affaires étrangères et la défense. Mais il cerne aussi des différences fondamentales dans le dossier du bois d'oeuvre, l'interventionnisme du gouvernement pour soutenir le développement régional, l'appui à l'accord de Kyoto, les politiques sociales (la mise en place par exemple d'un programme national de garderies), des investissements en recherche et développement, l'utilisation de la fiscalité à des fins de justice sociale. Michael Ignatieff est le premier libéral fédéral à définir aussi clairement les orientations et les valeurs qui composent l'identité de ce parti, comme Claude Ryan l'avait fait pour le PLQ, peu après l'arrivée de Jean Charest à sa direction.
Le Parti libéral du Canada a par ailleurs mené une lutte farouche aux souverainistes québécois depuis plus de trente ans, en utilisant souvent un vocabulaire guerrier et en ayant recours sans trop de scrupules à des méthodes parfois douteuses. Michael Ignatieff aborde au contraire cette question avec une sérénité nouvelle pour un libéral, en plus de reconnaître sans réserves l'existence d'une nation québécoise. Impossible de lui faire dire une méchanceté sur les souverainistes! Il ne voit juste pas la nécessité que chaque nation ait son pays propre et il fait valoir que les provinces canadiennes disposent de plus de pouvoirs, en vertu de la constitution canadienne, que la majorité des autres entités à l'intérieur de leurs États. Il n'est donc pas disposé à accroître les pouvoirs du Québec; tout au plus chercherait-il à aplanir les difficultés qui découlent de certaines juridictions partagées. Quand Stéphane Dion dit la même chose, il fait rager; venant de Michael Ignatieff, cela semble aller de soi.
Il ne séduira évidemment pas les souverainistes irréversibles, mais son attitude non belliqueuse, son engagement de respecter scrupuleusement les champs de juridiction des provinces, le placent en somme sur le même terrain que Stephen Harper. Si on ajoute ses orientations politiques plus progressistes sur le plan social et ses distances face aux politiques américaines, qui rejoignent des forts courants dans la société québécoise, la connection pourrait se faire aisément avec l'électorat fédéraliste du Québec et les nationalistes modérés qui appuient le Bloc québécois parce qu'ils boudent un PLC dans lequel ils ne reconnaissent pas.
Les handicaps à surmonter sont par contre de taille. Le professeur Ignatieff a une envergure intellectuelle indiscutable, mais il est aussi excitant que regarder tomber la pluie un jour triste de novembre et son taux de notoriété est encore à zéro. Il doit aussi faire oublier les côtés sombres de l'héritage libéral et convaincre que les choses seraient différentes sous un gouvernement qu'il dirigerait. Il lui faut en plus replatrer un parti qui s'est déchiré autour de l'affrontement Chrétien-Martin.
Il devra rétablir les ponts avec le PLQ de Jean Charest, dont plusieurs dirigeants ont appuyé les conservateurs en janvier dernier. Il n'a même pas encore pu établir un premier contact avec le premier ministre du Québec. La commande est grosse et il n'aura que quelques mois pour la remplir avant des élections, s'il est d'abord choisi chef du PLC, évidemment. Mais entre un Stéphane Dion et un Michael Ignatieff, le choix est vite fait pour les Québécois!


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