Le mythe de l'anglais intensif

Peut-on prendre le temps de se demander si ça répond aux besoins réels?

Tribune libre


Pendant que plusieurs écoles ont déjà tout mis en œuvre pour offrir l'anglais intensif pour tous les élèves de sixième année dès l'automne 2013, certaines informations circulent à l’effet que la ministre de l’éducation envisage maintenant d’adopter un nouvel objectif, à savoir que tous les jeunes Québécois terminent leurs études secondaires en pouvant s’exprimer facilement en anglais.
En effet, même si Marie Malavoy n'a toujours pas officiellement fait connaître ses orientations concernant l'apprentissage de l'anglais, des acteurs du milieu de l'éducation ont récemment été consultés sur ce nouvel objectif, qui pourrait aussi modifier l'enseignement de l'anglais dans les écoles secondaires.
Au cabinet de la ministre, l'attaché de presse Mathieu LeBlanc n'a pas voulu commenter ces informations. «Je ne confirme ni n'infirme rien. Une annonce sera faite très bientôt à ce sujet», s'est-il contenté d'affirmer.
Et, pendant ce temps, sept nouvelles écoles primaires ont décidé d'aller de l'avant pour la rentrée dans la seule région de Québec. Il s'agit des écoles de Château-d'Eau, de l'Aventure, de la Chaumière, de l'Escabelle, du Val-Joli, Jules-Émond et Saint-Claude. Parmi elles, certaines ont décidé d'opter pour la formule moitié-moitié (une demi-année consacrée à l'anglais intensif et l'autre demi-année consacrée aux matières de bases), alors que d'autres écoles ont choisi une formule réduite où seulement le tiers de l'année est consacré à l'anglais intensif.
Puisque sept autres écoles offrent déjà l'anglais intensif cette année, la commission scolaire de la Capitale comptera donc à la rentrée 14 écoles primaires qui offriront le programme. Pour préparer le terrain, certaines écoles ont aussi modifié cette année la grille-matière des élèves de cinquième année, afin d'y inclure des apprentissages de sixième année, puisque l'année scolaire suivante sera compressée.
De son côté, la Fédération des commissions scolaires (FCSQ) a encouragé les écoles qui le souhaitent à aller de l'avant, puisque les sommes prévues pour l'implantation de l'anglais intensif sont au rendez-vous, explique sa porte-parole, Caroline Lemieux.
On se souvient que l'ancien gouvernement libéral avait décrété que tous les élèves de sixième année devaient avoir accès à un programme d'anglais intensif d'ici 2015-2016, ce qui avait soulevé un tollé de critiques dans l’ensemble du réseau scolaire. Pour sa part, le gouvernement Marois n'entendrait plus imposer l'anglais intensif en sixième année «mur à mur», mais pourrait plutôt exiger qu'à la fin de leur cinquième secondaire, tous les élèves puissent s'exprimer oralement «avec aisance et spontanéité», rapporte la présidente de la Fédération des syndicats de l'enseignement (FSE-CSQ), Manon Bernard. Une orientation qui est loin de plaire à la FSE, qui demande plutôt à la ministre de mettre un «frein immédiat» à l'implantation de l'anglais intensif en sixième année et à toute nouvelle cible concernant l'apprentissage de la langue de Shakespeare. Quant aux syndicats d’enseignants, ils demandent au Ministère de prendre le temps de bien étudier la situation avant d'aller de l'avant avec un nouvel objectif national.
«On est passé du "mur à mur" au n'importe quoi, lance Mme Bernard. On n'est pas contre l'apprentissage de l'anglais. Mais on pense qu'avant de décider quoi que ce soit, une analyse s'impose. Est-ce qu'on peut prendre le temps de se demander si ça répond aux besoins réels?»
Telle est, à mon sens, la question cruciale. En réalité, quelles sont les raisons fondamentales pour lesquelles le gouvernement québécois persistent à s’engouffrer dans le mythe de l’anglais intensif sans « se demander si ça répond aux besoins réels »? Les véritables besoins de nos écoles primaires et secondaires ne sont-ils pas d’accorder toute l’importance nécessaire aux matières de base, en particulier à l’enseignement de la langue maternelle qui souffre déjà de lacunes marquantes lorsque nos jeunes arrivent à l’université?
À mon avis, les gouvernements doivent se défaire de ce mythe malsain aux odeurs de petite politique colonialiste et s’attaquer en priorité à l’apprentissage en profondeur du français tout en accordant une juste place à l’enseignement progressif de la langue seconde du primaire au secondaire.
Henri Marineau
Québec

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Né dans le quartier Limoilou de Québec en 1947, Henri Marineau fait ses études classiques à l’Externat Classique Saint-Jean-Eudes entre 1959 et 1968. Il s’inscrit par la suite en linguistique à l’Université Laval où il obtient son baccalauréat et son diplôme de l’École Normale Supérieure en 1972. Cette année-là, il entre au Collège des Jésuites de Québec à titre de professeur de français et participe activement à la mise sur pied du Collège Saint-Charles-Garnier en 1984. Depuis lors, en plus de ses charges d’enseignement, M. Marineau occupe divers postes de responsabilités au sein de l’équipe du Collège Saint-Charles-Garnier entre autres, ceux de responsables des élèves, de directeur des services pédagogiques et de directeur général. Après une carrière de trente-et-un ans dans le monde de l’éducation, M. Marineau prend sa retraite en juin 2003. À partir de ce moment-là, il arpente la route des écritures qui le conduira sur des chemins aussi variés que la biographie, le roman, la satire, le théâtre, le conte, la poésie et la chronique. Pour en connaître davantage sur ses écrits, vous pouvez consulter son site personnel au www.henrimarineau.com




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3 commentaires

  • Alain Maronani Répondre

    2 mars 2013

    @sylvain tremblay
    Il n'est pas question de demander une réciprocité au ROC, ceci n'existera jamais, c'est le mythe du pays bilingue.
    Si je compare avec la Suisse, que je connais bien, cantons francophones, alémaniques, etc, on peut y constater que pour fonctionner, travailler, chez Nestlé par exemple, canton francophone, ou chez l'un des géants de la chimie ou de l'industrie pharmaceutique, canton alémanique, vous avez besoin de parler allemand et anglais...surtout l'anglais en fait.
    Nous avons besoin de l'anglais pour fonctionner en Amérique du Nord (nous déplacer, communiquer, vendre, acheter, etc...). C'est un fait indépassable.
    Ceci n'empêche pas en même temps d'avoir un état dont la langue commune est le francais mais dont la langue de travail, hors PME et entreprises locales, va probablement être l'anglais, pour toutes les communications hors de l'espace francophone.
    L'opinion de Jacques Parizeau n'est pas différente...
    L'apprentissage d'une langue étrangère est plus facile pour les enfants en bas âge, les études ont été faites, déjà.
    Le problème est surtout la solidité de la langue commune de référence, le francais, ici au Québec.
    Si on regarde les pays nordiques , Suède, Finlande, Norvège ou la Hollande, on peut y constater qu'un nombre très important de locuteurs maîtrisent l'anglais en sus de leur langue nationale. L'étude de l'anglais est entreprise très tôt dans le cursus scolaire...

  • Tremblay Sylvain Répondre

    1 mars 2013

    J'étendrais la question très pertinente de m. Fortin à tous les anglophones du Canada. Pourquoi nous rabaissons nous tout le temps sans que jamais il n'y ait de contrepartie anglophone, québecoise ou canadienne, à ce que nous nous imposons? Parce que l'assimilation ne s'exerce que d'un côté. À ce jeu là, nous sommes constamment perdants et ça conduira à notre disparition éventuelle.
    Mon expérience de l'apprentissage de l'anglais est négative. Torsion indue de la langue dans la bouche, accent mitoyen entre l'anglais britannique et américain à respecter versus notre propre accent régional dans notre langue, tests verbaux évalués suivant des critères complètement étrangers à notre manière propre de s'exprimer - autremnt dit, parler comme un vrai anglais ou américain, un point c'est tout. Hors de celà, on n'est que des bons à rien qui ne s'exprimeront jamais en anglais correctement.
    C'est face à ces mauvaises expériences que les enfants feront face, une langue de bourreaux, qu'ils penseront. Et ils tenteront par tous les moyens de l'effacer de leur vie, à l'avenir. À l'autre extrémité, d'autres plus aptes à assimiler cette langue se penseront privilégiés et l'exploiteront à leur avantage.
    De la manière dont ce programme a été annoncé, sans aucun préalable, il est évident que c'est une autre mesure de plus d'extinction de la langue française au Canada, au Québec en particulier - quoi de mieux que le gouvernement lui-même pour se salir les mains! Faire la tâche hors de portée du gouvernement canadien et des groupes de pression anglophones, tous voués à cette grande destinée de l'universalité de la langue anglaise, implantable partout, comme des piquants, de la mauvaise herbe qui pousse partout.
    Il n'y a jamais de contrepartie au Canada, dans les autres provinces et territoires, pour les concessions que nous faisons à l'anglais. Je pense que le gouvernement devrait abolir tout simplement ce programme, et se prévaloir d'une politique de contrebalancement canadien alterprovincial avant de faire toute autre concession à la langue anglaise. Toujours demander plus d'eux, en fait, car le débalancement linguistique est extrêmement grand, ce ne peut être du donnant donnant. Pour une petite concession que nous ferions, ils devraient en faire une très grande. Tant que nous faisons partie du Canada, nous devons jouer avec ce rapport de force que nous avons, seuls porteurs de la langue française. À défaut, c'est de l'assimilation pure et simple à une langue étrangère à notre pays.

  • Oscar Fortin Répondre

    1 mars 2013

    Exige-t-on de tous les étudiants anglophones du Québec qu'ils aient une session intensive d'apprentissage du français en sixième année et qu'à la fin de leur secondaire, qu'ils parlent tous français?