Stéphane Hessel (1917-2013)

La confiance dans l'évolution

"Sa capacité d'indignation était sans limites" François Hollande

Tribune libre

Stéphane Hessel, l'auteur du manifeste vendu à des millions d'exemplaires à travers le monde Indignez-vous!, est mort mercredi le 27 février à l'âge de 95 ans. Cet ex-diplomate français et survivant de la Seconde Guerre mondiale considéré comme le «père» du mouvement Occupons aura mis en pratique ce qu'il prêchait jusqu'à son dernier souffle.
Né le 20 octobre 1917 à Berlin, arrivé en France à 7 ans, Stéphane Hessel était le fils de Franz et Helen Hessel, née Grund, qui inspireront, avec l'écrivain Henri-Pierre Roché, le trio Jules et Jim porté à l'écran par le cinéaste français François Truffaut.
Naturalisé en 1937, reçu à l'école d'élite française Normale Supérieure en 1939, Stéphane Hessel, qui parlait allemand, français et anglais, représentait l'incarnation de l'intellectuel européen.
Mobilisé en 1939, fait prisonnier, il s'était évadé et avait rejoint le général De Gaulle à Londres. Envoyé en France en 1944, il avait été arrêté et déporté à Buchenwald, où il avait maquillé son identité pour échapper à la mort. Après une nouvelle évasion, il avait réussi à rallier les troupes américaines pour arriver à Paris en mai 1945.
À la Libération, il avait rejoint le secrétariat général de l'ONU, participé en tant que secrétaire à la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l'Homme et avait entamé une carrière de diplomate qui allait le conduire au Vietnam et à Alger.
Élevé à la dignité d'ambassadeur de France par François Mitterrand en 1981, Stéphane Hessel avait alors milité pour les immigrés sans-papiers et pour les Palestiniens, ce qui lui avait valu les vives critiques des associations juives.
«Je tire de mon "vieil âge" la confiance dans l'évolution, peut-être trop lente, peut-être quelquefois décevante, mais toujours possible», avait confié le corédacteur de la Déclaration universelle des droits de l'homme, en entrevue au Soleil en décembre 2011.
Avec humilité, Stéphane Hessel refusait cependant catégoriquement de s'attribuer la paternité du mouvement. Il répétait que son livret était simplement arrivé au bon moment alors qu'il s'adressait en premier lieu à ses compatriotes «léthargiques» afin qu'ils cessent de s'attarder à leur nombril et qu'ils endossent des causes plus nobles.
À la retraite depuis 1983, Stéphane Hessel avait poursuivi son combat contre les injustices par des publications de manifestes et appels, à commencer par le célèbre Indignez-vous! en octobre 2010.
Cet opuscule de 32 pages, appelant à une «insurrection pacifique», a été vendu à quelque 4,5 millions d'exemplaires dans 35 pays. Il a accompagné les soulèvements populaires contre les régimes dictatoriaux arabes. En Occident, le terme d'«indignés» a été repris par des manifestants en France, Espagne, Grèce, et jusqu'à New York où il a inspiré le mouvement Occupy Wall Street.
Interrogé en mars 2012 par l'AFP, Stéphane Hessel disait «s'étonner» encore de ce succès en ajoutant: «Cela s'explique par un moment historique. Les sociétés sont perdues, se demandent comment faire pour s'en sortir et cherchent un sens à l'aventure humaine».
En 2011, l'intellectuel avait récidivé en publiant Engagez-vous! un livre d'entretiens ainsi qu'un appel contre l'arme atomique dans Exigez! Un désarmement nucléaire total. Et l'an dernier, il avait sorti en France Déclarons la Paix! Pour un progrès de l'esprit, reprenant des entretiens avec le dalaï lama.
En France, plusieurs personnalités ont salué sa mémoire. «Sa capacité d'indignation était sans limites, sauf celle de sa propre vie. Au moment où celle-ci s'achève, il nous laisse une leçon, celle de ne se résigner à aucune injustice», a réagi le président François Hollande dans un communiqué. Quant au maire de Paris, Bertrand Delanoë, il a notamment rendu hommage à «l'humaniste authentique, le résistant indomptable et le penseur généreux» qui «manqueront terriblement à notre pays».
À Bruxelles, le président du Parlement européen, Martin Schulz, a salué dans un tweet «le grand Européen, toujours engagé, jamais satisfait, mû par un esprit de combat et de liberté».
Henri Marineau
Québec

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Né dans le quartier Limoilou de Québec en 1947, Henri Marineau fait ses études classiques à l’Externat Classique Saint-Jean-Eudes entre 1959 et 1968. Il s’inscrit par la suite en linguistique à l’Université Laval où il obtient son baccalauréat et son diplôme de l’École Normale Supérieure en 1972. Cette année-là, il entre au Collège des Jésuites de Québec à titre de professeur de français et participe activement à la mise sur pied du Collège Saint-Charles-Garnier en 1984. Depuis lors, en plus de ses charges d’enseignement, M. Marineau occupe divers postes de responsabilités au sein de l’équipe du Collège Saint-Charles-Garnier entre autres, ceux de responsables des élèves, de directeur des services pédagogiques et de directeur général. Après une carrière de trente-et-un ans dans le monde de l’éducation, M. Marineau prend sa retraite en juin 2003. À partir de ce moment-là, il arpente la route des écritures qui le conduira sur des chemins aussi variés que la biographie, le roman, la satire, le théâtre, le conte, la poésie et la chronique. Pour en connaître davantage sur ses écrits, vous pouvez consulter son site personnel au www.henrimarineau.com





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1 commentaire

  • Alain Maronani Répondre

    1 mars 2013

    Il était la quintessence de l'intellectuel européen, polyglotte, multi-culturel, devenu grand commis de l'état, un grand patriote, très éloigné d'un nationalisme chauvin style Front National en France.
    D'origine juive, de nationalité allemande à l'origine, son père s'était converti au luthérisme, il a toujours défendu les palestiniens, leur droit à la terre, à une patrie...ainsi que toutes les luttes anti-colonialistes..
    Ce n'est pas dans sa bouche ou sous sa plume que l'on aurait pu trouver des expressions telles que "complot anglo-sioniste", par exemple...
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Stephane_Hessel
    J'ai voulu voir ce que l'on disait de lui ailleurs....
    Extrait du journal "Jerusalem Post"
    "Hessel was born in Berlin during World War I. His father was an intellectual whose parents had converted from Judaism to Lutheranism, and his mother was also a Protestant (some say with deep anti-Semitic roots)....
    But what is certain, all the newspapers and television channels emphasized, is that Hessel’s anti-Zionism was very strong.
    His wife, Christiane Hessel-Chabry, went a step further and openly supported Hamas and its methods. The couple had visited the Gaza Strip."
    Indécrotable...visiter une prison a ciel ouvert est en effet un acte insupportable...