Le monde entier bascule dans la récession

Le FMI prévoit que les économies des États-Unis, de la zone euro et du Japon se contracteront en 2009

Crise mondiale — crise financière



Shields, Alexandre - Certains croyaient encore pouvoir l'éviter, mais la chose semble malheureusement se confirmer. Le monde entier bascule dans la récession, a averti hier le Fonds monétaire international, qui prévoit que les économies des États-Unis, de la zone euro et du Japon se contracteront en 2009 dans le cadre du premier déclin des économies développées sur une année depuis la Seconde Guerre mondiale. Le Canada devrait toutefois, si tout va bien, s'en tirer sans trop de dommages.
Empêtrée dans une sévère crise, l'économie américaine devrait se contracter de 0,7 % l'an prochain, selon le Fonds monétaire international (FMI), qui tablait encore le mois dernier sur une croissance de 0,1 % en 2009 aux États-Unis. Quant à la zone euro, qui regroupe 15 pays, elle devrait connaître globalement une contraction de 0,5 % et non une croissance de 0,2 % comme l'avait pronostiquée précédemment le Fonds. Pour l'ensemble des pays développés, la contraction est de l'ordre de 0,3 %. Début octobre, l'institution basée à Washington prévoyait pourtant 0,5 % de croissance dans ces États.
«L'économie américaine va souffrir, les ménages réagissant à la perte de valeur des actifs immobiliers et financiers et à un contexte financier de plus en plus difficile. La croissance dans la zone euro va être durement atteinte par ce contexte financier et une confiance en chute», résume le Fonds. On estime en outre que «les perspectives économiques sont toujours exceptionnellement incertaines» et qu'«il y a de nombreuses raisons de rester inquiet sur l'impact potentiel sur l'activité de la crise financière». Il faudra d'ailleurs attendre la fin de l'année prochaine pour assister à un début de reprise, dans le meilleur des cas.
Le FMI a donc revu à la baisse ses prévisions de croissance en raison de la dégradation notable de la conjoncture. «Les perspectives pour la croissance mondiale se sont détériorées sur les derniers mois, le mouvement de désendettement du secteur financier s'étant poursuivi et la confiance des producteurs et consommateurs ayant chuté», a-t-on expliqué hier pour justifier cette mise à jour des «perspectives économiques mondiales».
Dans les pays en développement, le FMI prévoit une croissance de 5,1 % en 2009, en recul par rapport aux 6,1 % prévus il y a un mois. La Chine devrait rester l'un des moteurs de la croissance de la planète, avec +8,5 %. Ce sont en effet ces États qui pousseront l'économie mondiale à croître de 2,2 % en 2009, un taux en baisse par rapport à sa précédente projection de 3 % publiée le mois dernier.
Le Canada s'en tire?
Bonne nouvelle dans cette grisaille ambiante, le Canada pourrait bien être le seul pays développé à se tirer d'affaire, puisque les nouvelles prévisions du FMI tablent sur une croissance de 0,3 % pour 2009 et de 0,6 % pour 2008. Le mois dernier, les prévisions pour le Canada étaient toutefois de 1,2 % pour 2009 et de 0,7 % pour l'année en cours.
Selon le vice-président et économiste en chef de Mouvement Desjardins, François Dupuis, nous ne sommes toutefois pas «immunisés» contre une récession, surtout si cette crise «atypique» prenait de l'ampleur et tendait à se prolonger. Le Canada a toutefois quelques atouts, dont des finances publiques assainies (ce qui lui donnerait la marge de manoeuvre nécessaire pour mettre en place des mesures de relance au besoin), un marché du travail toujours solide et des institutions financières bien capitalisées. Qui plus est, nous n'avons pas connu, jusqu'à présent, de crise immobilière ou du crédit, contrairement à nos voisins américains.
Il faudra néanmoins surveiller les nouvelles données sur le chômage qui doivent être rendues publiques aujourd'hui, a-t-il précisé hier. Plusieurs économistes s'attendent à ce que ces statistiques révèlent les faiblesses du marché de l'emploi et une augmentation du chômage.
Le premier ministre Stephen Harper s'est pour sa part voulu rassurant hier en rappelant que le pays fournit un bel exemple d'un cadre réglementaire sain et équilibré et qui fonctionne plutôt bien. «Nous ne prétendons pas avoir évité tous les problèmes de la crise financière [...] mais ils ont été beaucoup plus limités [au Canada], beaucoup mieux contrôlés en raison de la prudence de notre système de réglementation, que nous avons amélioré et que nous nous engageons à améliorer encore», a-t-il dit après avoir rencontré des économistes et banquiers du secteur privé à Toronto en préparation du sommet du G20.
Mesures de relance
Le Fonds monétaire international a en outre invité les gouvernements à adopter des plans de relance pour contrer le ralentissement économique et les banques centrales de «certains pays» à continuer à réduire leurs taux d'intérêt. L'élaboration de plans de stimulation de l'économie «devrait être une des premières priorités des gouvernements à ce stade», estime d'ailleurs Olivier Blanchard, chef économiste de l'institution financière.
«Une action mondiale pour soutenir les marchés financiers et fournir une relance supplémentaire et une détente monétaire peut aider à limiter la baisse de la croissance mondiale», a aussi insisté le FMI. Interrogé sur le nom des pays pour lesquels un plan de relance serait nécessaire, un économiste du Fonds, Jörg Decressin, a cité les États-Unis, «l'Europe et en particulier l'Allemagne», ainsi que la Chine.
L'appel de l'institution basée dans la capitale américaine est survenu alors que la Banque centrale européenne a annoncé une baisse d'un demi-point de ses taux directeurs, à 3,25 %, une diminution qui paraît bien pâle comparée à celle décidée par son homologue britannique. «Je ne peux pas exclure que nous réduisions à nouveau les taux», a toutefois déclaré son président, Jean-Claude Trichet, au cours d'une conférence de presse. L'ampleur de la baisse dépendra notamment des nouvelles à venir sur la santé de l'économie. Il s'agissait tout de même de la deuxième baisse en l'espace d'un mois après l'action concertée du 8 octobre.
La Banque d'Angleterre a frappé nettement plus fort, en diminuant son principal taux d'un point et demi à 3 %, le ramenant à son plus bas niveau depuis environ un demi-siècle. Une baisse d'une telle ampleur n'avait pas eu lieu depuis 1981, alors que le Royaume-Uni était plongé dans une grave récession durant les premières années du gouvernement de Margaret Thatcher.
Parallèlement, l'horizon pour l'économie est sombre et l'intensification de la crise financière fait toujours peser «des incertitudes extraordinairement élevées» sur la croissance de la zone euro et du monde entier, a dit M. Trichet. La demande est appelée à ralentir pendant une «période plutôt prolongée», a-t-il souligné. Même s'il ne voit pas de pénurie du crédit «pour le moment» en zone euro, les tensions se sont intensifiées depuis l'effondrement de la banque d'affaires Lehman Brothers.
Toujours sur le Vieux Continent, les 27 chefs d'État et de gouvernement de l'Union européenne ont rendez-vous aujourd'hui à Bruxelles pour définir une position commune sur la réforme du système financier international, qui sera au coeur du sommet du G20 à Washington le 15 novembre prochain. La présidence française de l'UE plaide également pour un rôle accru du FMI qui, fort de moyens, d'une légitimité et de pouvoirs renforcés, pourrait jouer un rôle de vigie et de contrôle du système financier mondial, voire de la politique de taux de change.


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