Le libre-échange avec l’UE pourrait accuser du retard, craint Charest

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L'accord pourrait même finir par avorter

La conclusion des négociations de libre-échange entre le Canada et l’Europe accuse un peu de retard, rapporte Jean Charest. L’éventuelle ratification et l’entrée en vigueur d’une entente ne se feront, ainsi, pas avant le début de 2015, mais pourraient être plus compliquées encore si l’enjeu fait l’objet d’un débat politique en Europe.

L’entente de principe annoncée en octobre par le Canada et l’Union européenne comprenait encore quelques questions non résolues. On espérait être parvenus à un accord sur l’ensemble des questions pour le mois de février, a rappelé, lundi, dans un hôtel du centre-ville de Montréal, l’ancien premier ministre québécois devant les quelque 250 gens d’affaires venus assister à un événement de deux jours consacré au projet d’Accord économique et commercial global Canada-Union européenne (AECG) et organisé par la Chambre de commerce française au Canada. Or, les négociations butent toujours sur la question des services financiers, des investissements, des règles d’origine, des brevets pharmaceutiques et autres protections de la propriété intellectuelle, de même que sur les questions agricoles, comme le rythme d’entrée en vigueur des nouveaux droits d’importation de fromages européens et le fonctionnement des mécanismes de compensation destinés aux producteurs canadiens.

On espère maintenant que toutes ces questions seront réglées quelque part ce printemps, afin que de premières versions juridiques (en français et en anglais) de l’entente complète soient prêtes en juillet, a expliqué Jean Charest, qui a rappelé avoir été l’un des instigateurs de ce projet de traité de nouvelle génération en 2007. Ensuite, il faudra traduire ces textes juridiques dans les 21 autres langues officielles de l’Union européenne (UE), ce qui devrait nécessiter de six à huit mois de plus. Ce n’est qu’après ce travail, soit « pas avant la première partie de 2015 », qu’un éventuel traité pourrait être soumis aux élus des deux côtés de l’Atlantique en vue de sa ratification.

Sautes d’humeur

Il ne devrait pas être trop difficile d’obtenir le feu vert des parlements canadien et provinciaux, estime Jean Charest, qui est aujourd’hui associé au sein de la firme d’avocats McCarthy Tétrault. « Ici, du côté canadien, c’est relativement simple. À notre grand étonnement, la totalité des provinces est d’accord. »

Mais l’affaire pourrait être plus compliquée en Europe, a-t-il expliqué. Négocié par la Commission européenne, qui agit, depuis Bruxelles, comme pouvoir exécutif de l’Union européenne, l’éventuel traité devra d’abord être accepté par les gouvernements des 28 pays membres, avant d’être soumis, pour la première fois en vertu de nouvelles règles européennes, au vote des députés du Parlement européen basé à Strasbourg. La Commission européenne ne croit pas, par ailleurs, qu’on devra aussi aller devant les parlements nationaux de chaque pays.

On ne sait pas comment l’AECG serait reçu par les membres du Parlement européen qui retourneront devant les électeurs au mois de mai, a commenté Jean Charest. Ce que l’on sait, dit-il, c’est que l’humeur en Europe, ces temps-ci, est plutôt au repli sur soi. « Les élections en France sont un reflet du sentiment que nous retrouvons en Europe, avec une poussée vers la droite. C’est une chose que nous surveillons de très près », a-t-il dit des élections municipales françaises, dont c’était le premier tour ce week-end et où les candidats d’extrême droite du Front national ont fait une grande avancée.

Le mot d’ordre que se sont donné les négociateurs et les gouvernements dans ce contexte est d’aller le plus vite possible dans la conclusion et la ratification d’une entente. « Plus long est le processus, plus grand est le risque d’imprévus. »

Une réponse à la Chine

De ce point de vue, les partisans de l’AECG sont relativement bien servis par le contexte international, a estimé l’ancien chef libéral qui ne s’est permis que quelques petites allusions amusées aux élections québécoises en cours et qui a ensuite fui les questions des journalistes par la porte des cuisines. Il a admis que les autorités européennes pourraient décider de remettre à plus tard la conclusion de leurs discussions avec le Canada en attendant la conclusion d’autres négociations mises en branle avec les États-Unis. Il pense toutefois qu’on préférera faire le contraire, afin de pouvoir s’appuyer sur le précédent canado-européen face aux Américains.

La montée en force de la Chine constitue aussi, selon lui, une puissante incitation, pour les économies occidentales, à ne pas laisser à d’autres le soin de fixer les futures normes commerciales internationales.

L’extrême tension entre la Russie et l’Ukraine, et le risque qu’elle fait notamment peser sur l’approvisionnement en gaz naturel de l’Europe de l’Ouest, n’est qu’une raison de plus de resserrer les liens transatlantiques.

Considéré comme le projet de traité commercial le plus ambitieux entrepris par le Canada, l’AECG porte sur un vaste ensemble d’enjeux, dont le commerce des biens et services, la coopération réglementaire, les contrats publics, l’agriculture, la protection des investisseurs et la mobilité de la main-d’oeuvre. L’entente de principe, annoncée en octobre, était venue après quatre ans et demi de négociations.
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«Pure spéculation»

Dans le cas d’une sécession, le Québec devrait obtenir l’accord du Canada et de l’Union européenne pour demeurer dans leur éventuel traité de libre-échange, dit Pierre Marc Johnson.
« On est dans la pure spéculation, mais cette participation n’aurait rien d’automatique », a expliqué lundi le négociateur en chef pour le Québec dans le cadre du projet d’Accord économique et commercial global Canada-Union européenne (AECG) aux journalistes qui l’ont interrogé sur le sujet en marge d’un événement organisé à Montréal par la Chambre de commerce française au Canada.
Comme l’ont récemment rappelé les autorités européennes aux indépendantistes écossais, « les règles, en la matière, sont que l’adhésion à un traité présuppose le consentement de ses États membres », a expliqué l’ancien premier ministre québécois. « Il s’agirait, dans le cas qui nous occupe, du Canada et de l’Union européenne, dont la décision pourrait dépendre de différents facteurs politiques et économiques. »


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