PERSPECTIVES

Le spectre économique du Québec à l’Écosse

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L’épouvantail économique? «Ça pogne pu.»

Les grands rendez-vous électoraux soulèvent toutes sortes d’arguments économiques parfois très impressionnants, mais qui ne sont pas toujours fondés même s’ils se répètent.
On peut reconnaître une campagne électorale qui s’échauffe au fait qu’on y brandit de plus en plus ostensiblement le spectre de catastrophes économiques. L’Écosse en offre, depuis quelques semaines, un bon exemple alors qu’approche le référendum sur son indépendance prévu le 18 septembre.

On a vu une première fois sortir l’artillerie lourde contre les indépendantistes écossais, il y a deux semaines, lorsque les principaux partis politiques à la Chambre des communes à Londres ont exceptionnellement uni leurs voix pour rejeter d’avance l’idée d’une union monétaire avec une éventuelle Écosse indépendante.

Un autre pavé a été lancé dans la mare économique, peu de jours après, de Bruxelles cette fois, où le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a affirmé qu’il serait « extrêmement difficile, voire impossible », pour une Écosse indépendante d’adhérer à l’Union européenne.

Ces deux sorties publiques ont libéré, semble-t-il, des chefs de grandes entreprises du devoir de réserve qu’ils s’étaient imposé jusque-là. Jeudi, l’une des plus importantes et des plus anciennes institutions financières d’Écosse, la Standard Life, a fait savoir qu’elle envisageait la possibilité de déménager au moins une partie de ses activités en cas de victoire du Oui au référendum. Basée en Écosse depuis sa fondation, il y a 189 ans, l’entreprise, pour laquelle travaillent 5000 Écossais, a dit ne pas pouvoir se permettre de rester dans un pays qui ne pourrait pas compter sur une devise et une banque centrale fortes ou dont les normes réglementaires et fiscales ne seraient pas aussi accommodantes que celles du Royaume-Uni, elle qui ne compte que 6 % de ses clients en Écosse contre presque la moitié dans le reste du pays.

Cette annonce n’a pas manqué de produire son effet sur les Écossais, dont l’industrie financière est le deuxième secteur économique en importance après celui du pétrole de la mer du Nord, avec 13 % du PIB.

Déjà vu

Ces histoires de peur ne sont pas sans rappeler des arguments utilisés contre un autre mouvement indépendantiste, québécois celui-là.

On pense, entre autres, au départ tonitruant pour Toronto, non pas de la Standard Life, mais de la Sun Life au lendemain de l’élection du premier gouvernement souverainiste du Parti québécois. À Montréal depuis plus d’une centaine d’années, la compagnie d’assurances avait attribué sa décision aux dangers que lui faisaient courir les projets de référendum et de loi sur la promotion du français. « L’exemple du Québec montre comment les menaces d’exode d’entreprises doivent être prises au sérieux », écrivait hier le chroniqueur du Globe and Mail, Eric Reguly, lui qui a graduellement été abandonné par la suite par plusieurs autres banques, au point de faire perdre à Montréal son statut de capitale financière canadienne au profit de Toronto.

Le déménagement de plusieurs centres décisionnels financiers de la rue Saint-Jacques vers Bay Street semble difficilement contestable. Mais attribuer ce phénomène principalement à la montée de la mouvance souverainiste, c’est aller un peu vite en affaire. Après tout, le début de l’affirmation de Toronto comme capitale financière canadienne avait commencé bien avant l’élection de René Lévesque, et la tendance à la concentration dans le secteur de la finance ne s’observe pas seulement au Canada, mais à la grandeur de la planète, où il ne reste plus guère que New York, Londres et Tokyo qui comptent vraiment.

Nuances et mesure

On aurait aussi envie de faire remarquer que ceux qui ont quitté le Québec ont été en partie remplacés par d’autres qui ne s’en tirent pas si mal après tout.

Plusieurs des plus gros d’entre eux ont dévoilé récemment des résultats financiers tout à fait remarquables compte tenu du contexte économique, faisait remarquer cette semaine Gérard Bérubé dans LeDevoir. Il citait entre autres le cas de la Banque Nationale qui affiche, en ce début d’année, une rentabilité en hausse après des résultats records en 2013. Institution à part dans le monde de la finance canadienne, le Mouvement Desjardins rapportait, mercredi, des bénéfices annuels de plus de 1,5 milliard sur un actif de 212 milliards.

Bébitte non moins étrange dans le secteur financier, le Fonds de solidarité FTQ a bouclé son dernier exercice annuel avec un rendement honnête — compte tenu de sa mission plus contraignante — de 7,4 % pour un actif de 10 milliards. Quant à la Caisse de dépôt, elle a affiché un rendement de 13,1 % et porté son actif net au-dessus des 200 milliards.

Cela permet de nous rappeler que, s’il est vrai, comme l’a dit un jour un organisateur de l’ex-président démocrate américain Bill Clinton, que tout ce qui compte en élections, « c’est l’économie, stupide », il est important aussi d’essayer de garder les choses dans leurs justes proportions.

L’agence de notation Standard Poor’s en a donné un exemple le même jour que Standard Life a menacé de quitter l’Écosse. Cette dernière aura du mal à conserver la note triple A si elle déclare son indépendance sans union monétaire avec le Royaume-Uni ou la zone euro, a prévenu l’agence à son tour. D’un autre côté, ajoutait-elle, « il n’y a pas de raison » pour qu’une économie « aussi riche et diversifiée […] ne soit pas capable de mettre en place sa propre devise » et de continuer de figurer parmi les économies les mieux considérées.


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