Texte publié dans Le Devoir du mercredi 10 mars 2011 sous le titre "Le français intensif en 6e année"
LE FRANÇAIS INTENSIF EN 6È ANNÉE
Francine Allard
_ jadis enseignante puis écrivaine
Mon aînée est allée tout un été à l’Université de Charlottetown pour apprendre l’anglais. Elle est bilingue. Mes deux plus jeunes ont eu la chance de faire une sixième année intensive en anglais. Ils sont bilingues
Ce que j’ai observé n’était pas relatif à l’enseignement de l’anglais en tant que tel, mais relatif au dynamisme des enseignants, au contenu des cours de conversation anglaise passant par le théâtre, les tongue twisters, les jeux, les poèmes, les chansons. Cela avait rapport avec la pédagogie active qui devrait être offerte en tout temps, en français aussi.
Mes enfants faisaient partie d’un groupe de trente élèves choisis auxquels on offrait le plaisir d’apprendre. Tout le monde, même le concierge, parlait en anglais. Une question d’enthousiasme. Les élèves avaient l’impression de vivre dans un jeu vidéo. De la musique, des gestes, des rires, du bouillonnement pédagogique qu’ils retrouvaient seulement en 6è année anglais intensif habilement nommé le CIA. Parce que c’était un projet éducatif particulier. Les autres sixièmes années les regardaient eux, «les anglais», comme des enfants chanceux qui avaient l’air de joyeuses bibittes, qui avaient comme but ultime d’aller converser avec de jeunes Américains lors du fameux voyage à Boston.
La situation a changé. L’enthousiasme a fui les classes. Les angoisses familiales ont envahi la vie des enfants. Et on leur offre l’anglais intensif alors qu’ils ne connaissent pas encore le français. Et si on leur proposait la 6è année en FRANÇAIS intensif avec des cours de conversation française en passant par la même impression qu’ils vivent un projet du coeur, de l’âme et de l’esprit. Des cours intensifs en français pour leur donner le goût de bien parler, de lire de beaux textes, d’apprendre des fables par coeur, de jouer au théâtre durant la moitié de l’année. Puis, la seconde moitié, on leur offrirait les sciences, l’anglais, les mathématiques, et tout le reste. Ils comprendraient mieux, réaliseraient de meilleurs travaux, et seraient mieux préparés pour le secondaire.
Dans une dizaine d’années aurons-nous des jeunes enseignants qui connaîtraient leur langue, qui passeraient haut la main les examens d’embauche que leur imposent les commissions scolaires, qui enseigneraient avec un enthousiasme débridé, qui seraient un gage d’une nation fière de sa langue au point d’imposer aux immigrants la joie de la parler.
Et l’anglais serait vraiment une langue seconde.
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1 commentaire
Claude Richard Répondre
10 mars 2011C'est un scandale permanent qui existe depuis des dizaines d'année, qui n'est à peu près pas dénoncé et auquel on ne propose évidemment pas de solution: la qualité épouvantable du français des élèves qui sortent du secondaire québécois. Une des solutions serait celle que vous proposez, madame Allard, soit l'apprentissage intensif du français dès le cours primaire avec poursuite au secondaire. Encore faudrait-il qu'il y ait une prise de conscience suffisante et une volonté d'action qui en découlerait. Rêvons toujours!