Recensement

Le formulaire long reste obligatoire pour les agriculteurs

201 questions qui permettraient de créer des programmes d'aide, selon les conservateurs

Recensement 2011


Hélène Buzzetti Ottawa — Le gouvernement conservateur est pris dans une contradiction flagrante dans le dossier du recensement: alors qu'il abolit l'obligation de remplir le formulaire long sous prétexte qu'il est «intrusif», il menace encore de prison les agriculteurs qui ne répondent pas au recensement leur étant propre et qui compte... 201 questions.
Statistiques Canada a l'obligation, en vertu de la Loi sur la statistique de 1971, de tenir chaque 10 ans un recensement distinct pour la population agricole. Celui-ci aura lieu en 2011 en même temps que le recensement général. Il est obligatoire et, contrairement au recensement général, le restera. Les agriculteurs récalcitrants peuvent écoper d'une amende de 500 $, de trois mois de prison ou une combinaison des deux. Comme le recensement général, il compte deux versions, une longue et une courte.
Le formulaire long interroge les agriculteurs sur la forme juridique de leur exploitation, la superficie de leurs terres consacrée à chacune des cultures et les pratiques utilisées (rotation des cultures, culture sous couverture d'hiver, etc.). Ils doivent dire s'ils ont épandu du fumier l'année précédente ou eu recours à des abeilles pollinisatrices et dans l'affirmative, indiquer si elles étaient en location.
Les agriculteurs doivent révéler la valeur de leurs terres et détailler celle de tous leurs véhicules et équipements. Ils doivent indiquer tous les revenus et paiements gouvernementaux touchés. Côté dépenses, ils doivent fournir le prix de leurs engrais, semences et herbicides, les sommes versées pour les frais vétérinaires, juridiques et bancaires ainsi que pour les assurances. Ils doivent même détailler leurs frais de téléphone et d'électricité, en précisant s'ils ont accès à Internet haute vitesse. Ils doivent enfin indiquer le nombre de travailleurs à leur emploi, le nombre d'heures travaillées et le salaire versé à chacun.
Les conservateurs défendent leur décision de rendre volontaire le recensement général par le fait que celui-ci est «intrusif». «Nous avons rendu le questionnaire détaillé de 40 pages facultatif parce que le gouvernement ne doit pas menacer de poursuivre ou d'emprisonner les Canadiens afin qu'ils divulguent des renseignements confidentiels et personnels», a indiqué dimanche le porte-parole du premier ministre, Dimitri Soudas. Alors si cette logique vaut pour les Canadiens en général, pourquoi ne vaut-elle pas pour les agriculteurs en particulier?
Sur les ondes de la radio de CBC, samedi matin, le ministre de l'Industrie, Tony Clement, a expliqué que ces informations étaient nécessaires «pour aider les agriculteurs». «Ce qu'on dit aux associations d'agriculteurs c'est: "Remplissez le formulaire, cela aidera le gouvernement à vous aider et à aider vos activités agricoles."»
C'est exactement l'argumentaire servi par les différents groupes qui sont montés aux barricades ces dernières semaines pour réclamer le maintien du caractère obligatoire du recensement. Le bureau du ministre Clement n'a pas répondu à nos demandes d'explications hier.
Hier, le président de la Fédération canadienne de l'agriculture a expliqué pourquoi il était essentiel que le recensement agricole soit obligatoire. «Si vous le rendez volontaire, il y a un risque que le sondage ne soit plus statistiquement fiable», a expliqué Ron Bonnett en entrevue avec Le Devoir. «Il y a des risques que les agriculteurs qui réussissent mieux répondent davantage que ceux pour qui ça ne va pas.» Encore une fois, il s'agit du même argument servi par les défenseurs du recensement général obligatoire.
À l'Union des producteurs agricoles, on reconnaît que la logique du recensement agricole devrait s'appliquer au recensement général. «Les arguments qui militent en faveur de cela [le maintien du recensement agricole] sont exactement les mêmes que ceux que l'on entend ces jours-ci en faveur du recensement général», explique le porte-parole de l'UPA, Patrice Juneau.
Affaire de Jedi
Notons par ailleurs que Dimitri Soudas a mis en lumière le fait que lors du recensement de 2001, 21 000 Canadiens avaient déclaré être de religion «Jedi», sans doute pour illustrer que les réponses extorquées des citoyens n'étaient pas fiables. Il appert qu'il s'agissait du résultat d'une campagne pro-Jedi lancée dans les pays anglo-saxons cette année-là.
En Grande-Bretagne, 39 000 personnes avaient inscrit «Jedi» comme étant leur religion en 2001. Cette option avait été ajoutée par le bureau du recensement après une campagne publique. Un député travailliste, Jamie Reed, se déclare d'ailleurs ouvertement Jedi. Toutes proportions gardées, la Nouvelle-Zélande avait décroché la palme, avec 53 000 Jedi au recensement, ou 1,5 % de la population. En Australie, 70 000 personnes s'étaient déclarées Jedi la même année. L'Australian Board of Statistics avait cru bon transmettre une consigne officielle à cet égard, invitant à cocher «Jedi» seulement si «c'est votre système de valeurs». Le nombre de personnes se déclarant sans religion avait diminué cette année-là, laissant croire que les Jedi n'étaient que des athées ayant un bon sens de l'humour.


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