Le fiasco

L'axe des menteurs se double d'une «conjuration des imbéciles».

17. Actualité archives 2007


Des dizaines de milliers d'Irakiens sont descendus dans la rue pour souligner le renversement de Saddam Hussein survenu il y a quatre ans. En fait, ils ont usé de ce prétexte pour exprimer un ressentiment plus qu'une satisfaction. Sa nature? La présence prolongée des troupes américaines.
Après un débat parfois très vif, le président Bush a décrété au début de l'année une augmentation du nombre de soldats présents en Irak, qui est devenue effective début février lorsque le général David Petraeus a pris les commandes de la coalition. Depuis lors, on a observé un changement d'inflexion dans le cours de cette guerre que l'exécutif américain s'obstine toujours à ne pas qualifier de civile. Un changement d'inflexion, mais pas celui souhaité.
On se souviendra que, en envoyant un contingent supplémentaire à Bagdad et dans ses environs, la Maison-Blanche escomptait une réduction de l'horreur, un apaisement ne serait-ce que mince de la violence. Si cette perspective reste plausible à moyen terme, pour l'instant les signes ne sont vraiment pas encourageants. Car ce qu'on constate annonce une prolongation ou plutôt un maintien du niveau de la violence qui saigne l'Irak depuis plus de trois ans.
En effet, si on enregistre une diminution des atrocités dans la capitale, on note en revanche une hausse dans certains provinces. Selon un bilan réalisé par le Gulf Research Center, le nombre d'attentats suicides menés contre les civils a grimpé en flèche en février et en mars par rapport aux deux derniers mois de 2006. En fait, les deux derniers mois sont les plus meurtriers depuis «le pire du pire», soit août-septembre 2005.
On l'aura compris, les insurgés se sont très rapidement adaptés aux modifications apportées par Washington à son option militaire. L'objectif des rebelles est de discréditer le changement de stratégie décidé récemment. On entend pacifier Bagdad? Ils attaquent ailleurs. Ils attaquent les cibles «faibles» - les mariages, les funérailles, les marchés, les cafés - en prenant soin d'éviter les lieux placés sous haute surveillance.
Ce jeu du chat et de la souris - si on peut dire - a ceci de nouveau ou de singulier qu'il n'est pas le fait exclusif de soldats américains alliés à des Irakiens contre un front uni d'insurgés. L'évolution récente du jeu en question s'est conjuguée à la fois avec une fragmentation et une montée en puissance des milices. Expliquons-nous.
Prenons les chiites, et plus précisément l'armée du Mahdi, sur laquelle règne Moqtada al-Sadr. Au cours des derniers mois, des désaccords entre ce dernier et certains de ses lieutenants ont abouti à la formation de milices indépendantes: autrement dit, ils s'affrontent entre eux quand ils ne luttent pas contre les Américains. Du côté des sunnites, on note également un fractionnement entre les leaders tribaux et les dirigeants de la branche irakienne d'al-Qaïda, fractionnement qui bénéficierait à ces derniers. D'après les chiffres du Center for Strategic and International Studies, le nombre d'individus ayant grossi les rangs d'al-Qaïda s'est élevé à... 60 000! Soixante-mille!
Il y a quatre ans, les États-Unis, la Grande-Bretagne et l'Espagne, l'axe des menteurs, avaient claironné sur toutes les tribunes que, l'Irak regorgeant d'armes de destruction massive en plus d'être un havre de paix pour les membres d'al-Qaïda, il fallait à tout prix partir à l'assaut de Bagdad. En agissant de la sorte, on espérait mettre un terme aux agissements de la nébuleuse terroriste. Résultat? L'Irak est en proie à une guerre civile de haute intensité, les taliban et leurs complices d'al-Qaïda ont réduit la fonction d'Hamid Karzaï à celle de maire de Kaboul, et Oussama ben Laden est toujours libre. L'axe des menteurs se double d'une «conjuration des imbéciles».


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