Frais de scolarité

Le faux prétexte de la crise budgétaire

Chronique de Pierre Gouin

La première impression qui se dégage des calculs présentés par le fiscaliste Luc Godbout est, qu’au total, les propositions du gouvernement sur les frais de scolarité et sur les mesures de soutien représentent un gain pour les étudiant, par rapport à la situation actuelle, donc que les universités n’obtiendront rien de plus et que le gouvernement n’économisera rien avec la hausse des frais de scolarité. Pourquoi alors avoir créé tout ce désordre en invoquant la crise des finances publiques? Il y a au moins deux bonnes réponses à cette question. Premièrement, on réalise rapidement que les calculs de Luc Godbout ne permettent pas de conclure que les étudiants sont gagnants globalement et, deuxièmement, la crise des finances publics ne constitue qu’un faux prétexte à la hausse des frais de scolarité.
Les tableaux de Luc Godbout présentent des exemples de gains valables pour certaines catégories d’étudiants seulement. Ainsi, il n’y a pas de gain pour les étudiants qui ne se qualifient pas pour des bourses et dont le seul avantage est de pouvoir s’endetter plus lourdement afin de payer les frais de scolarité plus élevés. L’important n’est pas que 10%, 50% ou 80% des étudiants s’en tirent sans coût significatif ou avec des gains, financés par la perte de crédits d’impôt de certains contribuables. C’est déjà une perte énorme pour la société si 5% ou 10% de jeunes québécois souhaitant se doter d’un diplôme universitaire abandonnent leur projet à cause du risque associé à l’endettement. L’investissement universitaire comporte en effet un risque significatif au niveau individuel, tandis que ce risque est négligeable collectivement, ce qui justifie amplement que l’État finance cet investissement très rentable collectivement. La façon simple et relativement équitable de le financer existe déjà, c’est l’impôt sur le revenu. Les étudiants qui auront effectivement réussi à obtenir de bons revenus grâce à leur diplôme universitaire paieront des impôts en proportion de leurs revenus.
Quant à la crise des finances publiques, ce n’est rien d’autre que la crise d’avarice de québécois qui ont des revenus élevés et qui trouvent injuste de payer pour les autres, peu importe que leur situation privilégiée résulte en bonne partie du système économique et social dont ils font partie, et qui inclut, ou incluait, des services publics gratuits, des barrières à l’entrée pour les professions les mieux rémunérées, un financement des universités sans reddition de comptes, des subventions aux petites et grandes entreprises, ainsi que des marchés publics qui font vivre plusieurs de ces entreprises.
Quand le gouvernement libéral a diminué les impôts sur les revenus en assurant que cela n’aurait pas d’impact sur les services publics, nos lucides ont applaudi aveuglément, et ils applaudissent depuis à chaque fois que le gouvernement annonce des frais additionnels pour les utilisateurs de services publics, frais qui sont devenus nécessaires pour le maintien des services. Si le gouvernement est disposé à mettre plus d’argent sur la table pour régler le conflit, c’est parce que la bataille qu’il s’est engagé à livrer sur la hausse des frais de scolarité c’est celle de l’imposition définitive du principe de l’utilisateur-payeur, un principe qui mènerait à la débâcle de la solidarité sociale.


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2 commentaires

  • Pierre Gouin Répondre

    4 mai 2012

    M. Lépine,
    Nos média de masse ont convaincu la classe moyenne et même les plus pauvres de la société que c'est honteux de demander davantage aux plus riches et que ce n'est pas sérieux d'un point de vue économique. La répartition de la richesse, ça serait une autre maladie socialiste. Le parti québécois à mis de l'avant une taxation additionnelle des revenus élevé, je ne suis pas certain que ça va l'aider, notre société est telllement aliénée.

  • Jean Lépine Répondre

    4 mai 2012

    Pourquoi est-ce impensable ...au Québec...
    Et applicable en Ontario...et si rapidement...
    Il me semble que ce n'est pas si difficile d'aller chercher quelques centaines de million pour répartir plus équitablement
    la richesse....
    Qu'en pensez-vous, monsieur Gouin...???
    http://affaires.lapresse.ca/opinions/chroniques/jean-philippe-decarie/201204/26/01-4519096-hausse-dimpot-et-nettoyage-ethnique.php