Le fantôme de 1929

Crise mondiale — crise financière

On sait qu'afin d'éviter une réaction en chaîne, la Réserve fédérale a violenté certains de ses principes en orchestrant et en finançant en partie le rachat de la cinquième banque d'affaires américaine Bear Stearns. Depuis l'annonce de cette transaction, beaucoup d'encre a coulé, qui souligne la fine connaissance que l'actuel patron de la Fed, Ben Bernanke, cultive encore et toujours à propos d'un sombre chapitre de l'histoire: la Crise de 1929.

Ici et là, on assure d'ailleurs que l'expertise qu'il détient sur cette catastrophe pas si lointaine a plus que teinté la stratégie qu'il a déployée au cours des dernières semaines. Simultanément à ces analyses, une grosse bouteille d'encre a coulé qui, elle, entache passablement le prédécesseur de Bernanke. Il s'agit évidemment d'Alan Greenspan, sujet non seulement d'articles, mais aussi d'un essai au titre décapant: Greenspan's Bubbles. The Age of Ignorance at the Federal Reserve, édité par la sérieuse maison McGraw-Hill.
Crise de 1929, laxisme supposé de Greenspan: il n'en fallait pas moins pour qu'un débat s'amorce autour de la prémisse suivante: si l'industrie financière est aujourd'hui dans le brouillard, pour rester modéré, c'est que les autorités réglementaires et les politiciens ont permis aux acteurs de cette activité de faire ce que bon leur semblait. Autrement dit, les élus de tout bord tout côté ont trop écouté les sirènes d'intérêts très particuliers, très exclusifs.
Ce faisant, on a oublié les enseignements tirés de la débâcle des années 1930. On a oublié que toute la structure réglementaire, le cloisonnement des institutions financières et l'érection de balises diverses sont pour ainsi dire nés à cause de la Crise. Mais voilà, au fil des ans, lobbys aidant, des verrous conçus pour que la gestion sage des flux financiers soit observée ont sauté les uns après les autres dans les années 1980. En un mot, on a tout permis.
Entre autres phénomènes ahurissants, on retiendra le salaire des p.-d-g. Pour justifier le chambardement imprimé à l'allocation d'un revenu au grand patron, les militants de ce bouleversement avançaient que le tout serait lié à la performance de l'entreprise. Bon. Résultat? En arrimant la paie de monsieur au rendement financier, on a ouvert la porte à une gestion imprudente du risque, encouragée par une trop longue politique, à l'époque, de taux d'intérêt faibles sous l'ère Greenspan. Rétrospectivement, on estime qu'en ayant maintenu le loyer de l'argent aux environs de 1 % pendant un an, Greenspan a favorisé un goût effréné pour l'effet de levier. Bref, on empruntait 1 $ à 1 % en croyant récolter 10 $ au bout du tunnel.
L'odieux dans cette histoire se résume en chiffres. Après avoir radié 14 milliards en un coup et un seul, le patron de Merrill Lynch a démissionné en empochant 161 millions comme prime de départ. Celui de CitiGroup a encaissé 68 millions après avoir perdu 18 milliards. Soit dit en passant, dans le cas de ces deux établissements financiers, on s'attend à d'autres radiations substantielles. Enfin, soulignons que le président de Bear Stearns est parti avec 40 millions après avoir mis cette institution sur la paille.
Il y a quelques années, le financier Warren Buffett avait qualifié les subprimes et toute la ribambelle de produits financiers exotiques d'armes financières de destruction massive. On ne saurait mieux dire.


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