Le fanatisme fiscal de Martin Coiteux

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Dogmatisme pathologique - Perseverare diabolicum perinde ac cadaver (persévérer dans l'erreur jusqu'à la mort)





Abolir l’impôt sur le revenu des compagnies


En fouillant dans mes vieux papiers, oh, mais quelle belle surprise, je tombe par hasard sur une opinion songée de l’actuel président du Conseil du Trésor, le ministre libéral Martin Coiteux du temps où il était chroniqueur à La Presse. Son opinion publiée le 3 février 2012 s’intitulait : « À quand la révolution? Ni le président Obama ni les républicains n’envisagent une réforme fiscale pour une imposition plus équitable ».


Dans ce texte, le « révolutionnaire » Martin Coiteux recommande tout bonnement de « ramener l’impôt sur les profits des compagnies à zéro », de réduire substantiellement l’impôt sur le revenu des individus pour plutôt tarifier abondamment les services publics et d’avoir recours davantage à la taxe à la consommation (TVQ et TPS). Ayoye. C’est ça pour le monsieur être révolutionnaire. On n’a plus les révolutionnaires qu’on avait. Un nouveau type de révolutionnaire qui vient délivrer de son esclavage la classe dominante, opprimée qu’elle l’est par la classe moyenne et la classe inférieure. Voilà à quoi rime dans les faits ce qu’il a énoncé dernièrement : « Coiteux annonce l’État du XXIe siècle » (Le Devoir, 26 novembre 2014). Pour Martin Coiteux, le système fiscal actuel quoique très régressif, ne peut plus fonctionner, il faut le rendre plus régressif : « La pensée magique ne suffit plus, dit Martin Coiteux » (Radio-Canada, 25 novembre 2014). Et prétentieux et suffisant comme il est, même du temps où il était chroniqueur à La Presse de Power Corp., il avait intitulé ainsi une autre savante de ses chroniques : « Défoulement de pensée magique. Le Québec néolibéral n’existe tout simplement pas (25 mai 2012). Et j’ajouterais même que le Québec néolibéral existe encore moins au Québec depuis le retour des libéraux au pouvoir. Avec Philippe Couillard, Martin Coiteux, Carlos Leitao, Gaétan Barrette et compagnie à la tête de l’État, je dirais même que le Québec est devenu socialiste. En tout cas, c’est mon opinion. Tous ceux qui ne pensent pas comme lui, Martin Coiteux les taxe de faire preuve de “pensée magique”, une expression qu’il aime bien. Carlos Leitao, notre ministre banquier des finances, vient d’augmenter à 10 000 $ la cotisation maximale autorisée dans le CELI. Cela privera Québec de plusieurs millions de dollars annuellement en supposée pleine période d’austérité. Aider les riches est pour les libéraux une mesure progressiste. Et les CELI, les banques aiment ça et ça vient augmenter leurs gros profits : “Malgré les coûts, Québec rehausse le plafond du CELI” (Le Devoir, 19 juin 2015).


Impôt zéro pour les compagnies, impôts moindres pour les nantis, tarification musclée des services publics et hausse significative de la TVQ que suggère Martin Coiteux, le même qui avec son front de bœuf, a lancé : “Soyez raisonnable, dit Coiteux aux syndiqués de l’État” (Le Devoir, 6 mars 2015). Accepter des hausses de salaire de 1 % pour chacune des deux prochaines années et de zéro pour cent pour chacune des trois années subséquentes, voilà ce qui est raisonnable aux yeux et aux oreilles de Martin. Ainsi, avec l’argent épargné sur le dos des commis d’État et sur les coupures dans les services publics, on sera enfin en mesure de ramener l’impôt des compagnies à zéro au grand plaisir des détenteurs de capitaux et des dirigeants d’entreprises et d’augmenter le plafond des CELI et des RÉER encore plus. Je m’excuse, mais ce gars-là n’est pas un idéologue, ce qui implique d’avoir des idées, mais bel et bien un illuminé obsessionnel. Comme actuel président du Conseil du Trésor dans le gouvernement libéral, il est carrément un danger public.


ISQ, FMI, OCDE
Je suppose monsieur Coiteux que c’est grâce à l’application de vos “révolutionnaires” mesures fiscales que l’on va, au Québec, corriger cette ignominie relevée récemment par l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) : “Les Québécois les plus pauvres regardent les autres s’enrichir” (Le Devoir, 7 mai 2015). Et c’est aussi grâce à vos recommandations fiscales visionnaires et courageuses que l’on va aboutir à ce que le Fonds monétaire international (FMI) a démontré rigoureusement : “La fortune sourit aux pays dont les moins bien nantis s’enrichissent. À l’inverse, le PIB recule lorsque ce sont les revenus des plus riches qui s’accroissent, ont mesuré des chercheurs du FMI” (Le Devoir, 16 juin 2015). Accroître le plafond du CELI, est-ce que cela mes amis va réduire les odieuses inégalités économiques et enrichir les pauvres et aider à financer nos services publics délabrés?


C’est drôle monsieur Coiteux, mais le FMI et l’OCDE préconisent des politiques fiscales à l’opposée des vôtres “révolutionnaires” qui consistent à taxer davantage les revenus, les profits et les capitaux des compagnies et des riches. Je sais bien ce que vous pensez, monsieur Coiteux : les recommandations fiscales “rétrogrades” du FMI et de l’OCDE sont indignes de la société du XXIe siècle que vous envisagez et relèvent encore une fois de votre fameuse “pensée magique”. Vous aimez mieux la philosophie fiscale de vos experts universitaires Luc Godbout, Marcel Boyer, Claude Montmarquette et Robert Gagné.


Les démocrates et les républicains sont aussi déconnectés
Écoutez-moi mes amis, quand un quidam en est rendu à faire la leçon fiscale aux démocrates et aux républicains américains en prétendant qu’ils adoptent des politiques fiscales “inéquitables” et bien selon moi, il faut se poser des questions sur l’équilibre psychologique du monsieur, qui en est rendu à être plus à droite que les républicains américains. Faut le faire. Monsieur Coiteux, votre système fiscal de zéro impôt pour les compagnies serait plus équitable pour qui au juste?


Le FMI, l’OCDE, l’ONU et les républicains et les démocrates américains prêchent pour des mesures fiscales diamétralement opposées à celles de monsieur Coiteux et aucun pays au monde, à part les paradis fiscaux, n’a même songé une seconde à ramener l’impôt sur le revenu des compagnies à zéro, mais monsieur Coiteux persiste et signe. C’est lui qui a raison et qui voit clair. Il est le seul à avoir le pas dans ce défilé fiscal. Imbu de sa personne, vous dites? Voyons donc, jamais les républicains et même leurs affiliés d’extrême-droite du Tea Party n’ont suggéré une mesure aussi capotée, qui est tout le contraire d’être équitable, soit de ramener les impôts des compagnies à zéro. Mais Martin Coiteux le magnifique oui. Et même les présidents républicains américains très à droite Ronald Reagan, George Bush père et fils n’ont jamais pensé à instaurer une telle politique fiscale aussi idiote et injuste. Martin Coiteux si.


Une compagnie, ça n’a pas d’existence physique
Monsieur Coiteux une compagnie représente une construction légale seulement qui n’a pas d’existence réelle et physique. Ce sont les individus, qui ont une existence véritable, qui sont propriétaires de l’artefact juridique qu’est la compagnie. Vous suggérez alors de ne pas imposer les revenus de ces individus propriétaires de la société incorporée lorsqu’ils sont gagnés. Et si ces riches compagnies ne distribuent pas ou peu leurs profits à leurs actionnaires, à leurs détenteurs de capitaux, alors voilà des revenus de plusieurs milliards de dollars qui ne seront jamais imposés. La belle affaire!


En fait, ce que vous préconisez comme modèle fiscal “équitable” et “révolutionnaire” est que le Québec, le Canada, les États-Unis, etc. deviennent de fait des paradis fiscaux. Bonne idée, il n’y aurait plus dans ce cas au pays d’évasion fiscale dans les paradis fiscaux. Tout au contraire, le Québec et le Canada deviendraient eux-mêmes, comme les îles Caïmans et les îles Vierges, un paradis fiscal : paradis pour certains et enfer pour la majorité, on s’entend.


La compagnie, un abri fiscal
Monsieur Coiteux, déjà que le Québec est un paradis fiscal pour les compagnies que nous dit la firme internationale comptable KPMG, mais pour vous et vos semblables, ce n’est pas assez : “Compétitivité fiscale des compagnies. Le Québec se classe parmi les premiers” (Le Devoir, 18 juin 2014). Idem pour le Canada, monsieur Coiteux : “Canada, champion de la compétitivité fiscale de compagnies” (Radio-Canada, 25 septembre 2012), selon encore KPMG et aussi selon la Banque Mondiale et PricewaterhouseCoopers, un autre cabinet comptable international : “Une fiscalité avantageuse pour les entreprises au pays” (Radio-Canada, 3 décembre 2012). Si le Québec et le Canada sont des champions internationaux de la fiscalité des compagnies, ça veut dire qu’elles paient moins d’impôts sur le revenu qu’ailleurs. Mais pour le “raisonnable” Martin Coiteux, ça serait beaucoup mieux si nos entreprises, au seul bénéfice de leurs propriétaires, ne payaient plus d’impôts sur le revenu, zéro, niet, kapout. 


Saviez-vous monsieur Coiteux que déjà avec de si minimes taux d’imposition, la compagnie constitue un formidable abri fiscal au profit de la classe possédante comme pour les 9 400 médecins incorporés au Québec qui privent de l’État de 164 millions $ en recettes fiscales chaque année : “Toujours plus de médecins inc.” (Journal de Montréal, 23 septembre 2014). Demandez aux médecins incorporés qu’étaient Philippe Couillard et Gaétan Barrette. Et si tout le monde, tous les travailleurs s’incorporaient eux aussi.


Comme le patronat et comme devinez qui?
Les patentes fiscales de Martin Coiteux et des libéraux du Québec sont peut-être, selon certains porte-queues, révolutionnaire, audacieuses, courageuses, etc., mais c’est du réchauffé puisqu’en 1994, le Conseil du patronat du Québec (CPQ) clamait : “Le CPQ préfère une taxe à la consommation à l’impôt sur le revenu” (Le Devoir, 6 juillet 1994). Martin Coiteux, le PLQ et le patronat du Québec même combat fiscal pour un système “équitable” et donc “révolutionnaire. Voilà où les grands esprits se rejoignent.


Et oui, ici même au Québec et au Canada nous avons hélas un autre sauté qui partage les mêmes vues que Martin Coiteux : ‘Maxime Bernier propose d’abolir l’impôt des entreprises’ (Le Devoir, 28 mars 2010). Coiteux et Bernier, un vrai beau petit couple. Avec eux en politique, la population est entre de bonnes mains. En passant, les journalistes et les médias aiment bien Martin Coiteux et Maxime Bernier.


Qui sont les fanatiques?
Pour la classe privilégiée et leurs milices du Québec, les fanatiques sont ceux qui comme Barack Obama, le FMI, l’ONU, l’OCDE, l’ensemble des pays européens et les économistes Joseph Stiglitz, Paul Krugman et Thomas Picketty proposent des hausses d’impôt sur le revenu et sur la richesse des compagnies et des nantis. Un type comme Martin Coiteux même s’il est le seul dirigeant politique occidental qui veut abolir l’impôt sur le revenu des compagnies, diminuer celui des riches et taxer la consommation et tarifier les services publics, qu’à cela ne tienne pour un journal comme La Presse détenue par la transnationale Power Corp. qui est active dans les services publics (santé et pensions) et dans les ressources naturelles, Martin Coiteux est tout simplement formidable comme le démontre le titre de ces articles qui lui ont été dévolus dans ledit quotidien qui admet d’être d’obédience libérale à la saveur des libéraux actuels du Québec :


— ‘Martin Coiteux. Un pitbull pragmatique (23 mars 2015). Pitbull, oui, mais avec le monde ordinaire seulement. Pragmatique, vraiment?


— ‘Martin Coiteux... le réformateur’ (26 avril 2014). Impôt zéro des compagnies. Allô réformateur! Pour lui, c’est de cette façon que l’on va moderniser et réingénierie l’État.


— ‘Martin Coiteux... un homme rigoureux’ (5 juin 2014). Martin, un homme rigoureux selon le non moins rigoureux chroniqueur Vincent Marissal.


Et vous que pensez-vous de monsieur Coiteux? Vraiment pathétique de voir La Presse saupoudrer généreusement Martin Coiteux de tous ces superlatifs. C’est vraiment bientôt que Martin Coiteux sera nommé personnalité de la semaine à La Presse et peut-être même de l’année.




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