Le fanatisme à Cap-Rouge

Sages paroles qui auraient plus de portée si elles n'étaient pas noyées sous un flot de marshmallow bon-ententiste





Face à l’horreur terroriste, nos cœurs naviguent naturellement entre la tristesse et la colère. Force est d’admettre cette semaine que notre sentiment de colère est plus facile à canaliser quand le mal a un visage et qu’il est lointain.


Lorsqu’un événement terroriste peut être associé par exemple à une organisation vile comme le groupe armé État islamique, il y a un «méchant» facilement identifiable. Les discours de nos dirigeants comme les réactions populaires sont facilités par la présence d’un ennemi identifiable.


Lorsqu’un jeune de Cap-Rouge commet l’horreur, les choses ne sont pas si simples. Nous avons plus de difficulté à nommer l’ennemi qui nous terrorise.


Haine et aveuglement


Mais au fond, l’ennemi est le même: le fanatisme. Le fanatisme est fait d’un mélange de haine, d’aveuglement et de justifications pour détruire l’autre. Ainsi défini, le fanatisme correspond tout à fait à l’horreur que propage un groupe terroriste comme l’État islamique.


Sans avoir le fin détail des motivations d’Alexandre Bissonnette, on imagine facilement que le fanatisme correspond tout autant à la dérive qui a conduit ce jeune de bonne famille vers la perpétration d’un acte ignoble.


Notre problème depuis dimanche, c’est que le fanatisme de Cap-Rouge nous effraye davantage au fond. En regardant sur YouTube des scènes de décapitation mises en ligne par des djihadistes, nous nous disons horrifiés à juste titre. Mais il y a un côté de nous qui se dit que c’est bien loin tout ça. Et d’aussi loin, facile de coller les plus horribles qualificatifs à l’assassin tout en continuant à dormir en paix.


Dans le cas d’un fanatisme issu de Cap-Rouge, nous reconnaissons un quartier typiquement de chez-nous, une famille typiquement de chez-nous. C’est trop proche pour en arriver au même niveau de détachement. Trop proche pour s’en laver les mains avec des formules toutes faites.


J’ai cherché le point commun qui recoupe tous ces radicalismes dangereux. Ma réponse: l’absence d’écoute de l’autre. Vivre en société, vivre en démocratie, c’est par définition vivre en présence d’une multitude de désaccords.


Les débats qui découlent des différences de point de vue peuvent être vifs, émotifs, déchirants. Le moment où se termine la démocratie et où commence le fanatisme, c’est lorsqu’on n’écoute plus l’autre d’aucune façon.


Poussé à l’extrême, on finit par croire que l’autre ne devrait plus avoir voix au chapitre. Poussé plus à l’extrême, on finit par croire que l’autre devrait disparaître. Poussé jusqu’à la folie, on finit par poser un geste pour faire taire et disparaître l’autre. Bissonnette s’est rendu là.


Nos élus


Réunis dans un élan de solidarité exceptionnel, nos élus nous ont rappelé le socle des valeurs non négociables dans notre société. J’espère qu’ils sont conscients qu’ils doivent servir de modèles en matière d’écoute de l’autre.


Les gens de droite doivent écouter les gens de gauche et vice versa. Les souverainistes doivent écouter les fédéralistes. Sans démoniser les points de vue de l’autre. Il ne s’agit pas d’abandonner ses convictions. Il s’agit de tracer la ligne entre le bouillonnement d’une vie démocratique saine et les tentations du fanatisme.




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